Publié le 16 Mar 2016 - 19:44
FODE SYLLA, AMBASSADEUR ITINERANT AUPRES DE MACKY SALL

‘’Avec le OUI, le Sénégal va figurer parmi les plus grandes démocraties africaines’’

 

Ambassadeur itinérant auprès du président de la République du Sénégal depuis 2014, Fodé Sylla dirige également la Coordination des mouvements citoyens pour le OUI. Lancé dans la campagne pour l’adoption des 15 mesures soumises à l’appréciation du peuple sénégalais, l’ancien président de SOS Racisme par ailleurs ex-euro-député issu de l’immigration africaine, estime qu’à travers ce référendum, le Sénégal a une chance et une opportunité formidable de figurer parmi les grandes nations africaines, démocratiques et de rentrer dans ce cercle vertueux des grands pays démocratiques dans le monde. Dans cet entretien avec EnQuête, il n’exclut pas sa candidature au poste de député issu de la diaspora.

 

Quel est votre avis sur le référendum ?

Je me sens extrêmement concerné par ce débat. Tout mon combat a été essentiellement autour des questions d’émancipation, de libertés individuelles et collectives et dans un cadre démocratique. Si j’ai, à un moment, porté la parole des défenseurs des droits de l’homme français, c’est parce qu’il y a eu un cadre démocratique qui me permettait de le faire. De ce point de vue, je dirais que la démocratie n’est peut-être pas le meilleur des systèmes mais en tout cas, celui dans lequel on permet à des hommes et des femmes de vivre ensemble.

D’autre part, le référendum est la forme ultime, suprême de la démocratie. D’abord le président n’était pas obligé de le faire. En le faisant, c’est-à-dire qu’il décide en dernière analyse, d’aller devant tous les Sénégalais en faisant certainement d’autres propositions. Comme disait Nelson Mandela : ‘’Tout ce que vous faites pour nous, sans nous, est contre nous.’’ La démocratie est un bien qu’il s’agit de partager avec la population. J’ai eu la chance d’avoir un parcours en France, en Europe. Je dirais qu’aujourd’hui, ce qui est important, c’est ce que cela va pouvoir apporter au Sénégal.

Moi je ne veux pas que le 21 mars, on se réveille en se disant que les Sénégalais n’ont pas voulu aller plus loin dans leur histoire démocratique et n’ont pas voulu franchir ce nouveau départ. Les gens diront que les Sénégalais n’ont pas entériné des réformes pour faire de sorte que la démocratie se modernise et aille plus loin. Je ne pense pas que les Sénégalais soient comme ça. Bien au contraire. Nous sommes un peuple qui a une histoire extrêmement forte dans nos relations entre nous, dans l’image qu’on renvoie à l’extérieur et de ce point de vue, je pense que nous sommes tout à fait capables d’adopter ces propositions. J’aurais même souhaité qu’on aille encore plus loin, par exemple, qu’on pose les questions de parité, mais cela viendra…

Globalement, ce que je dirais en résumé sur cette question, c’est que le Sénégal a une chance et une opportunité formidable de figurer parmi les grandes nations africaines, démocratiques et de rentrer dans ce cercle vertueux des grands pays démocratiques dans le monde.

Vous êtes donc pour le OUI, comment comptez-vous vous impliquer pour l’adoption des réformes par les populations ?

Au début, je suivais le débat sans vraiment m’impliquer. Mais ce sont des jeunes de Thiès, la ville d’où je suis né, qui sont venus me voir. Ils reconnaissent mon parcours militant des droits de l’Homme, et m’ont proposé de travailler sur les propositions qui vont toucher nos vies quotidiennes, ne serait-ce que le droit de vivre dans un environnement sain. J’ai accepté. Après, il y a d’autres jeunes de Tamba, ville d’où je suis issu, qui m’ont dit qu’ils étaient aussi intéressés. Donc on s’est réuni, il y a de cela quelques semaines, autour du ministre d’Etat Amath Dansokho, une figure du Sénégal orientale ; ils nous ont demandé si on acceptait de les aider à faire ce travail de vulgarisation des 15 points, y compris d’avoir la capacité d’aller les expliquer en Wolof, en Pulaar, en Bambara, etc. Nous avons mis en place un cadre dénommé Coordination des mouvements citoyens pour le OUI. Je fais partie de la coordination avec beaucoup de jeunes et Amath Dansokho. Nous allons nous investir sur le terrain pour le triomphe du OUI.

Comment appréciez–vous les arguments du camp du NON ?

Il y a des périodes où toutes les batailles sont légitimes et où également toutes les oppositions sont légitimes. Mais je pense qu’il faut surtout éviter d’être dans une situation schizophrénique. Quel que soit le pouvoir en place, aujourd’hui ou demain, on ne peut pas refuser certaines dispositions et certaines propositions. Notamment, le point d’achoppement de toutes ces propositions : le statut de l’opposition. Désormais avec ces réformes, il faut non seulement la reconnaître mais lui donner un véritable statut.

A partir de ce moment, il me paraît pour le moins surprenant qu’aujourd’hui, des personnes soient  dans l’opposition et critiquent légitimement ces dispositions. Mais il serait pour le moins étonnant et d’une démarche schizophrénique de leur part que d’aller mettre un bulletin en disant qu’on est contre le fait qu’on reconnaisse notre rôle d’opposant. De la même façon, il y a une disposition qui permet à chaque Sénégalais, ce qui n’est pas le cas jusqu’à aujourd’hui, de pouvoir se présenter à toutes les élections. Aujourd’hui pour se présenter à une élection, il faut un parti politique et des moyens. Mais à partir de là, tous les Sénégalais vont pouvoir le faire. Donc je ne vois pas comment on peut aujourd’hui se positionner sur des choses aussi importantes que de voir une Assemblée nationale qui va contrôler l’action gouvernementale, comment on peut s’opposer au fait que plusieurs Sénégalais participent à la vie démocratique. Dans mon parcours, j’ai fait aussi le mouvement associatif et je suis très attaché à la société civile.

Je pense qu’il y a beaucoup de personnes au Sénégal qui sont légitimes pour aller à des élections parce qu’elles ont une connaissance du terrain et parce qu’elles sont connues et reconnues. Mais c’est à peu près toujours les mêmes personnes qui se partagent le pouvoir. Là, nous avons une disposition qui va permettre à plus de Sénégalais de pouvoir participer à la vie locale et de pouvoir aussi se présenter à des élections. Peut-être aussi qu’on aura des surprises.  Ce que je n’arrive pas bien à comprendre, c’est comment on peut aujourd’hui, dans un pays comme le nôtre, aller mettre un bulletin NON  dans la mesure où tout cela, ce sont des acquis importants pour la population sénégalaise. Cela va permettre de donner une image extrêmement importante de notre pays.

Parmi les points soumis à ce référendum, il y a la possibilité pour la diaspora sénégalaise d’avoir un député. Est-il opportun aujourd’hui d’avoir un député issu de la diaspora ?

Ce qui est important, c’est de comprendre une chose. On a bien suivi tous ces mouvements, cela va faire peut-être un demi-siècle que des hommes sont partis en exil et beaucoup sont issus de la région du Sénégal oriental. Ces hommes et ces femmes vivent dans des conditions parfois véritablement déplorables. Ils sont entassés dans des chambres de fortune et ce sont des gens victimes d’un discours xénophobe, souvent dans des pays occidentaux. On sait aussi qu’ils font plus de 800 milliards d’apports financiers par an et c’est grâce à cet apport que des régions entières du Sénégal réussissent à faire face aux problèmes de scolarité, d’accès à l’eau à travers des forages ou tout simplement des questions liées à la santé.

Je crois que le président de la République a raison de faire en sorte qu’il y ait une véritable reconnaissance du rôle de ces hommes et femmes dans le développement économique, social, environnemental de notre pays. La moindre des choses, c’est de les honorer. Et là aussi, je suis inquiet de penser que certains partisans du NON vont vouloir peut-être rejeter une proposition qui n’est finalement que de rétablir des hommes et des femmes qui sont déjà victimes d’assez de discrimination dans ces pays où ils sont partis émigrer, pour pas qu’on leur apporte ce minimum de reconnaissance de la Nation.

Si jamais cette réforme passe et que la diaspora obtient la possibilité de se choisir un député, seriez-vous intéressé par ce poste ?

J’ai eu à occuper des responsabilités étant très très jeune. J’ai eu la chance d’avoir un président de la République qui s’appelle François Mitterrand qui était extrêmement à l’écoute du mouvement de la jeunesse et qui a compris qu’avec la montée de l’extrême droite en France, notamment du Front national et son discours ouvertement anti immigré, anti musulman, anti Noir, qu’il était important d’aider à ce qu’il y ait un mouvement comme SOS Racisme pour qu’il puisse s’exprimer et rappeler des choses aussi simples que la France est comme une mobylette ; ça marche au mélange et que c’est sa diversité qui fait progresser sa société.

Dans ce cadre, rencontrant quelqu’un comme François Mitterrand, Julie André, en militant, j’ai réussi à occuper des positions, très jeune ; j’avais 26 ans. Je suis arrivé au Parlement européen, j’en avais 35 ; j’étais d’ailleurs le seul député issu de l’immigration africaine. Il existe potentiellement des personnes comme moi qui peuvent assurer ce rôle. Il faut donner la chance à bien d’autres personnes parce qu’elles vont prendre la parole, parce qu’elles ont peut-être commencé à écrire, parce qu’elles produisent des idées et qui sont aujourd’hui à la pointe de la réflexion et des innovations. Il faut permettre à ces gens de pouvoir se présenter.

Moi en tout cas, je serai là pour pousser, peut-être même aider certains à formaliser un peu leurs revendications. Bien évidemment, je n’exclus pas que moi-même je puisse y aller. Mais la priorité, c’est de dire que c’est possible qu’il y ait des représentants de la diaspora. Ce qui est important, c’est que la voix de ces hommes et femmes puissent aussi exister à l’Assemblée nationale sénégalaise, qu’ils soient pris en compte sur des questions de développement local.

En tant qu’ancien euro-député, vous avez une expérience de la scène internationale ; comment voyez-vous la politique étrangère de l’Etat du Sénégal ?

Honnêtement, je pense que d’abord, quand on regarde le nombre d’organisations qui délivrent le satisfecit au Sénégal, de la Banque mondiale au Fonds monétaire international (Fmi) en passant par les Agences de notation, même s’il ne faut pas en faire l’alpha et l’oméga de tout, on peut être satisfait de la place que notre pays a retrouvée, un peu grâce aux yeux des grandes institutions internationales. Le fait aujourd’hui que des gens investissent dans un pays sous-entend qu’il est stable, qu’il y a la démocratie et qu’il pourra faire face à des situations d’aléas sur la gestion des affaires du pays.

La situation du Sénégal, vu d’où l’on vient, vu que l’image qui avait extrêmement détériorée se rétablit, permettra d’avoir un espace plus propice pour que les gens viennent investir. De ce point de vue, le travail qui a été fait à l’international est extrêmement important.

La deuxième chose, c’est que nous avons un président de la République qu’on appelle aujourd’hui dans une série d’organismes comme la Cedeao, la Francophonie, le Nepad. On l’appelle quand il y a des problèmes au Burundi. Pour faire cela, il faut déjà en faire dans son propre pays. C’est compliqué d’aller faire la leçon dans un autre pays, de servir d’arbitre lorsque chez soi, les choses ne sont pas au fait des avancées démocratiques.

La preuve du dynamisme de la politique internationale sénégalaise est quand même liée avant tout au fait que notre président, quelque part, on doit même le partager à travers les différentes institutions qui s’illustrent. Enfin je dirais que la preuve la plus flagrante pour moi et symbolique, c’est le nombre de gens qui nous ont plébiscité lorsqu’on a voulu rentrer comme membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Je pense que nous avons le pays qui avait été le plus sollicité dans le monde.

PAR ASSANE MBAYE

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