Publié le 10 Sep 2016 - 13:24
FOIRAILS NORD-FOIRE ET PARKING LSS

En attendant les acheteurs...

 

Aux foirails Nord-Foire et Parking LSS, les vendeurs de moutons ne se tournent pas les pouces, à deux jours de la Tabaski. Mais, l’attentisme imprévisible des acheteurs les intrigue.

 

Le stress ovin qui a perturbé le sommeil des pères de famille se dissipe petit à petit, avec toutes ces têtes qui sont déchargées des gros porteurs, un peu partout dans la capitale. ‘‘Je suis soulagé de voir tous ces moutons. Pour moi et pour tous ceux qui sont dans ma situation, c’est un vrai soulagement pour les yeux. Maintenant reste à savoir, s’ils sont aussi abordables qu’ils paraissent’’, exulte Mamadou Biaye. Ce père de famille est accompagné de ses deux jeunes fils qui s’émerveillent devant les enclos où, de temps à autre, une bête qui sort de l’ordinaire suscite leurs commentaires gais et innocents. Leur papa de fonctionnaire est quant à lui aux prises avec les vendeurs.

Après deux marchandages infructueux, il tombe d’accord avec un vendeur téfanké sur une bête cornue et bien en point pour moins qu’il avait prévu : 90 mille FCfa au lieu de 120 mille. Tout heureux de s’en tirer à si bon compte, il engouffre l’animal dans le coffre de sa voiture et embraie sans demander son reste. Dans l’énorme parking du stade Léopold Sédar Senghor, pris d’assaut par les moutons, et quelques rares troupeaux de chèvres, l’imminence de la Tabaski dicte sa loi. Mais tout le monde n’est pas aussi chanceux que Biaye. Abdoulaye frisant la cinquantaine et accompagné de son fils a son propre prix-plafond : 80 mille FCfa. Mais, il se donne aussi l’embarras du choix. ‘‘Ce n’est pas l’argent qui pose problème, mais les bêtes ne sont pas à ma convenance. Je sais que je n’ai que cette somme, mais ce n’est pas pour autant que je vais prendre n’importe quel mouton. 80 mille, ce n’est pas rien’’, proteste-t-il devant les vendeurs qui ne cessent de lui faire la cour. De sa voix calme d’où pointe un soupçon d’exaspération, il promet qu’il ne va pas se tuer à la tâche, quitte à ne pas célébrer la fête.

Au stade Léopold Sédar Senghor, vendeurs et acheteurs sont dans la dernière ligne droite qui mène à l’Aid-el-kébir. Fort d’une vingtaine d’années d’expérience dans la vente des moutons, Maleyni Ka qui a quitté Linguère pour la capitale, mardi, a cessé de s’inquiéter des fluctuations des marchés. Bâton en main pour rassembler ses 390 moutons qu’il gère avec une équipe de cinq personnes, il estime ‘‘être venu assez tôt dans la capitale. Jusqu’à présent, les gens ne font que du constat. Ils viendront aujourd’hui, demain et le jour de la fête même’’, déclare-t-il pour expliquer cette tendance de plus en plus tardive des vendeurs à occuper le marché. De son point de vue, ceci ne procède pas d’une stratégie de surenchère, mais de raisons pratiques. ‘‘Les Dakarois achètent très tard, car ici c’est en milieu urbain. Les gens n’ont pas où garder de bêtes. C’est pour cela qu’ils en achètent tard’’, explique-t-il.

‘Kharou yarr’ vs ‘thiogal’

Un peu plus bas, devant le parking du dancing ‘‘Yengoulène’’ c’est une foire aux moutons dans des proportions presque similaires que dans le parking du stade de LSS. Du rond-point de la Foire, jusqu’à l’Unité 26 des Parcelles assainies, bêlements et marchandages serrés constituent le décor inhabituel sur les rebords de l’artère pour les habitués. Dans plusieurs points de vente de la capitale, comme celui-ci,  ce sont les ‘‘kharou yarr’’, les bêtes de race de l’élevage à domicile ou professionnel, qui avaient pris le pouvoir à un mois de la fête. Pour les vendeurs qui s’adonnent à ces opérations, hors de question de brader leurs bêtes, avec tous les frais qu’ils ont mis dans leur élevage. ‘‘S’occuper de ces moutons exige des sacrifices financiers lourds. L’aliment de bétail qu’ils consomment coûte très cher. Sans parler des autres charges’’, déclare Madou Fall pour  justifier le prix exorbitant pour le commun des Sénégalais. Le prix-plancher pour ces bêtes dodues et soigneusement entretenues est de 200 mille FCfa, alors que les plus chers, plus d’une quinzaine séparées du reste du troupeau, dépassent tous le million et demi. Tandis que lui et ses compagnons avaient pignon sur rue, la venue des ‘‘thiogal’’ a contrarié leur monopole, depuis le weekend dernier.

Ces derniers sont les moutons, pour la plupart constitués en troupeaux des éleveurs téfankés ou peuls, qui ont commencé à arriver par milliers dans la capitale.  Plus accessibles pour la majeure partie des acheteurs dakarois, leur venue par centaines rassure. Les vendeurs sont cependant très remontés contre les sorties ministérielles, cette année. ‘‘Les politiques ne peuvent pas rester dans leurs bureaux climatisés pour parler tout le temps et faire semblant de vouloir travailler, à l’approche des grands évènements’’, peste Omar Ka dans ce foirail à ciel ouvert à Nord-Foire. Pour lui, l’avis de pénurie en moutons a été un peu prématuré. Et la tentative de rattrapage médiatique du ministre Aminata Mbengue Ndiaye catastrophique. ‘‘Nous vendons au minimum à 80 mille et 120 mille au maximum. Convenez que c’est abordable ! ’’, s’exclame  Omar Ka.

Ses autres camarades, Amadou Barry et Moussa Ba avec lesquels il tient le troupeau acquiescent. Les lourdes charges imposées aux éleveurs-vendeurs est, selon lui, l’une des principales causes qui les dissuade de venir dans la capitale sénégalaise, à temps. Les tracasseries en terre malienne où ils transitent après avoir acheté les bêtes en Mauritanie comptent pour beaucoup dans l’inflation du prix de ces bêtes. ‘‘Ils (Ndlr : les Maliens) veulent que l’on reste chez eux, c’est pourquoi, ils nous font payer tout et n’importe quoi’’.  La voie de contournement, par la mer, n’est pas moins coûteuse, puisqu’il a fallu débourser 1000 francs pour chacun des 350 moutons qu’ils ont acheminés sur Dakar. Sans compter, l’aliment, l’eau, les bâches, la sécurité qui rognent sérieusement leur budget et qu’ils font répercuter sur le prix de vente. Mais Omar demeure optimiste pour les acheteurs qui veulent sacrifier au rituel d’Abraham. ‘‘Nous leur faciliterons tout inchallah’’, déclare-t-il. 

OUSMANE LAYE DIOP

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