Publié le 29 Jan 2019 - 23:22
FONDS DE PEREQUATION ET D’APPUI AUX COLLECTIVITES LOCALES

Des ambitions titanesques, des résultats minuscules

 

La montagne d’espoirs attendus par les communes sur le Fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales (FPACL) risque d’accoucher d’une souris au vu des simulations réalisées dans le cadre d’une étude commanditée par l’ONG 3D. A titre d’exemple, la commune de Dianamalary à Sédhiou risque de ne pas avoir plus de 1350 francs sur des recettes collectées entre 2009 et 2015.

 

Un dossier ‘’difficile’’. ‘’Passionnant’’. Depuis 2009, les Collectivités locales attendent avec impatience les ristournes que leur doit le gouvernement au nom du Fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales (FPACL). Des acteurs, venus de divers horizons, ont partagé, hier, dans un hôtel de la place, sur ces revenus qui ont suscité beaucoup d’espoir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le désenchantement est l’un des sentiments les mieux partagés à la lecture de certains aspects de l’étude sur le FPACL, commanditée par l’ONG 3D (Décentralisation, Droits humains et Développement local) en partenariat avec le ministère de la Gouvernance locale. Par exemple, la simulation de mise en œuvre du fonds tel que prévu montre, qu’en ce qui concerne la dotation de péréquation, certaines communes ne pourraient avoir plus de 1380 francs CFA. C’est le cas de Dianamalary située à Sédhiou. Nombre des communes de cette région du Pakao auront ainsi du mal à avoir 10000 francs si les fonds sont répartis conformément aux dispositions législatives en vigueur.  La région étant doublement victime de son poids démographique faible, en sus de ne pas être une région productrice. Et les exemples font florès dans l’étude.

Si ce n’est la modicité des montants alloués à certaines collectivités territoriales, ce sont les disparités souvent au détriment des zones productrices. En effet, selon l’étude, au niveau de la région de Ziguinchor par exemple, les montants à verser aux communes varient de 790 FCFA pour Santhiaba Mandiaque à 54.551 FCFA pour la commune de Ziguinchor. En ce qui concerne la dotation des départements, les montants dus sur la période de 2010 à 2015 varient entre 16.460 FCFA (Fatick) et 171.470.417 FCFA (Kédougou). Cependant, l’étude montre que l’écrasante majorité des départements situés dans les régions administratives de Kaolack, Kolda, Louga, Kaffrine, Fatick, Sédhiou et Ziguinchor reçoivent des sommes inférieures à 50000 FCFA. Suffisant pour faire dire au réalisateur, Cheikh Tidiane Touré, ancien membre de l’ITIE, qu’en appliquant le principe de la répartition des 80% aux communes, on constate des disparités qui poussent à s’interroger sur la véritable vision de développement qui sous-tend la mise en œuvre de la dotation de péréquation.

Des lenteurs dans le décaissement du fonds

Autre constat plus ou moins ahurissant est que les collectivités locales abritant les sites des opérations minières, qui étaient censées bénéficier d’une compensation plus importante pour les préjudices subis, se retrouvent avec des montants inférieurs à ceux obtenus pour les autres collectivités de la région. ‘’A titre d’exemple, cite le rapport, dans la région minière de Thiès, des communes comme Fissel, Thiadiaye ou Saly qui n’abritent pas de sites miniers se retrouvent avec 12. 763.588 FCFA au moment où celle de Cherif Lô et Montrolland reçoivent respectivement 6.561.811 FCFA et 5.202.150 FCFA’’.

Axée sur les transferts et les fonds de développement local, l’étude fait ainsi ressortir, à travers des données documentées, l’impérieuse nécessité d’une réorientation de la clé de répartition desdits fonds, en vue d’améliorer les conditions de vie des ayants droits, particulièrement des populations directement impactées. Sur ce plan, il a beaucoup été question pour les experts de conseiller le gouvernement à s’inspirer de ce qui se fait de mieux en Afrique et dans le monde. Cheikh Tidiane Touré de montrer que dans certains pays à structure fiscale décentralisée tels que le Pérou, l’Indonésie, ou les Philippines, le pourcentage rétrocédé au niveau local peut être très important (près de 50% ou plus).

Au Sénégal, les montants restent encore assez dérisoires dans certains cas pour avoir une quelconque influence sur le développement des collectivités bénéficiaires. Encore que, selon certaines sources, rien n’est encore entré dans les caisses des entités décentralisées. Malgré les directives fermes du chef de l’Etat. D’après les statistiques du ministère en charge des mines, il s’agit de 38 202 732 152 FCFA au titre des redevances et des droits fixes, engrangé par l’Etat durant la période 2010-2015. La part de cette enveloppe dédiée aux collectivités locales est estimée à 20%, soit 7.640.546.430 FCFA.

Le rapport indique en outre que, de 2010 à 2015, les principales régions contributrices au FACL sont Kédougou (84,16%), Thiès (13,22%) et Dakar (1,87%). Les principales entreprises qui alimentent cette redevance interviennent dans le secteur de l’or, des phosphates, du calcaire et dans l’exploitation des sables lourds minéralisés (Zircon et Ilménite). Pour 2016, le consultant a noté une nette évolution par rapport aux entrées financières. Ainsi, renseigne le document, le cumul des recettes encaissées au titre de la redevance et des droits fixes s’établit, en effet à 16.311.254.181 FCFA. ‘’Sur cette base, on peut déduire que le montant destiné au FPACL s’évalue à 3.262.250.836 FCFA pour la même année. Cela signifie que de 2010 à 2016, le montant cumulé à verser au FPACL s’élève à dix milliards neuf cent deux millions sept-cent quatre-vingt-dix-sept mille deux cent soixante-six francs’’, lit-on dans le document.

Par ailleurs, le rédacteur du rapport est revenu sur les décrets 2009-1334 et 2015-1879 qui régissent la répartition du FPACL. Ces décrets prévoient 20% des redevances minières et des droits fixes pour les collectivités locales. Cette manne est répartie comme suit : 60% pour la dotation d’appui à l’équipement et 40% pour la péréquation affectée au FECL (Fonds d’équipement des collectivités locales). 80% des fonds de dotation seront affectés aux autres collectivités de la région contre 20% aux collectivités abritant les opérations. Même chose pour les 40% affectées au FECL. Suprême injustice si l’on en croit nombre des participants qui trouvent que dans bien des cas, les collectivités abritant les opérations sont lésées. A ce niveau, les réactions sont mitigées.

Si certains participants trouvent qu’il faudrait tout bonnement écarter le critère de la répartition selon le poids démographique en mettant l’accent sur le degré des impacts. D’autres voient moins de problème sur cet aspect. Pour eux, il faut plutôt travailler à accroitre les ressources réservées aux collectivités territoriales. Autant de questions qui ont été l’objet d’une réflexion approfondie dans le rapport. ‘’Pour appréhender ces défis, explique le réalisateur du rapport, nous avons tenté de répartir les 60% de dotation d’appui à l’équipement des collectivités locales des régions circonscriptions administratives abritant les opérations au prorata de la contribution de chaque circonscription administrative aux ressources d’une part et d’autre part, les 40% aux autres régions circonscriptions administratives au titre de la péréquation’’. Et les résultats ne sont guère satisfaisants. D’autant plus que vus les chiffres de la simulation. Cela est d’autant plus vrai que ces chiffres s’étalent sur sept ans, souligne le rapport.

Quatre recommandations majeures

Cela dit, les participants à l’atelier de restitution, bien que reconnaissant les difficultés, ont salué les efforts de l’Etat. Ils se sont également interrogés sur la longue léthargie en ce qui concerne la mise en œuvre de ce fonds prévu par les textes. ‘’Il faut se demander, selon Cheikh Tidiane Touré, pourquoi pendant tout ce temps, l’Etat n’a pas appliqué ces textes qui sont en vigueur’’. Pour lui, avec l’évolution des recettes issues des ressources extractives, les collectivités peuvent espérer beaucoup

plus de revenus. Afin de renforcer l’efficacité du fonds, le rapport a formulé des recommandations dont la mise en place d’un comité de suivi de la mise en œuvre du FPACL, impliquant les Collectivités locales et leur ministère de tutelle ainsi que les organisations citoyennes, un dialogue structuré et bien construit avec l’Etat, à travers le Ministère des mines, et celui des finances et surtout, celui de la décentralisation afin de repenser la répartition du fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales. Le rapport demande aussi la simplification de la clé de répartition des fonds à travers une procédure simple et intelligible d’une part, d’autre part, de modifier les pourcentages en se basant sur des simulations qui prennent en compte plusieurs scénarios de recettes. Il a également été recommandé aux pouvoirs publics de mettre en place de véritables outils de suivi budgétaire à travers par exemple, une cartographie des principaux projets qui alimentent le fonds de péréquation et la mise en place d’outils de prévision de recettes, en collaboration avec le Comité National ITIE et les services centraux.

Enfin, le document propose de mener un plaidoyer pour une mise à jour des capacités au niveau du Ministère des Mines, afin de fiabiliser le système d’informations et de cadastre, en vue d’harmoniser les chiffres produits par le Ministère et ceux publiés dans les rapports ITIE. Pour Moussa Ba, participant, il faut repenser même les territoires sénégalais. ‘’Ce qui me pose problème, souligne-t-il, c’est l’absence d’un objectif réel de développement. Il faut aussi l’inscrire dans un cadre global en tenant compte, par exemple, des initiatives relatives à la gouvernance des finances publiques. Ici, tu vois des hameaux, des bourgades qu’on a érigés en communes. Comment on peut imaginer le développement de ces bourgades. C’est ridicule’’. Pour lui, les ressources extractives doivent d’abord et avant tout profiter aux collectivités qui les génèrent.

 Quant à Moussa Mbaye Gueye de Enda Lead, il estime que dans l’utilisation des ressources, il faut veiller à ce qu’elles soient destinées à des programmes bien déterminés. ‘’Comment mettre en place des indicateurs locaux en lien avec les objectifs globaux ? Cette répartition permet-t-elle de résorber le gap en matière d’accès aux services sociaux de base dans ces zones minières ?  Cela doit être un indicateur important pour juger de l’intérêt de ce fonds’’, souligne le leader de Enda Lead.

MOR AMAR

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