Publié le 30 Nov 2015 - 22:14
FOOT - ANGLETERRE

Quand un supporter d'Everton enquête sur les emprunts obscurs des clubs anglais

 

Sociétés offshore, paradis fiscaux, cercle de milliardaires... Un supporter d'Everton s'est mué en enquêteur (anonyme) pour chercher à qui profite les emprunts que son club et d'autres ont contracté auprès de deux sociétés fort peu transparentes.

 

Il était présent à l'Assemblée Générale des actionnaires d'Everton, lundi dernier, mais en toute discrétion. Le supporter des Toffees à l'origine de troublantes révélations sur l'argent du foot anglais tient à son anonymat. Sous son masque des Anonymous et la signature @WatchedToffee, ce ‘’lanceur d'alerte’’ distille sur Twitter et au fil de son blog, Everton Viral, des informations exhumées d'un maquis de sociétés offshore basées dans des paradis fiscaux.

A ce stade de ses investigations, @WatchedToffee pointe une douzaine d'emprunts contractés depuis 2011 par plusieurs clubs de Premier League et de Championship (D2) auprès de deux sociétés aux caractéristiques très opaques. Un système qui remplirait les poches déjà bien pleines d'un cercle de milliardaires habitués d'un palace de la Barbade... Relayés en France par Dominique Rousseau, ancien journaliste de L'Equipe et auteur d'un blog sur les coulisses du foot business, les faits rapportés par le supporter d'Everton dessinent un circuit financier à la fois très rentable et sans risque pour Vibrac Corporation et JG Funding Limited, ces deux sociétés sur lesquelles il a longuement enquêté.

Des prêts à risque zéro

Alors que les banques se sont retirées du football anglais depuis la crise financière de 2007, une poignée de clubs de moyenne envergure ont emprunté à ces mystérieuses entités plusieurs dizaines de millions de livres. Les clubs ont offert en garantie stades (Fulham), ‘’parachutes financiers’’ en cas de relégation (Reading), recettes de billetterie (Southampton) ou droits TV de la ou des saisons à venir (Everton, West Ham). Les prêts sont consentis à des taux pouvant atteindre 10% et la qualité des garanties (les droits TV anglais !) ne laisse aucun doute sur leur remboursement. Bref, un excellent retour sur investissement à risque zéro. Mais pour qui ?

@WatchedToffee doit tenir la main de ses lecteurs pour ne pas les perdre dans l'entrelac de sociétés offshore qu'il a débrouillé ces derniers mois. Sa première trouvaille est peut-être une coïncidence, plus sûrement le signe d'un possible conflit d'intérêt. En remontant la piste du fonds d'investissement Vibrac, il découvre en effet que cette société au propriétaire inconnu loge à la même adresse (aux Iles Vierges britanniques) que l'une des sociétés de l'actionnaire principal d'Everton, Robert Earl, fondateur de Hard Rock Café et Planet Hollywood.

Le club des cinq à la Barbade

JG Funding, l'autre société prêteuse, n'est pas moins intrigante. Le supporter enquêteur constate qu'elle n'avait pas les moyens d'avancer de l'argent cet été à Everton (20 millions) et à West Ham et qu'elle a dû pour cela emprunter elle-même à deux sociétés domiciliées à l'Ile de Man - encore un paradis fiscal. Jusqu'en juin dernier, son président du conseil d'administration était Daniel Levy, propriétaire de Tottenham. Il semble que la structure juridique de la société a été changée in extremis pour lui éviter de financer deux concurrents...

@WatchedToffee met encore au jour des liens entre la société suisse chargée de vérifier les contrats de prêts et deux sociétés contrôlées par quelques grands noms du capitalisme britannique, dont Joe Lewis, célèbre spéculateur et actionnaire principal de Tottenham. Ce cercle de fortunés est surnommé le ‘’Sandy Lane set’’, du nom d'un hôtel de super luxe à la Barbade, dans les Caraïbes, où ils ont leurs habitudes. Pour @WatchedToffee, ces cinq milliardaires - et quelques autres grandes fortunes repérées dans le circuit des prêts - sont les principaux bénéficiaires d'un système auquel la Premier League ne trouve rien à redire.

Vendre pour rompre le cercle ?

Lundi, lors de l'AG d'Everton, toutes les questions que se posent @WatchedToffee et ses nombreux suiveurs ont été éclipsées par une polémique entre la direction du club et le maire de Liverpool sur le financement d'un projet de nouveau stade à proximité de Goodison Park. Au passage, les fans se demandent pourquoi Everton emprunte tant alors que sa balance des transferts est à peine négative et qu'il demeure l'un des rares clubs de l'élite à ne pas avoir encore modernisé son enceinte. Selon le lanceur d'alerte, les dernières offres de rachat ont été repoussées pour protéger les intérêts du groupe de prêteurs. Pour lui, la meilleure solution serait pourtant de vendre le club, l'un des six de Premier League encore propriété d'intérêts anglais. Il croit savoir qu'un nouveau candidat, sud-américain, vient de se manifester...

(lequipe.fr)

 

Section: