Publié le 25 Feb 2012 - 10:40
FOOT - ENTRETIEN AVEC BADARA DIATTA, ARBITRE INTERNATIONAL SENEGALAIS

"Certains pensaient que j’allais avantager la Côte d’Ivoire…"

Badara Diatta

 

Badara Diatta, à quoi avez-vous pensé lorsqu’on vous a annoncé que vous seriez l’arbitre de la finale de la CAN 2012 entre la Côte d’Ivoire et la Zambie ?

 

J’ai pensé au peuple sénégalais, aux personnes qui me font confiance, à ma famille, mon épouse. Je me disais : ‘’Quand un arbitre est sur le terrain, on ne dira plus Badara Diatta, mais toujours l’arbitre sénégalais. Quelque part, c’était une manière pour moi de défendre les couleurs sénégalaises dans cette CAN.

 

 

Comment avez-vous vécu cette finale ?

 

Je l’ai vécue avec beaucoup d’émotion, beaucoup de responsabilités. Je me devais d’être à la hauteur de la mission pour trois raisons. La première : depuis le début de la CAN, aucune équipe éliminée ne s’était plainte de l’arbitrage. Je me disais donc que c’était un challenge de terminer en beauté pour honorer l’arbitrage africain. La deuxième raison : C’était la première fois qu’une finale de Coupe d’Afrique réunissait autant de présidents, de personnalités du foot et de chefs d’Etat africains ; donc vous pouvez comprendre l’enjeu et les responsabilités qui peuvent peser sur un arbitre en pareille circonstance. Enfin, il fallait faire honneur à l’arbitrage sénégalais et mériter la confiance donnée par la commission dont fait partie notre président Badara Mamaya Sène.

 

 

Avant la finale, un joueur évacue un peu la pression avec ses coéquipiers et son sélectionneur ; en tant qu’arbitre comment avez-vous géré cette pression, et comment avez-vous fait votre préparation mentale ?

 

C’est l’expérience qui vous aide d’abord. Ensuite, j’ai eu la chance de côtoyer des personnes qui ont vécu des situations de ce genre. Personnellement, j’ai marché sur les pas d’Omar Diop, ancien entraîneur international, d’Amadou Guèye, et de Boubacar Mbaye, arbitres internationaux également. J’ai grandi avec eux. Le Sénégal a une tradition d’arbitres aussi avec les Pape Salla Ngom, Youssou Ndiaye, Falla Ndoye, Badara Mamaya Sène, Amadou François Guèye, etc. Je me devais de perpétuer cette tradition. J’ai donc bénéficié des conseils de toutes ces personnes qui ne pensent qu’à l’arbitrage, qui ne vivent que pour l’arbitrage. C’est la somme de toutes ces expériences que j’ai capitalisée pour pouvoir gérer cette pression.

 

 

Aviez-vous peur d’être accusé de pro-ivoirien parce que la Zambie avait battu le Sénégal (2-1) au premier tour ?

 

Je ne sais pas pourquoi il y a eu ce sentiment de la part de certains, parce que tout simplement le Sénégal avait été battu par la Zambie, et que j’allais avantager la Côte d’Ivoire. La principale qualité d’un arbitre, c’est la neutralité. Donc quand j’étais sur le terrain, je ne voyais que deux couleurs : le vert de la Zambie et l’Orange de la Côte d’Ivoire. Etre neutre et juste, c’est ce qui m’importait, je ne voulais pas entrer dans certaines considérations.

 

 

"Je ne voyais même pas Renard"

En cours de match, on a vu le sélectionneur de la Zambie, Hervé Renard, vous reprocher de trop protéger Didier Drogba…

 

Je pense que c’était une manière pour lui (Renard) de me mettre la pression. A vrai dire, je ne me rendais même pas compte qu’il me parlait, tellement, j’étais concentré. Ce sont des amis qui m’en ont parlé après le match, mais sincèrement, je ne le voyais pas gesticuler. Je gérais le terrain, et le quatrième arbitre s’occupait de tous ceux étaient sur les bancs.

 

 

Cela reste votre meilleur souvenir ?

 

Certainement, c'est l'un des meilleurs souvenirs de ma jeune carrière. Le premier meilleur souvenir que j'ai date de dix ans aujourd'hui. C'était un match Ghana/Afrique du Sud au Ghana en éliminatoires de coupe du monde. C'est un match qui m'est resté dans la mémoire, mais celui-là aussi, je pense qu'il occupe une bonne place dans mes souvenirs.

 

 

Est-ce que vos objectifs sont maintenant les Jeux olympiques 2012 et le Mondial 2014 ?

 

En tant qu'arbitre, j'ai eu la chance d'avoir participé aux Jeux olympiques qui ont eu lieu en 2008 en Chine. La consécration pour tout arbitre est d'arbitrer une coupe du monde, c'est cela l'objectif.

 

 

Pour finir, dites-nous un peu comment vous êtes venu à l'arbitrage ?

 

C'est une drôle histoire. Je suis venu dans l'arbitrage de manière fortuite. Je partageais la classe avec un camarade, Arona, quand j'étais au collège, au Cem Tété Diédhiou de Ziguinchor. Alors, un dimanche après-midi, on se rencontre au stade Néma Cadior lors d'un match du championnat. Alors, il montre sa carte et il accède au terrain. Moi, j'avais mon billet. Je lui ai dit : ‘’Mais comment tu as fait pour avoir une carte qui te donne accès au stade sans payer ?’’ Il me répond : "Je suis élève arbitre", et il m'a expliqué. Le lendemain matin, je vais m'inscrire pour avoir la carte. Effectivement, quand je me suis inscrit, j'ai eu la carte quelques mois après. Et puis j'ai abandonné. Mon souci était d'avoir la carte et d'accéder au stade sans payer. D'ailleurs, je suis resté deux ans inactif. Après, j'ai continué une bonne fois pour toute, parce que j'avais l'intention de renouveler ma carte. Seulement, la chose a commencé à me plaire et depuis lors, je n'ai plus arrêté.

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