Publié le 19 Jun 2012 - 15:59
FOOT-MATCHS TRUQUES

La corruption dans le sport est un mal européen

 

 

Le Calcio - championnat de football italien - est éclaboussé par un énième scandale de corruption. Des matchs de football truqués au bénéfice de paris sportifs; un an et demi d'enquête pour aboutir à des arrestations et des perquisitions en rafales depuis le 28 mai dernier. Avec une image forte: les policiers transalpins débarquant au centre d'entraînement florentin de la Squadra Azzura (sélection nationale) pour arrêter Stefano Mauri, capitaine de la Lazio de Rome. Le Calcioscommesse (''paris de football'') est la troisième affaire du genre qui touche la Botte, après le Totonero dans les années 1980 et le Calciopoli au milieu des années 2000. Pourtant, on aurait tort de limiter la corruption sportive à cet ''ailleurs'' italien. 

10% de matchs truqués

La société Sporadar qui travaille notamment pour l'UEFA (football européen) ou la LFP (football professionnel français) a vu son taux d'alertes concernant les matchs truqués grimper de 40% entre septembre 2010 et le printemps 2011. "Sur 30 000 matches européens par an, 3000 sont suspects", déclarait il y a un an Andreas Krannich, son directeur. 10% de matchs potentiellement truqués en Europe donc, alors que jusque là, les experts tablaient plutôt sur 1%. 

 

La plus grande affaire de corruption de l'histoire du sport européen a pris le nom de son procès, à Bochum (Allemagne), dont la première phase a débutée en octobre 2010. Encore en cours et largement ignorée par les médias sportifs français, elle concerne 320 matchs de football dans neuf pays du continent européen, avec en tête de peloton la Turquie, l'Allemagne, la Suisse et la Belgique. 12,4 millions d'euros ont été injectés par des réseaux mafieux d'Europe de l'Est et d'Asie pour corrompre méthodiquement joueurs, arbitres et responsables de fédérations. Le montant des paris engagés reste difficile à évaluer mais il est question de 32,4 millions d'euros pour un unique parieur asiatique sur un seul match. 

 

Depuis une décennie, le tennis est aussi régulièrement secoué par des soupçons de joueurs soudoyés, du Russe Evgueni Kafelnikov en 2003 au Serbe David Savic en 2011. La Fédération française de tennis (FFT) a d'ailleurs fait surveiller minutieusement 300 sites de paris par Sportradar pendant Roland-Garros. Outre la corruption physique ''sur le terrain'', la libéralisation des paris en ligne le 8 juin 2010, à trois jours du début de la Coupe du monde sud-africaine, a entraîné l'explosion du "live betting" (paris en direct) et du "betting exchange" (paris sur une non-victoire), sans parler des plates-formes illégales, souvent asiatiques, qui représenteraient 85% des 15 000 sites qui opéreraient en Europe. 

Vers une législation renforcée

Le chiffre d'affaires mondial des paris sportifs sur Internet est estimé à 500 milliards d'euros pour l'année passée. Avec une triste réalité: "En Grand Chelem, le risque est mineur sur les épreuves de simple. Plus l'événement est médiatisé, moins il y a de risque", a confié Gilbert Ysern, patron de Roland-Garros au Monde. Les échelons professionnels inférieurs sont donc les premières victimes de la corruption. On notera par exemple que le Calcioscommesse en Italie concerne principalement la série B (deuxième division) et en-dessous.

 

"Au cours des derniers mois, les institutions européennes ont justement fait part de leur intention d'opposer aux matches truqués une réponse forte et coordonnée", note Julien Zylberstein, responsable des affaires européennes de l'UEFA. Le Parlement européen a en effet adopté, le 15 novembre dernier, une résolution soutenant la généralisation du délit de fraude sportive, s'inspirant de dix législations nationales. Car il existe une double inertie européenne en matière de corruption sportive: la disparité des réglementations et des mécanismes de surveillance d'un côté, l'application historique du principe de subsidiarité dans ce domaine de'autre (le national avant le communautaire). Depuis un an, la Commission européenne s'est engagée pour une harmonisation afin "d'intensifier la lutte contre la corruption", mais sans citer spécifiquement le sport. 

Autre idée en gestation, une agence européenne ou mondiale anti-corruption sur le modèle de l'Agence mondiale mondiale anti-dopage(AMA). Jean-François Vilotte, président de l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) en France met comme préalable à cette création une harmonisation européenne, là aussi: "Avant d'imaginer et de mettre en place une instance de régulation qui permettrait aux autorités sportives et aux autorités publiques de travailler ensemble au niveau international avec le concours des opérateurs de paris légaux, il faut qu'il y ait préalablement des règles harmonisées." 

Section: