Publié le 22 Aug 2014 - 08:42
FOOT - MAURO SILVA, ANCIEN INTERNATIONAL BRESILIEN

"Notre défaite se situe sur le plan émotif"

 

Le duo de milieux de terrain du Brésil vainqueur de la Coupe du Monde de la FIFA, États-Unis 1994 va officiellement être réuni, au moins pour quelques jours. Nommé entraîneur de la Seleção pour la deuxième fois de sa carrière, Dunga a annoncé la création de la fonction d'assistant technique ponctuel, qui sera remplie par une figure importante invitée à rejoindre la délégation pendant quelques jours, pour un tournoi ou une série de rencontres amicales. Le premier choix de Dunga pour occuper ce poste est son coéquipier du milieu de terrain lorsque le Brésil a remporté sa quatrième Coupe du Monde : Mauro Silva.

 

Peut-on comparer la situation du Brésil aujourd'hui, assommé par la défaite contre l'Allemagne, à celle de la sélection championne du monde en 1994, après 24 ans sans titre ?

La première chose à dire est que le nouveau sélectionneur offre le meilleur exemple possible d'une personne capable de redresser la situation. En 1990, nous avons été très critiqués et Dunga avait été désigné comme le principal responsable. On appelle même cette période "l'ère Dunga", ce qui est effectivement comparable au (7-1) concédé face à l'Allemagne. Beaucoup de gens disaient qu'il ne reviendrait jamais et finalement, quatre ans plus tard, il soulevait la Coupe du Monde avec le brassard de capitaine. Contre l'Allemagne, il n'y avait pas de Dunga dans l'équipe et la défaite a été très dure.

Elle marquera, personne ne peut dire le contraire, mais elle peut aussi se transformer en une formidable opportunité. En 1994, nous avions une pression énorme. Je me souviens du match d'éliminatoires au Morumbi (victoire 2-0 sur l'Équateur, le 22/08/1993) : pendant 90 minutes, nous avons été sifflés par notre propre public, et ce malgré la victoire. Ce genre d'expérience vous marque et vous prépare en même temps. La demi-finale perdue face à l'Allemagne doit servir de source d'inspiration pour les joueurs qui porteront le maillot du Brésil en Russie, en 2018. L'objectif sera alors de gagner le titre pour effacer le mauvais souvenir de 2014.

La Seleção de 1994 reste contestée au Brésil, en dépit du fait d'avoir été championne du monde. Les joueurs qui la composaient ont vécu énormément de choses. Est-ce pour cela que beaucoup d'entre eux se sont retrouvés à des postes de responsabilité dans le football après avoir raccroché les crampons ?

Je ne peux pas vous donner une réponse impartiale, car j'ai toujours admiré cette génération. Ce groupe a dû faire preuve de maturité, de responsabilité et de capacité d'analyse. En 1994, il était très important pour nous de connaître nos propres forces. En termes d'organisation et de planification, tout s'est très bien passé. En attaque, nous avions Bebeto et Romario, mais nous savions que sur le banc, il y avait également Müller, Viola et Ronaldo. Nous savions que nous avions un secteur offensif de très grande qualité et nous avons construit notre organisation tactique autour de cela. Je reconnais que cette équipe du Brésil était avant tout pragmatique, mais il ne peut pas en être autrement quand vous n'avez rien gagné depuis 24 ans. Cela fait peser un poids énorme sur vos épaules.

Puisque vous mentionnez les vertus des défaites, comment analysez-vous la situation du football brésilien après la Coupe du Monde 2014 ? Doit-on reconnaître que les joueurs brésiliens, aujourd'hui, sont moins talentueux ?

Un résultat comme celui-là suscite toujours beaucoup plus d'attention, mais la situation des clubs au Brésil est très claire : nous devons absolument consolider le championnat pour continuer à former des joueurs de la même qualité qu'auparavant. Nous avons un potentiel énorme et d'ailleurs, au Brésil, cela est vrai non seulement pour le football, mais également dans d'autres domaines. Mais au final, nous ne tirons pas le meilleur profit de ces ressources. Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Moi, je suis parti pour l'Europe à l'âge de 24 ans. Aujourd'hui, les jeunes veulent quitter le pays à 19 ans. Nous n'avons plus les moyens de créer un produit meilleur, un championnat où le joueur a envie de rester, comme cela peut être le cas par exemple en NBA. Cela dit, je crois que cette situation n'est pas irréversible.

Par conséquent, la qualité des joueurs n'est pas en question après l'échec de 2014 ?

Pour moi, la principale raison de la défaite se situe sur le plan émotif. Je crois que cela a beaucoup pesé. Le fait de jouer à la maison a mis une pression trop forte sur un groupe assez jeune, qui n'a pas eu la tranquillité nécessaire pour se préparer. Je me souviens de 1994, avant d'aller aux États-Unis. Quand vous allumiez la télé ou que vous sortiez dans la rue, ce n'était pas que "football, Mondial, Seleção". Il était possible de s'isoler un peu. Cette année, c'était impossible.

La Coupe du Monde était absolument partout, dans toutes les émissions de télévision, sans parler de la publicité. Lors des qualifications pour la Coupe du Monde 1994, nous avons vécu quelque chose de similaire. Devions absolument battre l'Uruguay pour nous qualifier. Je me souviens de l'arrivée à l'aéroport Santos Dumont. Les chauffeurs de taxi nous maudissaient. Cette pression, nous l'avions vécue pendant quelques jours. Cette année, la Seleção a dû la supporter pendant 50 jours de suite, sans répit. Les gens ont tendance à oublier que l'Allemagne a perdu la dernière Coupe du Monde qu'elle a organisée. L'Italie aussi...

Une équipe ou un aspect technique ont-ils retenu votre attention lors de la dernière Coupe du Monde ?

Ce qui a retenu mon attention, c'est la quantité et la fréquence des changements, pour essayer de surprendre. Chaque équipe avait tellement étudié chacun de ses adversaires qu'il n'y avait quasiment aucun effet de surprise. Par conséquent, il y a eu pas mal de changements de système de jeu, en cours de partie, pour essayer de surprendre l'adversaire. L'Espagne a longtemps joué de la même façon, en pratiquant le même jeu que Barcelone. Même chose pour l'Allemagne et le Bayern Munich. Cela a fait une grosse différence.

(fifa.com)

 

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