Publié le 12 Sep 2017 - 15:51
FORMATION DE DIONNE

La grogne s’intensifie à Benno

 

Epiphénomène politique ou prémices d’une dissidence pour 2019 ? Les contestations se suivent et se ressemblent depuis la formation du gouvernement Dionne II, jeudi dernier. Partisans de l’Apr, alliés et territoires électoraux râlent.

 

La contestation n’est certes pas chose nouvelle après les recompositions politiques ou administratives. Mais les protestations après la nomination du gouvernement jeudi dernier vont s’amplifiant, aussi bien à l’intérieur des rangs du parti présidentiel, l’Alliance pour la République (Apr), que chez ses autres alliés dont l’apport électoral n’est pas négligeable.

A l’interne, le dévoilement de l’attelage gouvernemental crée plus de frustrations qu’une véritable fronde qui menacerait les assises de la coalition Bby puisqu’à quelques exceptions, ils ne sont pas de grands électeurs. Avec la suppression des postes de secrétaire d’Etat, Yakham Mbaye trépasse à la Communication. 

Même s’il assure que sa démission ‘‘n’a rien à voir avec l’entrée ou la sortie d’un gouvernement’’, que ‘‘ses relations avec le Président Sall sont au beau fixe’’ et qu’il a pris ‘‘cette décision pour préserver [son] honneur’’, la coïncidence avec le remaniement est troublante et interpelle à plus d’un titre sur les relations tendues dans l’entourage du Président. Quant au secrétaire d’Etat à l’Alphabétisation, Youssou Touré, sa cinglante sortie médiatique de vendredi dernier n’a d’égale que sa déception  de n’avoir pas été coopté dans l’équipe de Dionne.

Dans le sillage de ses délations, sa base, le Réseau des enseignants ‘‘apéristes’’, a porté le combat en criant au manque de respect dont ils seraient victimes. ‘‘Nous en avons assez d’avaler des couleuvres ! Trop c’est trop ! Le président prend des engagements et ne les respecte pas ! (...) Il est temps qu’on se fasse respecter, parce que cette situation est de trop pour le Réseau ! Nous sommes présents dans tous les 45 départements du pays, il n’y a aucune structure du parti qui a cette dimension. Pourquoi avoir une structure de cette dimension et qu’on ne nous respecte pas’’ ? s’est offusqué en conférence de presse, avant-hier, le porte-parole du Réseau Adama Fall.

Toutefois, la frustration la plus sérieuse à prendre en compte est celle de la directrice de l’Agence nationale de la case des tout-petits. ‘‘Apériste’’ pur jus, dans l’antichambre du pouvoir depuis quelque temps, Thérèse Faye Diouf n’a, semble-t-il, pas non plus digéré d’être confinée dans les jeunesses de son parti alors qu’elle semblait espérer le ministère de la Jeunesse. Cet échelon supérieur  qui consacrerait son évolution politique, à titre individuel, lui a été dénié, et c’est avec amertume qu’on avance sa démission à la tête de la Convention des jeunes républicains Cojer, pour marquer le coup. Une information qu’elle n’a ni infirmée, ni confirmée et dont le black-out suppose une colère qui couve toujours chez l’une des plus fidèles partisans du Président Sall

Territorialisation de la grogne

Si l’individualisation des frustrations peut ne pas prêter à conséquence, sa territorialisation devrait inquiéter l’état-major du parti au pouvoir. La contestation développe un aspect géographique dont les ressortissants de certains terroirs ne comprennent pas l’absence d’une région comme Diourbel, du département de Mbacké englobant l’influente cité religieuse de Touba. ‘‘Le département de Mbacké est encore oublié. Pourtant, nous avons suffisamment de cadres pouvant occuper n'importe quel poste de responsabilité. Le Président (Ndlr : Macky Sall) devait sanctionner positivement Mbacké ; c’est suicidaire de vouloir punir le Baol. A-t-il perdu de vue le poids électoral de Mbacké (plus 300 000 voix) ? A-t-il analysé froidement les résultats obtenus lors des dernières élections ? Si rien n'est fait, le deuxième tour lui sera inévitable (en 2019)’’, prédit une chronique de Baol Infos, où un important contributeur du site parle des directions du Coud, de la Poste, de la Lonase, ou de la CMU pour compenser l’absence de Mbacké dans le gouvernement.   

A l’Est, si le maire de Kédougou, le ‘‘néo-apériste’’ Mamadou Hadji Cissé ne trouve pas grave l’absence de la région, c’est un autre département, Dagana, qui cristallise les plus grandes frustrations d’autant plus que le département est tombé dans l’escarcelle de Bby après 20 ans de règne libéral et que l’un des artisans de la victoire, Mankeur Ndiaye, a été recalé avec beaucoup de surprise aux Affaires étrangères. Les deux autres grosses pointures, Amadou Mame Diop et le Dg de la Senelec Mamadou Makhtar Cissé, n’ont pas trouvé place dans ce gouvernement. Une immense déception surtout pour le premier nommé. Quant à la circonscription non moins importante de Thiès-commune, elle a été également zappée de la configuration gouvernementale bien que l’Apr ait fait de bons résultats au point de faire mordre la poussière à Rewmi d’Idrissa Seck,   

Les alliés s’agacent

Chez les alliés, c’est le plus grand parti de soutien de la coalition Bby, le Parti socialiste (Ps), qui montre des signes d’agacement pour les ‘‘miettes’’ reçues après son implication auprès  du Président Sall. Le porte-parole adjoint des ‘‘Verts’’, Me Moussa Bocar Thiam, trouve ‘‘inadmissible’’ que ‘‘sur les 39 ministres du gouvernement, 34 soient de l’Apr’’, dans une interview à l’Obs hier. ‘‘Je suis surpris de voir, après les élections législatives, avec tout le sacrifice et tout l’engagement de notre parti au sein de Bby, qu’on se retrouve au statu quo, voire moins, parce qu’au départ, on avait trois ministres’’, a-t-il avancé. Pour lui, les résultats ne sont pas à la hauteur des sacrifices consentis par ce parti qui a frôlé l’implosion avec la dissidence de Khalifa Sall. Des déclarations d’autant plus intrigantes que trois jours plus tôt, dans nos colonnes, son supérieur dans la nomenclature du parti socialiste adoubait Dionne II.

‘‘A 18 mois de l’élection présidentielle, on ne pouvait pas se permettre de mettre beaucoup de nouveaux. Ils auraient du mal à maîtriser les rouages de leurs ministères et à défendre leur budget à l’Assemblée nationale. Cela peut expliquer le fait qu’il n’y ait pas de changement radical. Il s’agit d’un choix lucide et intelligent’’, déclarait Abdoulaye Willane. Quant à ‘‘Macky 2012’’, qui compte parmi les premiers souteneurs, elle n’est pas non plus satisfaite des tractations qui ont abouti à son absence du gouvernement. ‘‘L’Alliance pour la République est devenue l’unique bénéficiaire des 26% du premier tour de la présidentielle de 2012 dans ce nouvel attelage gouvernemental’’, a dénoncé Mohamed Diagne de Synergie républicaine, une composante de Macky 2012, dans Walf Quotidien hier.    

OUSMANE LAYE DIOP

 

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