Publié le 14 Sep 2017 - 12:13
FORMATION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

Macky Sall, un président tatillon et permissif

 

On a toujours connu un Macky Sall très influençable voire en mal d’autorité au point de passer pour un chef frappé d’impéritie à discipliner ou à mettre au pas ses troupes de l’Apr considérée comme une armée mexicaine avec une pléthore de « généraux » qui ne reconnaissent au-dessus d’eux aucune autorité, fut-elle celle du président de la république, président de l’Apr et président de la coalition Benno Bokk Yaakaar. De fait, le président Macky Sall est très prompt à bander ses muscles et à tailler en quatre pièces ses opposants.

Mais, quand il s’agit de ses très dissipés partisans, il fait montre d’une permissivité déconcertante et à la limite de la faiblesse. Il est vrai que notre bien-aimé chef de l’Etat n’est pas le plus grand champion en matière de résilience et d’endurance. Et c’est la première dame, herself, qui nous révèle qui est réellement son époux de président de la république du Sénégal. Dans une interview accordée au journal L’Express, reprise par Sud Quotidien dans sa livraison du jeudi 24 juillet 2014, page 3, Marième Faye Sall déclare sans sourciller : « Macky est un sentimental, lorsque c’est difficile, qu’un dossier est très compliqué, je demande qu’on me transfère les dossiers, mon mari est sentimental et sensible, faut pas lui donner des dossiers lourds ».

L’on comprend dès lors que la plupart des décisions ou instructions du chef de l’Etat soient presque tout le temps non-respectées et foulées au pied par ses collaborateurs. Ses sempiternelles colères, menaces et mises en gardes deviennent lettres mortes et font l’effet de coups d’épée dans l’eau. Pour un chef de l’Etat qui a politisé toute la vie de la nation sénégalaise, le fait de lâcher la bride à tous les grands responsables de la haute administration publique pour les exhorter à abandonner leurs postes et leurs bureaux en vue d’aller battre campagne au profit du parti et de la coalition au pouvoir, passe comme une chose tout à fait normale. Pire, quand le même chef de l’Etat va jusqu’à assujettir le maintien à leurs postes de ministre, de directeur général de société nationale ou de président de conseil d’administration à une victoire aux élections dans leurs localités respectives, et non pas à la bonne gestion ou aux bonnes performances enregistrées dans leurs fonctions, c’est la république qui est chahutée. Et pas par n’importe qui, mais par son plus haut responsable : le président Macky Sall.

Droit dans ses bottes, le président Macky Sall avait renvoyé sans ménagement presque tous les ministres qui avaient perdu dans leurs fiefs à l’occasion des élections locales de 2014. C’est ainsi que, tour à tour, le premier ministre Aminata Touré et les ministres Mbaye Ndiaye, Pape Diouf, Mor Ngom, Benoit Sambou, Seydou Guèye, Thierno Alassane Sall, Abdoulatif Coulibaly et Anta Sarr Diacko avaient été éjectés du gouvernement. Conformément aux menaces du président Macky Sall, ces ministres « loosers » devaient payer pour leur échec aux élections locales, et non pas pour leurs états de service dans le gouvernement. Mais pour qui connaît Macky Sall, influençable et hyper sensible qu’il est aux pressions, ces mesures visant à sanctionner des collaborateurs perdants, allaient faire long feu car elles seront rapportées très vite. Ce n’était donc pas étonnant que, peu de temps après, les ministres défénestrés, qui n’ont connu qu’une très courte traversée du désert,  furent tous rappelés aux affaires pour être recyclés, réhabilités, recasés et remis en selle.

A l’occasion des élections législatives du 30 juillet 2017, le président Macky Sall, incorrigible, a remis ça en enjoignant tout son gouvernement, le premier ministre en tête, les directeurs généraux des sociétés nationales, les PCA et consorts à abandonner leurs bureaux pour aller battre campagne et gagner impérativement, sous peine de perdre leurs postes. A l’arrivée, même si la coalition Benno Bokk Yaakaar a gagné largement les élections législatives, en remportant 125 sur 165 sièges de  députés, il reste que des ministres qui s’étaient fortement engagés dans ces joutes ont été battus à plate couture voire humiliés dans leurs propres fiefs. En effet, dans la commune de Kolda, le ministre Abdoulaye Bibi Baldé, a mordu la poussière. Dans la commune de la Médina, à Dakar, les ministres Seydou Guèye, Abdoulaye Seck et Maïmouna Ndoye Seck, le ministre-conseiller Youssou Ndour, les directeurs généraux des Impôts et Domaines (DGID), Cheikh Tidiane Bâ, et celui du Centre National des Ressources Educatives (CNRE) ont été collectivement laminés par le seul Bamba Fall, maire de la localité, poulain d’un Khalifa Sall « qui n’est pas libre de ses mouvements (…) et [qu’il fallait] vaincre ou périr » (Macky Sall dixit). Il a donc fallu que le président Macky Sall jette le maire de Dakar au fond d’un cachot, pieds et poings liés, pour que ses poulains à investis à Dakar puissent gagner « la mère des batailles ».

Et de quelle manière ! Mais, contrairement aux élections locales de 2014, les « loosers » issus des rangs du pouvoir ont échappé à la guillotine qui leur était promise. Pour ne pas avoir à se livrer encore à cet exercice périlleux de circonvolutions limogeage-recyclage, le président Macky Sall s’est bien gardé, cette fois-ci de sabrer les ministres perdants. Toutefois, le remaniement ministériel qui a suivi les élections législatives, a enlevé au président Macky Sall le peu de crédit qui lui restait aux yeux des Sénégalais. Voilà un chef d’Etat tatillon, sans vision, adepte du pilotage à vue, qui n’a pas le sens des priorités, qui ne sait pas où aller, comme quelqu’un qui n’a ni de boussole pour s’orienter, ni de girouette pour lui indiquer la direction du vent. Le très mauvais casting fait pour la formation du gouvernement Dionne II le montre à suffisance. Les 39 intermittents du spectacle qui forment le nouvel attelage gouvernemental, considéré comme une équipe-choc qui a pour seul objectif la réélection du président Macky Sall en 2019 – les préoccupations des Sénégalais attendront – ne paient pas de mine.

Le limogeage-réintégration d’Eva Marie Coll Seck fait pouffer de rire. A quoi la bonne dame va servir au Conseil des ministres avec son statut de ministre d’Etat sans portefeuille ? Habituée à diriger un département ministériel taillé sur mesure – le ministère de la santé – on la voit mal se contenter de se tourner les pouces et bâiller jusqu’à l’ennui pendant les réunions du Conseil des ministres, sauf à tout juste y émettre des avis ou à donner des conseils, là où elle prenait des décisions en tant que ministre-plein. Alors que depuis le magistère du président Abdoulaye Wade, le Pr Eva Marie Coll Seck surfait sur les vagues du ministère de la santé, qu’elle connaît comme sa propre maison, l’une des rares fautes qu’on pourrait lui imputer est sans nul doute la panne de la machine de radiothérapie et tout qui s’en est suivi.

Son repêchage in-extrémis est un non-sens. Autres dégâts collatéraux du remaniement ministériel, ce sont les sautes d’humeur de ministres limogés, mais qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter et pensent qu’ils doivent être des ministres à vie. Leurs réactions de mauvais perdants et leur manque de fair-play montrent que leurs titre et qualité de ministres étaient immérités et usurpés. Voilà des secrétaires d’Etat – a priori ils ne devaient même pas siéger au Conseil des ministres – qui se sont vus trop beaux ou très présomptueux à l’image de cette grenouille de la Fable qui voulait devenir aussi grosse qu’un éléphant. Les remarques désobligeantes du premier (Youssou Touré) à l’endroit du président Macky Sall et la bouderie du second (Yakham Mbaye) qui a annoncé sa démission de l’Apr, donnent l’impression que ces énergumènes ne se mus que par leurs intérêts crypto-personnels et que leurs convictions, à géométrie variable, sont arrimées aux prébendes qu’ils tirent du pouvoir.

Que dire aussi de Thérèse Faye Diouf qui, frustrée de n’avoir pas été nommée ministre (défense de rire !) comme si c’était un droit, a tout bonnement démissionné de la tête de la COJER. En guise de représailles, un président de la république qui sait se faire respecter l’aurait immédiatement limogée de son poste de directrice générale de la Case des tout-petits. Et puis, c’est hilarant d’entendre Youssou Touré et Yakham Mbaye ruer dans les brancards comme si la survie de la nation sénégalaise ne dépendait que d’eux. A ce propos, pour leur faire comprendre que leur limogeage est un non-évènement, et leur nomination au gouvernement, une anomalie, il est utile de revenir sur les faits d’armes de ces deux grands insulteurs publics que seul un président de la trempe de Macky Sall ose mettre leurs noms sur la liste des membres d’un gouvernement sérieux.

De Youssou Touré, on retiendra essentiellement qu’il a récemment eu à ameuter toute la presse pour annoncer sa démission à la fois du gouvernement et de l’Apr, à l’heure de la prière de « Timis », avant de ravaler sa langue peu après la prière de « Guéwé » en montrant sa tronche à la RTS, sans panache, gêné aux entournures et avec des gestes évasifs qui cachaient mal sa gêne lorsqu’il a fallu bredouiller des justifications laborieuses et alambiquées qui n’avaient convaincu personne. Mais, ce qui avait surtout estomaqué les Sénégalais dans cette comédie, c’est que ce soit Marième Faye Sall en personne qui ait intervenu pour faire réintégrer dans l’attelage gouvernemental ce ministre réputé fantasque et trop bavard.

Maintenant, que Marième Faye Sall joue à fond la caisse son rôle de Première dame et contribue à soulager des Sénégalais empêtrés dans une mélasse d’où son époux de président de la république peine à les en faire sortir, c’est tout à son honneur, mais de là à interférer dans les affaires intérieures de l’Etat, il y a maldonne. C’est le temps de la confusion des genres et des rôles. Que je sache, Marième Faye Sall, du haut de sa stature de première dame, n’en a pas pour autant une fonction officielle dans la nomenclature des emplois de l’Etat au point de marquer de son empreinte la nomination de certains ministres qui, pour cela, lui doivent une fière chandelle (le ministre Mbagnick Ndiaye dixit) ou de faire réintégrer dans le gouvernement un ministre démissionnaire.  Mais, avec la dynastie Faye-Sall, on peut s’attendre à tout. La récente nomination du frangin Aliou Sall à la tête de la Caisse de Dépôts et des Consignations en est une preuve palpable.

Auparavant, en réaction aux coups de boutoir de Idrissa Seck envers Macky Sall, Youssou Touré, alors secrétaire d’Etat à l’alphabétisation et des Langues nationales, auteur de  "Qui insulte Macky Sall ira en enfer ! " était entré en plein délire : « Idrissa Seck n’a dit que ce que son sang lui dicte, c’est-à-dire des saletés. Idrissa Seck, on l’a connu sale, il mourra sale. Voici quelqu’un qui a traité un Président qui a 85 ans d’ancien spermatozoïde et futur cadavre. Véritablement, ce sinistre individu a intérêt à se taire, choisir le mois de Ramadan pour faire dans des insultes, diffamations et dénigrements, c’est un véritable mécréant ».

Quant à Yakham Mbaye, outre le fameux enregistrement sonore au contenu fétide et nauséabond dont il serait l’auteur et qui a enflammé la Toile et a fait le buzz pendant plusieurs semaines, même s’il essaie de nier en vain la paternité de cet élément ordurier, a la malchance de voir ses antécédents trop compromettants jouer contre lui. Chassez le naturel, il revient au grand galop. Pour rappel, l’irrévérencieux ancien journaliste devenu politicien par effraction, dans un accès de démence pour plaire à son patron Macky Sall, avait eu à descendre en flammes le président Abdoulaye Wade en des termes  de caniveaux que nous reproduisons ici la mort dans l’âme : « Chez Wade, qui est la crasse personnifiée, permanemment boudé par la grâce, devenu crassier, sa longue évolution aidant, toutes les poules du pays s’échineraient dans ce dépotoir, elles ne décèleraient que crasse, méchanceté digne d’un primate, cruauté et bassesse. Jusqu’à son extinction, on n’en tirera rien de bon ». A dire vrai, chasser deux insulteurs aussi patentés, ne peut que faire un grand bien au gouvernement. On a connu, lors de la formation du premier gouvernement sous l’ère du président Abdoulaye Wade des ministres sans grandes références académiques, intellectuelles ou politiques. On se rappelle encore de la nomination d’une institutrice, Marie Lucienne Tissa Mbengue à la tête du ministère de l’Education.

Deux jours et des pressions venues de toutes parts ont suffi au Chef de l’Etat et à son Premier ministre d’alors, Moustapha Niasse, pour constater les limites objectives de de la bonne dame, responsable politique du Pds à Mboro, qui sera ainsi limogée pour incapacité et incompétence. Elle disparaît de la circulation politique mais en amenant avec elle le titre de ministre-conseiller à la présidence de la République. Il y a eu aussi le cas de Mamadou Makalou, promu ministre de la Culture, et qui saute deux mois seulement après sa nomination. Son péché paraît intolérable au président Wade : incompétence. Même si le concerné défend mordicus le contraire à travers la presse. Sous le magistère du président Macky Sall, c’est l’avènement des ministres-insulteurs (Youssou Touré, Yakham Mbaye ou Mame Mbaye Niang) ou des députés-insulteurs (Moustapha Cissé Lô, Abdou Mbow ou Aïssatou Diouf), tous couverts par l’impunité, mais avec comme corollaire la profanation de la sacralité d’institutions de la république comme le gouvernement ou l’assemblée nationale.

Maintenant, de la même façon qu’il a fait un revirement à 180 degrés pour réintégrer Eva Marie Coll Seck, quatre jours seulement après l’avoir défénestrée avec fracas, l’on ne s’étonnera pas d’entendre d’ici peu le président Macky Sall, rappeler Youssou Touré, Yakham Mbaye, Mankeur Ndiaye, Khadim Diop, Mansour Sy et Viviane Bampassy pour leur octroyer un fromage onctueux comme lot de consolation. Si le président Macky Sall a un mal fou à prendre des sanctions négatives à l’encontre de quelques-uns de ses collaborateurs qui le méritent forcément, et peine à assumer ses décisions comme un grand, c’est qu’il n’est pas à la hauteur de son statut de chef de l’Etat.

Si à la moindre esbroufe d’un des « bannis », il rétropédale, fait machine arrière et se déculotte, le président Macky Sall ne sera jamais pris au sérieux quand il se mettra de nouveau à brandir des menaces de sanctions quelles qu’elles soient. Le topo est simple chez les ministres limogés : il faut crier haut et fort, faire des déclarations comminatoires, quitte à rendre sa démission du parti et…attendre le temps qu’un communiqué de la présidence de la république tombe pour annoncer l’octroi d’un strapontin au ministre déchu il n’y a pas longtemps. A ce rythme, le président Macky Sall risque de connaître le sort de ce singulier personnage de la Fable qui, voulant faire plaisir à chacun de ses de ses amis, a fini par mécontenter tout le monde.

Pape SAMB

 

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