Publié le 28 Oct 2016 - 23:43
FORMATION ET ACCÈS DES DIPLÔMÉS À L’EMPLOI

La mission de l’université en question

 

Les débats du Monde Afrique prévus pour 48 heures ont démarré hier à Dakar. Les acteurs ont discuté sur  la pertinence des universités du continent africain dans leur forme actuelle. De la discussion, on retient qu’il faut repenser la mission de l’université et dégager plus de ressources financières.

 

En Afrique, les chômeurs diplômés ont 2 à 3 fois plus de difficultés à trouver du travail que les autres qui ont interrompu leur cursus très tôt. Et en moyenne, ils restent environ 5 ans avant de décrocher leur premier emploi.  La question se pose dès lors de savoir si les étudiants ont finalement besoin des universités. C’est à cette question que devaient répondre quelques spécialistes invités hier dans le cadre des Débats du Monde Afrique qui se tiennent à Dakar les 27 et 28 octobre 2016. La problématique était donc essentiellement axée sur l’adéquation entre la formation et les besoins du marché et les moyens d’y arriver.

Le président fondateur du cabinet de recrutement Africsearch, Didier Acouetey,  pense qu’il faut d’abord avoir une vision, savoir ce qu’on veut, où on va, et comment y aller. La réponse à ces questions permet à son avis d’inverser la question de départ pour se demander quel genre d’étudiant nous avons besoin et pour quelle économie. Ce qui permettrait, dans un premier temps, de renouveler les contenus des cours aujourd’hui largement dépassés. ‘’J’ai vu des étudiants avec des polycopies en économie qui datent de 20 ans. On ne peut pas continuer à enseigner une économie qui n’existe plus, une économie d’hier’’, peste-t-il. Très critique, ce monsieur estime que les professeurs ne renouvellent pas leurs cours, ce qui fait qu’on forme des chômeurs.

Il y a donc nécessité d’accompagner les enseignants. Ce qui se fait dans un cadre plus large de dialogue entre le monde de l’entreprise et celui du savoir qu’est l’université. Ça aidera celle-ci à mieux connaître les besoins de la première. Les étudiants pourront aussi avoir une formation pratique qui facilite les insertions. L’université de Dakar semble l’avoir compris, si l’on se fie au recteur. Ibrahima Thioub a révélé par exemple que l’Ucad a mis en place une formation en administration des Collectivités locales après avoir écouté les élus locaux exprimer des difficultés liées à des ressources humaines.

Cependant, Amadou Diaw, président et fondateur du Groupe ISM, estime que le travail doit même se faire en amont, avant le baccalauréat. Il faut, dès le collège et le lycée, apprendre à l’élève comment est-ce qu’il doit apprendre. Lui donner un socle de base et le préparer à s’adapter à l’évolution rapide des connaissances et au changement de poste. Sinon, on reste avec le schéma actuel ; même si à l’université les contenus sont adaptés aux besoins, l’étudiant aura des difficultés. ‘’Si on fait le pélican durant tout son cursus en ne faisant qu’avaler, on ne peut pas devenir une abeille et créer une ruche’’, prévient-il. Il rejoint en cela Didier Acouetey qui aime beaucoup la métaphore de l’autoroute dans laquelle sont aménagées des pistes de sortie qui permettent à certains d’aller vers des filières professionnalisantes au lieu d’aller créer un embouteillage à la porte de l’université.

La formation en ligne comme alternative ?

Une telle option passe nécessairement par la réorientation du système vers les sciences et mathématiques, rappelle le Pr Souleymane Bachir Diagne (Ndlr: interrogé après les échanges). Pour lui, il faut inverser la tendance entre littéraires et scientifiques. Et pour y arriver, il faut d’abord initier les jeunes à la culture scientifique. Ce qui passe par deux voies. La première est d’investir sur le matériel et le produit, donc dégager plus de ressources. Et la seconde est d’inciter les élèves par une politique de motivation. La bourse d’étude constitue un moyen efficace aux yeux du philosophe.

D’autres questions aussi se posent, notamment celle des moyens. Avec cette croissance démographique, l’Afrique ne construira jamais assez d’universités pour ces jeunes. Il lui sera quasi-impossible d’avoir suffisamment d’enseignants. Et les moyens se raréfient davantage. Certains comme Souleymane Bachir Diagne et Dimitrios Noukakis, responsable du programme MOOC Afrique, pensent que les cours en ligne sont une alternative crédible. ‘’C’est de la foutaise’’, réplique Didier Acouetey. Pour lui, en l’absence du contact physique, ces cours en ligne ne servent à rien. Par conséquent, les Etats ne peuvent pas se dérober à leurs responsabilités liées à l’éducation.

BABACAR WILLANE

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