Publié le 8 Jul 2014 - 00:17
FORT DE PODOR

Plus de 2 siècles et toujours debout

 

Podor, c’est la culture, mais aussi l’histoire. Cette dernière se reflète à travers le fort qui constitue une preuve tangible de la colonisation française. Aujourd’hui, cet édifice qui manque de moyens pour sa gestion est érigé en musée pour recueillir tout ce qui est patrimoine de cette ville.
 
 
Bien assis ! Le fort de Podor n’est pas un colosse aux pieds d’argile. Il a sur le dos plus de 2 siècles d’existence et bientôt tricentenaire. Il regorge de toute une histoire, et fait partie du patrimoine de cette ville du Nord du Sénégal. Au devant de la grande bâtisse au portail en bois, un panneau debout renseigne sur l’historique de ce bâtiment. Il y est mentionné succinctement que ‘’ le premier fort de Podor a été construit en 1744 par Pierre Barthélemy, gouverneur de la concession du Sénégal, et que les Anglais ont occupé le site de 1758 en 1783.
 
En mauvais Etat, il a été abandonné en 1788 avant d’être reconquis en 1854 par les Français qui se sont installés sur les ruines de l’ancien poste ‘’. Toujours sur l’affiche, il est raconté que ‘’ le Directeur des fortifications, le capitaine de génie Faidherbe, avait réussi à restaurer l’enceinte en un mois, l’équipant ainsi de baraquements provisoires. A l’achèvement des travaux, le 1er mai 1854, le fort est confié à une garnison de 200 hommes, et placée sous la direction du commandant Tessier et que les bâtiments intérieurs ont été construits après 1860 ‘’. 
 
Symbole de l’occupation coloniale, le fort de Podor faisait partie d’un ensemble de fortifications discontinu, mais disposé de manière cohérente, devant jouer un rôle prépondérant dans l’établissement et le maintien de l’hégémonie française sur le fleuve Sénégal et en pays toucouleur.
Après les indépendances et le départ des Français, l’armée sénégalaise a investi les lieux de 1966 à 1984.
 
Puis, cela a été le tour de la gendarmerie qui y avait installé sa base jusqu’en 1997, avant de déménager dans de nouveaux locaux. En état de délabrement avancé, il a été par la suite abandonné jusqu’en 1998, moment où, selon le gardien des lieux, Ibrahima Sy, la mairie a décidé de s’en occuper. Ainsi, dit-il, un spectacle son et lumière a été organisé, une pétition lancée pour attirer l’attention sur la nécessité de réfectionner le fort. ‘’ En 2001, la coopération française accepte finalement de restaurer le fort ‘’, souligne-t-il.
 
Un conservateur sans budget de fonctionnement
 
‘’ Après son inauguration en aout 2006, le ministère de la Culture y a affecté un conservateur. Mais celui-ci était sans moyens et sans budget de fonctionnement’’, confie M. Sy.
 
De loin, il parait resplendissant avec sa petite tourelle et sa couleur ocre éclatante sous l’effet des rayons du soleil. Mais à y voir de près, on décèle une couleur tachetée, un revêtement de plâtre affaissé avec des portions béantes laissant apparaître les briques rouges datant de l’époque coloniale. Aujourd’hui, malgré le défaut de moyens, le nouveau conservateur compte redorer le visage de l’édifice.
 
Même si cela ne suffit pas pour entretenir tous les délabrements du fort, il a réussi à trouver auprès de partenaires des financements qui lui permettent aujourd’hui d’installer des sanitaires et de l’électricité. Ainsi, les ouvriers s’activent dans tous les coins et recoins du fort. Un réseau électrique est en train d’être installé.  Les premiers murs des toilettes ont même pris forme.
 
De maigres ressources tirées du tourisme
 
Pourtant, tout ceci a été réalisé sans la moindre subvention, ni de la mairie, ni de l’Etat. Le fort tire ses maigres ressources du tourisme. ‘’ 500 à 100 touristes sont reçus pendant l’ouverture de la saison touristique. Le bateau ‘’Bou El Mogdad’’, qui assure la navette entre Saint-Louis et Podor, vient une fois par 15 jours et transporte 35 à 40 personnes ‘’, explique le vieux Sy. Les touristes payent le ticket en raison de 1 500 francs CFA par personne, poursuit-il, avant d’ajouter que les Sénégalais en général ne payent pas, on ne leur fixe pas le prix. ‘’ Il leur appartient  de voir ce qu’ils peuvent donner’’.
 
Architecture
 
Même si des retouches ont été faites, la forme architecturale de la bâtisse est toujours sauvegardée. Les fenêtres en forme d’arc avec des planches qui date de l’époque coloniale. Des escaliers en bois, de même que certaines tuiles remontent à cette époque. 
 
A l’intérieur, une cour carrée est cernée de trois bâtiments. Le premier, une cloche à l’entrée, c’est le bâtiment des armées qui servait d’arsenal. Ensuite, il y a le magasin de l’habillement et de la nourriture. Et enfin, celui qui est en face du portail d’entrée abritait l’administration coloniale et le logement du commandant, avec 4 pièces à l’étage et 4 pièces au rez-de-chaussée. Dans l’un des compartiments, en haut du fort, se trouvent la chambre et l’antichambre de Faidherbe. Dans la chambre d’environ 4 m2 est exposé le lit en fer, ainsi que son coffre-fort en bois qui résistent toujours aux vicissitudes du temps.
 
Musée régional
 
Le fort est aujourd’hui transformé en musée régional. A l’intérieur, une exposition photo est présentée par un enfant de la localité du nom d’Oumar Sy, sur la géomorphologie de l’île à Morphil, la situation géographique et humaine de Podor, mais également sur la pêche continentale, sur l’ethnologie contemporaine. Sur les parois, des photos bien cadrées rappellent des figures historiques de Podor comme Baba Maal du temps de son adolescence. 
 
Profil
 
Le gardien du vieux fort 
 
Il s’appelle Ibrahima Sy. Il est né en 1947 à Podor. C’est le détenteur des clés du fort. Teint noir, longiligne, peinant dans sa démarche, ce vieil homme fréquente les lieux depuis son enfance. ‘’Je suis né à Podor et grandi ici. Je jouais ici avec des petits Français. Comme ça je suis tombé amoureux du fort, de ce fort ‘’, dit-il.
 
Il se rappelle ses premiers amours avec le fort. A sa descente de l’école,  ou lors des récréations, il faisait un crochet au fort avec un ami, dont le père boucher livrait de la viande aux militaires français. Il est resté depuis attaché à cet édifice, même s’il ne gagne rien en retour. ‘’ Je collabore avec eux sans salaire, ni rien ‘’, martèle-t-il. 
 
A côté du travail d’entretien qu’il mène dans le fort, Ibrahima Sy s’active dans l’agriculture pour vivre. Pourtant, il a obtenu son certificat d’études au premier établissement de Podor, l’école Racine Cheikh Sow où, renseigne-t-il, Lamine Guèye, premier président de l’Assemblée nationale, a enseigné. 
 
Après son certificat, Ibrahima Sy a travaillé comme enquêteur à l’ISRA, à l’ADRAO, et à l’OMVS. Puis, il a obtenu un contrat avec la SAED où il a servi comme encadreur rizicole. Il a pris sa retraite en 1994 comme pépiniériste au service des eaux et forêts.
 
 
Par Seydina Bilal DIALLO
 

 

Section: