Publié le 8 Feb 2014 - 14:34
FORUM SUR LA CRISE UNIVERSITAIRE

Science, innovation et moyens pour sauver l’université africaine

 

Se mettre aux normes internationales en matière d'enseignement et de recherche-développement, tel est le salut de l'université africaine selon des chercheurs conviés à un forum sur la crise de l'université sur le continent. Bouc-émissaire du diagnostic, l'université de Dakar et ses mille et un problèmes. 

 

Le forum sur le thème «la crise des universités en Afrique», s’est tenu hier dans La salle de l’auditorium de l’Ucad II, lors de la commémoration du 28e anniversaire de la disparition du Professeur Cheikh Anta  Diop.

Cette conférence  organisée par le Rassemblement nationale démocratique (RND) prend très vite les attraits d’un tribunal installé pour faire le procès  de l’Université en Afrique, sous la direction du Professeur Hamady Bocoum. Devant un auditoire aux allures de jury, les différents intervenants se succèdent à  la barre pour  dresser un réquisitoire  sans concession de l’enseignement supérieur africain qui souffre de maux multiples.

‘’Les universités doivent être des pôles de recherche-développement comme en Europe avec des systèmes de financement subtiles comme le secteur  privé, le mécénat, car la recherche a un coût», a affirmé le Dr Cheikh Mbacké Diop, physicien et fils de l'illustre défunt.

«Pour que l’Afrique puisse compter dans la recherche mondiale, il faut associer nos maigres ressources dans de vastes centres de recherche scientifique et technique comme l’avait théorisé le Pr Cheikh Anta Diop.»

«Gouffre»

Comme pour montrer le gouffre qui nous sépare de l’Occident, l’université californienne de Berkeley, troisième université mondiale, a un budget de 2 milliards de dollars (900 milliards de francs Cfa) pour 25 000 étudiants, alors que celle de Dakar ne reçoit qu’un budget de 48 milliards de FCFA, affirme le physicien.

En présence de Louise-Marie Maes Diop, veuve du scientifique, le Pr Salimata  Wade a accentué son propos sur «une reprise en main» de l’université en Afrique, notamment celle de Dakar, afin de pallier à un réel manque de vision.

‘’Depuis des années, le déficit en matière de salles et places se creuse (…) avec  23 000 places pour 80 000 étudiants, soit 1∕4 etudiants (qui) sont le produit d’une massification qui est à saluer mais (qui est surtout) (le résultat) d’une mauvaise politique d’anticipation de la part des autorités étatiques et universitaires.’’ A ses yeux, la reforme sur l’augmentation des frais d’inscription est incontournable, car si l’éducation n’a pas de prix, elle a un coût.

«L'accusation»

Dans ce ‘’procès’’, les dépositions se sont accumulées, variant entre dénonciations des professeurs mercantilistes qui imposent aux étudiants l’achat de leurs fascicules sous peine d’exclusion, réformes comme celle du LMD (Licence Master Doctorat) inadaptées à notre système universitaire, impréparation au difficile marché de l’emploi, selon Pierre Dieudonné Egoundi, de la Ligue Panafricaine (UMOJA).

L’historien Ibrahima Thioub, auteur de l’article ‘’Des élites prédatrices’’, s’est fixé comme objectif dans son propos de dénoncer les ‘’égoïsmes des élites’’, en particulier celui des enseignants de l’université qui profitent de la léthargie de l'institution.

‘’Il est impossible de demander au corps professoral dont aucun n’a un enfant au Sénégal de faire un sacrifice pour l’université dont il se réclame. Dès que (les enseignants) ont le temps, ils s’empressent de rallier les écoles privées pour y donner des cours‘.’ Pour lui, les universitaires doivent accepter de repenser l’Université africaine comme l’illustre personnage – Cheikh Anta Diop - que l’on célèbre aujourd’hui pour le bien de l’Afrique, ajoute  le professeur sous la clameur de la salle.

«La défense»

En boubou traditionnel, le recteur de l'Ucad, a comme enfilé sa toge de  défenseur de l’institution mise en accusation, pour expliquer les changements opérés au sein de l’université. ‘’L’université, depuis sa création en 1957, n’a jamais réellement été reformée qu’avec l’introduction du Lmd en 2006. Son  budget sert au financement des activités pédagogiques, mais aussi au paiement des 66 000 boursiers et 10 000 étudiants qui bénéficient d’une aide», se défend Saliou Ndiaye.

«Les réformes futures qui sont en route prévoient des accords de partenariats université- secteur privé comme avec celle signée entre l’ESP et les industries du BTP ; mais aussi des filières pour la formation à l’auto-emploi.‘’

Ce n'est pas tout, renchérit le recteur. Car il est prévu la création de pôles technologiques pour briser enfin le cycle université – chômage. Sur ce, le président de cérémonie ou du ‘’tribunal’’, Pr Bocoum, suspend les travaux pour laisser à chacune des parties le temps de réfléchir sur des solutions durables aptes à sauver l’université africaine.

Mamadou Makhfouse Ngom

 

 

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