Publié le 27 Jun 2019 - 01:41
FRAUDE AUX EXAMENS

Les élèves-policiers risquent 1 an de prison 

 

Les 9 élèves-policiers de la 45ème promotion qui avaient réussi au concours d’entrée à l’Ecole nationale de police avec de faux diplômes du Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) ont été attraits hier, à la barre du tribunal correctionnel de Dakar. Poursuivis pour fraude aux examens, faux, tentative d’escroquerie sur les deniers publics, ils encourent 1 an ferme. L’agent de policier qui aurait réussi dans les mêmes conditions et le confectionneur des faux diplômes risquent entre 2 ans et 3 ans.

 

Si l’une des missions des policiers est de faire respecter la loi, l’on est tenté de se demander si les 9 élèves-policiers attraits, hier, à la barre du tribunal correctionnel de Dakar auraient respecté leur serment, s’ils avaient été enrôlés après l’examen final du concours d’entrée dans ce corps. En fait, ces derniers ont fait l’examen d’entrée à l’Ecole nationale de police avec de faux diplômes du Brevet de fin d’études moyennes (Bfem). Ils avaient réussi et faisaient la formation, lorsqu’ils ont été démasqués, trois mois après.

Ainsi par correspondance des 9 et 24 septembre 2018, le directeur des personnels de la police nationale n’avait pas hésité à mettre à la disposition de la direction de la police judiciaire les suspects qui faisaient partie de la 45ème promotion, pour faux et usage de faux. Il précisait que le caractère fictif a été attesté par la Direction des examens et concours du ministère de l’Education nationale.

De ce fait, Omar Diouf, Waly Ndour, Oumar Ndao, Maguette Ndour, Moussa Ndiaye, Ibrahima Faye, Cheikh Diouf, Harouna Gaye et Souleymane Thiamdoum ont été interpellés. A l’exception de Thiandoum, tous ont reconnu s’être procurés de faux diplômes pour passer le concours. Oumar Diouf a indiqué que c’est Djiré Diouf, un policier officiant aux renseignements généraux, qui lui a remis le faux diplôme en contrepartie de la somme de 20.000 F. Waly Ndour, Cheikh Diouf et Ibrahima ont soutenu que c’est Soulèye Ngom, un agent de sécurité, qui leur a trouvé les diplômes. 50 000 F pour le dernier et 30 000 pour les deux premiers. Clamant d’abord son innocence, Oumar Ndao a fini par confier avoir acquis son diplôme auprès d’un certain Ibrahima, mais ignorait le caractère fictif.

Maguette Ndour a soutenu avoir obtenu le sien auprès de Saliou Faye moyennant 30 000 F. Moussa Ndiaye a désigné Mamadou Sylla comme celui qui lui a remis le document contre 50 000 F. Harouna Gaye a désigné son père qui l’a contesté. Lors des confrontations, le fils est revenu sur ses déclarations, en désignant Soulèye Ngom à qui il avait versé 50 000 FCfa. L’agent de sécurité a aussi admis avoir encaissé 50 000 F de Waly Ndour et avait sollicité les services de l’infographe Alioune Badara Sow. Soulèye Ngom a confessé en avoir cherché pour Ibrahima Faye, Cheikh Diouf et Harouna Gaye à 10 000 F Cfa l’unité. Sow a déclaré, pour sa part, en avoir confectionné une dizaine, grâce à un diplôme remis à lui par Ngom et qu’il avait scanné.

Interpellé à son tour, le policier Djiré Diouf a reconnu avoir reçu 20 000 d’Omar Diouf. Il ne s’en est pas limité là, car il a révélé avoir lui-même,, en 2013, produit un faux diplôme obtenu à 50 000 F auprès de Soulèye.

Tout ce beau monde sera inculpé pour les chefs d’association de malfaiteurs, de faux dans des documents administratifs, de fraude aux examens et concours, d’escroquerie portant sur des deniers publics, de tentative d’escroquerie sur des deniers publics et de complicité de ces délits.

Face aux juges hier, les 8 élèves-policiers ont reconnu les faits prétextant qu’ils ignoraient que c’était de la fraude. Le 9ème, Souleymane Thiandoum a campé dans ses dénégations. ‘’Je n'ai jamais dit que mon oncle m'avait remis le diplôme, mais qu'il me l'avait transféré. J'avais réussi comme candidat libre au Cem de Pikine, en 2011’’, s’est-il défendu. Soulèye Ngom est revenu sur ses aveux, déclarant qu’il n’a été qu'un simple intermédiaire entre les présumés faussaires et Alioune Badara Sow. Ce dernier a varié dans ses déclarations, en soutenant n’avoir confectionné de diplômes que pour Waly et Soulèye Ngom, pour 10.000 F.

Sorti de la 41ème promotion de l’école de police, Djire Diouf a contesté la fausseté de son diplôme. Il affirme avoir réussi au Bfem à l’école Tafsir Miniane Sarr de Kaolack, comme candidat libre en 2003. A l’en croire, il n’a pas pu se procurer l’original de son diplôme, car celui-ci est à Saraya. Alors qu’il avait soutenu ne pas connaître aucun de ses co-prévenus, il a fini par avouer qu’il connaissait Omar Diouf, parce qu’ils habitent le même village. Il s’est empressé de nier l’avoir aidé à obtenir un faux diplôme.

13 millions réclamés par l’Etat

Quoiqu’il en soit, la représentante de l’Agent judiciaire de l’Etat (Aje) trouve ‘’qu’il s’agit d’une affaire qui fait très mal, puisque c'est une dégradation des mœurs, de certaines valeurs sénégalaises’’. Le pire, estime Ramatoulaye Ly Ndiaye, ‘’les prévenus semblent ne pas maîtriser la gravité des faits.’’ Selon elle, l’Etat a subi un préjudice moral et matériel. C’est pourquoi, elle a réclamé la somme totale 6 millions 480 millions à Djiré Diouf qui a perçu 2,8 millions en deux ans, en tant qu’élève et 3,6 millions en tant que policier. L’Aje a lui a réclamé 2 millions pour le compte de l’Enap. Pour les élèves-policiers, elle a demandé qu’ils soient condamnés à allouer à l’Etat 5 millions pour avoir été logés, nourris et blanchis pendant 3 mois. La représentante du parquet a abondé dans le même sens que l’Aje, en soutenant qu’au-delà du mal, cette affaire donne des sueurs froides à l'idée que la gravité est incommensurable, car ils n'hésiteraient pas à travestir les faits.

S’agissant des faits, elle a laissé entendre que, si Djiré a mis en rapport Omar et Soulèye, c'est parce qu'il est passé de la même manière. Pour la répression, elle a requis 2 ans assortie d’une amende de 500 000 F Cfa contre lui pour escroquerie portant sur des deniers publics, fraude et faux. La parquetière a demandé qu’Alioune Badara Sow et Soulèye Ngom soient condamnés à 3 ans ferme et à une amende de 300 000 F Cfa pour complicité. Quant aux 9 élèves-policiers, elle a requis contre eux 1 an et amende de 200 000 F Cfa.

Si certains des avocats de la défense ont plaidé la clémence, la plupart ont plaidé la relaxe, arguant que le délit de fraude aux examens n’est pas établi, puisque l’infraction se commet au moment du concours. Les conseils ont également réfuté l’existence des délits d’escroquerie portant sur des deniers publics et de tentative d’escroquerie portant sur des deniers publics. Selon leur argument, ce n'est pas l’examen d’entrée qui peut leur donner des avantages, mais il faut que les prévenus réussissent à l’examen final.

Le tribunal rend son délibéré, le 9 juillet prochain.

FATOU SY

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