Publié le 27 Sep 2013 - 18:22
FRONT SOCIAL EN ÉBULLITION

Et si l’histoire se répétait contre Macky Sall ?

 

 

En se reposant sur la puissance insoupçonnée de l'Etat, le président de la République a banalisé les manifestations jugées légitimes de populations exaspérées par une pénurie d'eau sans fin. Mais l'histoire a montré que la chute d'un régime tient souvent à un fil.

 

 «Ce n’est pas en brûlant des pneus qu’on arrivera à déstabiliser le pouvoir (…) Ceux qui veulent politiser ce genre de chose n’ont rien compris. Des manifestations de ce genre n’ébranlent pas un Etat». Cette mise en garde de Macky Sall faite depuis Harlem (Etats-Unis), renseigne sur l’état d’esprit du président de la République face aux manifestations contre la pénurie d’eau qui ont commencé à Dakar. Inquiet du fossé qui se creuse davantage entre lui et les populations après juste 18 mois d'exercice du pouvoir. Inquiet de devoir envisager la perte du pouvoir en cas de surchauffe durable...

Macky Sall peut se targuer d’être «le président le mieux élu du Sénégal» avec un score de plus de 65% des suffrages, mais en même temps, il aura été le président qui a cristallisé le plus de rancœurs en si peu de temps. Face aux foyers de tensions allumés depuis son accession au pouvoir, le chef de l'Etat semble manifestement avoir été rattrapé par ses nombreuses promesses électorales. Il aura beau étaler ses bonnes intentions, la gestion quotidienne des affaires de la cité se révèle moins aisée qu'il ne le pensait.

En dépit des multiples remaniements du gouvernement et l'arrivée d'Aminata Touré à la Primature, le président se cherche encore pendant que les difficultés des Sénégalais  s’accumulent et les gouvernants ne savent toujours pas comment dire la vérité des choses aux gouvernés... La pénurie d’eau à laquelle ces derniers font face depuis quinze jours dans la capitale en est une illustration presque parfaite. Entre mensonges et laxisme, les populations ont sans doute de bonnes raisons de crier leur ras-le-bol dans les rues pour réclamer de l’eau.

Mais le message n’est apparemment pas bien compris par le président de la République qui, bien que «peiné» par cette situation que vivent ses compatriotes, fait dans la menace. «Ceux qui veulent envenimer la situation à travers les radios ou internet ne connaissent pas l’Etat. L’Etat est plus puissant que cela», dit-il devant la communauté sénégalaise vivant aux Usa. C'est peut-être l'ancien premier flic de la République qui parle, en connaissance de cause !

Et si cela voulait dire que Macky Sall ne laissera personne menace son fauteuil ? Quitte à user de violence ? Ce discours guerrier rappelle à plusieurs égards un certain Abdoulaye Wade qui, au crépuscule de son règne, s’appuya sur sa machine de répression pour sauver son…trône. A son actif, plusieurs personnes tuées au cours des manifestations préélectorales.

 

Le précédent Wade

Macky Sall veut un second mandat. Et ne s’en cache pas. «On ne peut pas me reprocher de vouloir un second mandat», disait-il le 23 août 2013. A juste raison ! Surtout après qu'il aura passé l'examen à mi-mandat que seront les élections locales du 16 mars 2014, échéances à l’issue plus qu’incertaine. Car, dans le contexte social morose que traverse le pays, l’impréparation de son parti, l'Alliance pour la République (APR), à aller seul à ces joutes électorales, ressemble à une hypothèque posée sur ses chances, à Dakar ou à Thiès. Les locales constitueront donc indéniablement une sorte de référendum pour un président de la République qui aura l'occasion de jauger en situation réelle son capital sympathie auprès de populations qui attendent des actes forts et moins de  discours, de l’attention et moins d’arrogance.

La morosité de notre économie est aujourd’hui plus qu’évidente au regard de la situation difficile que traversent des entités stratégiques du tissu économique national. L’impatience des ménages est légitime, le président semblant bien en être conscient quand il a reconnu que «dëkk bi dafa Macky». Les manifestations des populations contre la pénurie d’eau ne sont peut-être que le prétexte d’une crise sociétale profonde et qui ont pour nom : dérèglements scolaires, inondations, hausse des prix de denrées de première nécessité, médiation pénale et tutti quanti. Dans un contexte aussi lourd, Macky Sall gagnerait à tirer les leçons de la chute de son prédécesseur. A moins qu'il considère être lui-même trop puissant pour tomber si facilement...

 

 

Section: