Publié le 3 Dec 2017 - 17:32
GAMOU CHAMP DE COURSES

Un héritage intact

 

Serigne Cheikh n’est plus là. Mais son legs reste jalousement gardé. Les fidèles tidianes, massivement réunis au champ de courses la nuit du Gamou, l’ont encore magnifié avec leur ‘’guide éternel’’ Serigne Moustapha Sy.

 

Exigu a été le champ de courses pour contenir la foule immense de fidèles venus comme d’habitude s’abreuver à l’océan de savoir de Mame Cheikh Ahmed Tidiane Sy. ‘’Nous sommes arrivés en retard. C’est difficile, à cette heure, de trouver de la place’’, regrette ce fidèle venu de Kaolack. Il est 23 h passées de quelques minutes. Matar Niane est désappointé. Il traine, de gauche à droite, avec sa famille, à la recherche d’un endroit où se mettre. D’autres, résignés, restent pendant ce temps debout, juste à l’entrée. L’horloge affiche 00 h 10 mn. Serigne Moustapha Sy vient d’être aperçu à l’écran. Les fidèles ne tiennent plus sur leurs jambes. L’émotion gagne certains qui ne peuvent retenir leurs larmes. ‘’Il a mis une Djellaba’’. ‘’C’est triste’’. ‘’Il me rappelle Serigne Cheikh’’…, ne cesse-t-on de s’exclamer du côté du public.

Interpellés, certains expliquent l’euphorie par l’accoutrement inhabituel du marabout. ‘’Pour moi, il veut nous montrer que Serigne Cheikh est toujours présent parmi nous’’, témoigne Ndèye Fall, nostalgique. L’engagement et la détermination des Moustarchidines sont également au beau fixe. Tout de blanc vêtu, ils renouvellent leur soumission aux côtés de leur guide spirituel. ‘’Par notre présence, nous lui montrons qu’il pourra toujours compter sur nous, même si tout le monde le quittait. Il est tout pour nous. En lui nous croyons. Les gens ne font que parler. De grâce, que ceux qui ne croient pas nous laissent avec notre Moustapha’’, chante toujours Ndèye, passionnément. Elle ajoute : ‘’C’est Serigne Cheikh qui nous a choisi Serigne Moustapha. Nous lui resterons fidèles toute la vie.’’

Après l’euphorie, le calme. Après un discours d’une dizaine de minutes en arabe, le marabout s’adresse à ses talibés en wolof. Sa communication, outre la vie et l’œuvre du Prophète, est axée sur l’engagement, les critères du choix d’un leader, mais aussi les tentations de la vie, l’attrait du confort. A ce sujet, il donne l’exemple : ‘’Serigne Mansour, l’aîné de Serigne Cheikh, m’a raconté qu’il est un jour allé voir Serigne Cheikh pour lui dire qu’il a besoin de changer de chambre à coucher. Après lui avoir remis une liasse de billets, le marabout lui dit : ‘Vu ton statut et tes origines, tu es même en droit de coucher sur un lit en or. Mais sache que ce n’est pas le plus important dans la vie.’

Ainsi, le marabout continue de faire un vibrant sermon contre la ruée vers le matériel. ‘’La vie n’en vaut pas la peine’’, précise-t-il, comme pour s’adresser à tous ces guides qui accourent vers l’avoir et le pouvoir.

En ce qui concerne les critères du choix d’un leader, le marabout estime que l’âge n’est pas le facteur le plus prépondérant. Prenant l’exemple du Prophète, il explique : ‘’C’est quelqu’un qui se basait sur l’horizontalité, l’égalité de tous, pour choisir ses responsables. Cela n’a pas toujours été aisé. Parfois, ses décisions étaient remises en cause par les vieux.’’ Cette leçon semble bien sue par les fidèles qui ont fait de Moustapha Sy leur guide, celui qui leur rappelle Serigne Cheikh.

Par ailleurs, dans un langage plein de métaphysique et de métaphore, le fils d’Al Maktoum est largement revenu sur la vie et l’œuvre du Prophète. Aussi, a-t-il parlé de la dimension de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine. Par moments, la conférence a été interrompue par des applaudissements nourris de la foule en extase. Ismaïla Diop se réjouit : ‘’Comme d’habitude, nous avons beaucoup appris de la vie du Prophète et de la vie en société. Il existe beaucoup de crises dans ce pays et dans le monde. Il faut retourner aux enseignements du Prophète, si nous voulons sortir de ces difficultés. Nous sommes vraiment très heureux d’être là.’’

 

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