Publié le 10 Dec 2016 - 14:04
GAMOU TIVAOUANE 2016

En attendant la grande affluence

 

La prière du vendredi, le ‘‘hadara’’, et la fin du ‘‘bourde’’ hier  ont réuni des centaines de milliers de personnes dans la ville de Tivaouane, à deux jours du Mawlid. Des milliers d’autres sont attendus aujourd’hui samedi et demain dimanche.

 

La mosquée appelée ‘‘diouma Serigne Babacar Sy’’ ne désemplit pas depuis la fin de la prière de l’après-midi, 17 heures. ‘‘Ne laissez plus personne passer’’, intime un homme près de la quarantaine, tout de vert habillé, tenue caractéristique des éléments du Comité d’organisation au service du khalife Ababacar Sy, (Coskas). Les jeunes hommes et femmes, parés des ‘’sabadors’’ de même couleur, se détachent des barrières métalliques sur lesquelles ils étaient adossés pour tenter de remettre de l’ordre dans une file indienne qui ne cesse de s’allonger. Malgré des explications tantôt calmes, tantôt mouvementées, les disciples ne voulaient rien entendre. 

Le problème est qu’ils ne voulaient surtout pas, à l’image de Babacar Niang,  rater le ‘‘hadaratoul juma’’, une litanie chantée en commun dans la confrérie tidjiane avant la prière du crépuscule tous les vendredis, qui coïncide avec ce Gamou. ‘‘Je me suis arrangé pour que mes jours de repos tombent pile sur cette fête religieuse. Pour moi, il est hors de question de manquer le hadara. C’est entrer ou entrer’’, déclare ce jeune employé dans un bureau d’études dakarois devant une vingtaine de jeunes hommes et femmes préposés à l’entrée du lieu de culte. Réticence pour réticence, la jeune garde du Coskas ne laisse pratiquement rien filtrer.

Tapes amicales, bousculades contrôlées, conciliabules en aparté, avant que quelques-uns ne soient finalement autorisés à rejoindre l’intérieur d’une mosquée pleine à craquer. Les disciples en retard et moins déterminés, des femmes pour la plupart, ont trouvé la parade en s’asseyant par terre sur le parvis de la mosquée où ils sont rejoints par des dizaines d’autres. Des haut-parleurs de la mosquée, jaillissent de puissants décibels entonnant des zikr chantonnés à l’unisson par une ambiance effervescente. ‘‘L’espoir que nous avons en la foi tidjane est intarissable’’, s’exclame une vieille femme qui fait se retourner toutes les personnes intriguées par cette digression. Acquiescements à ses propos et récriminations pour le dérangement fusent après sa saillie. 

114 ans plus tard

Ce n’est pas encore la grande affluence puisqu’on est à deux jours de la célébration de la naissance du prophète Muhammad (PSL), dans la ville sainte de Tivaouane. En 1902 déjà, le propagateur de la confrérie tijaniya au Sénégal, El Hadji Malick Sy, célébrait ce qui était le premier Mawlid, ‘‘Gamou’’ pour son appellation wolof. 114 ans plus tard, ses disciples, qui ont pu bénéficier de sa vision décentralisatrice, avec le système de daara implantés un peu partout dans les collectivités du pays sous la direction d’érudits appelés ‘‘moukhaddam’’, perpétuent la tradition. Ce qui fait de Tivaouane le lieu de convergence privilégié même si tous les autres foyers religieux du pays commémorent le Gamou.

‘‘Célébrez la nuit du Mawlid où que vous soyez, dans la pure tradition prophétique et éloignez-vous de tous les interdits’’, rappelle le chroniqueur religieux Taib Socé, reprenant mot pour mot les enseignements du fondateur de la confrérie, El Hadji Malick Sy. Mais dans les ruelles du marché éponyme, les marchands du temple viennent aussi faire leur propre Gamou. Impossible de se déplacer sans rentrer dans un objet qui dépasse du trottoir ou se faire bousculer par une foule qui se pressait dans tous les sens. Des séances d’épilation, de pose de faux cils ou de faux-ongles, des marchandes de chapelets au bras surchargés, les brouettes chargées d’ananas, de noix de coco, ou de pastèques, les vendeurs d’articles factices de toute sorte ont pris d’assaut la ville de Maodo.

Détours

La présence du chef de l’Etat à Tivaouane pour l’inauguration de la maison des hôtes de la ville, a obligé les forces de l’ordre, gendarmes et policiers, à faire faire de longs détours aux personnes qui circulaient dans les abords de la grande mosquée. ‘‘Circulez !’’ intiment-ils aux badauds qui s’émerveillaient devant les motards de la flèche qui ouvrent le cortège présidentiel. Une sourde oreille dont le crépitement dissuasif d’un taser vient tout de suite à bout dans un mouvement de rush intermittent qui a fini par amuser les curieux. Le crépuscule tombant laissait voir la formation de plusieurs bouchons, en face de la gendarmerie de Tivaouane, sur la Nationale menant à Mboro. Des bus et voitures dont les toits surchargés de toutes sortes de denrées indiquaient que la Ville sainte n’avait pas encore atteint un seuil critique de pèlerins. Au loin, la sirène du Petit train de banlieue (Ptb) annonçait également le flux de nouveaux pèlerins qui débarquent dans la ville. Un avant-goût de ce que sera la journée de demain dimanche.

OUSMANE LAYE DIOP (TIVAOUANE)

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