Publié le 26 Aug 2016 - 13:32

Gouvernance, transparence et médias

 

Le 16 octobre 2016, l’opinion en saura davantage sur la gestion de nos richesses gazières et pétrolières à travers la publication du rapport ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), une norme internationale qui vise à améliorer la transparence dans la gestion des revenus tirés de l’extraction des ressources minières, gazières et pétrolières.

Ce rapport, selon le Premier ministre Mohamad Boune Abdallah Dionne, évoquera les primes et bonus versés au Trésor public, les bénéfices tirés par l’Etat dans les transactions sur les titres, la non éligibilité de Cairn et Kosmos, le fonds de pension norvégien pour des raisons géopolitiques et non d’atteinte à des normes juridique ou éthiques, et aussi la réconciliations pour l’année 2014 de tous les paiements effectués par les compagnies et des revenus reçus par l’Etat.

Faut-il rappelé que Dionne a fait cette annonce en répondant à une interpellation d’Abdoul Mbaye, leader du parti de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) et ancien Premier ministre, demandant au chef de l’Etat la publication de ces contrats.

En dépit de la volonté affirmée et réaffirmée d’inscrire son action selon le principe de la ‘’gouvernance sobre et vertueuse’’, déclinée aussi à travers un arsenal juridique censé lutter contre la corruption, nombreux sont ceux qui mettent en doute la volonté du gouvernement de jouer à fond la carte de la transparence dans sa gestion quotidienne. Lui reprochant, au contraire, de cultiver le secret.

Cette bonne foi butte aussi sur ce préjugé ancré sous toutes les latitudes : pour l’opinion, les élus cachent toujours quelque chose, les élites se réunissent pour tromper la grande masse.

Malgré tout, un gouvernement s’efforcera de prouver qu’il travaille dans la transparence jusqu’au jour où, ce qui n’était pas étalé dans l’espace public, mais touchant l’intérêt général, est révélé, donnant lieu à un scandale aux yeux de l’opinion qui jusqu’ici n’a jamais été mis au courant de ces informations. C’est le cas avec les révélations de l’inspecteur des impôts, Ousmane Sonko, également leader du parti Patriotes sénégalais pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), sur la situation fiscale des députés, entre autres, et qui lui valent, après une suspension, le passage devant un Conseil de discipline. Le fonctionnaire paierait ainsi des manquements à son obligation de réserve.

Ces révélations traduisent l’asymétrie de l’information entre les gouvernants et les gouvernés et qui confère encore davantage de pouvoir aux autorités. Parlant de ce phénomène, l’Economiste Joseph Stiglitz écrit : (Il) confère aux chefs d’entreprise le pouvoir discrétionnaire d’appliquer des stratégies susceptibles de servir davantage leurs propres intérêts que ceux des actionnaires, tout comme il confère aux gouvernants en place le pouvoir discrétionnaire d’appliquer des politiques susceptibles de servir davantage leurs propres intérêts que ceux des citoyens’’.

Or, selon l’Economiste Joseph Stiglitz, toujours, ‘’ce secret est corrosif : il va à l’encontre des valeurs démocratiques et gêne le processus de la vie publique ; il fait obstacle à l’alternance et fait obstacle à la participation des citoyens à la vie publique ; enfin, il repose sur la méfiance entre les gouvernants et les gouvernés qu’il exacerbe (…)’’.

La transparence dans la gestion des affaires publiques est devenue une forte exigence citoyenne. Et dans une société démocratique comme la notre, les citoyens ont le droit d’être informés. La démocratie s’est construite contre les secrets de l’Etat, contre les secrets des monarques. Cette culture du secret est le propre des régimes totalitaires ou simplement anti-démocratiques.

Cette transparence postule l’accès des citoyens à l’information, la publication des délibérations et le débat public, la responsabilité des gouvernants. Lorsque que le gouvernement fait de la culture du secret sa marque, cela aura pour conséquences : le renforcement des inégalités dans l’accès à l’information, le renforcement des prérogatives de l’administration face aux citoyens, l’impossibilité d’assurer un contrôle de légalité des actes de l’administration, le développement des formes dévoyées d’information qui prennent les contours de la propagande, le développement de la corruption, la patrimonialisation du pouvoir, etc.

Si la transparence se veut l’opposée du secret, il n’en demeure pas moins nécessaire de préserver une zone de confidentialité dans l’action publique. Cela peut-être le cas dans le domaine de la sécurité. Mais dans le cas d’espèce aussi, il faut s’ingénier à assurer un secret transparent.

Bien sûr, les médias ont un rôle essentiel à jouer dans cette carte de la transparence. Une telle posture requiert bien évidemment l’existence d’un environnement juridique à même de favoriser le libre accès à l’information, ce qui sous-tend la propension des gouvernants à communiquer.

Dans cette perspective, les médias ne se focalisent pas sur l’accessoire, mais mettent l’accent sur l’essentiel, véhiculent les faits et non la rumeur, ne privilégient pas le sensationnel, ne servent pas de plateforme de dénigrement, voire de règlement de compte entre homme de pouvoir, etc. Ce sont des  médias qui jouent le rôle de diffuseurs d’idées, de nouvelles en tant qu’instruments d’information et subsidiairement d’éducation.

Dans son livre ‘’Une démocratie prise en otage par ses élites’’ (Les Editions Sentinelles, 2006), le journaliste Abdoulatif Coulibaly souligne que la presse sénégalaise ‘’a pu aider à enclencher les dynamiques qui ont permis aux populations de faire face à des enjeux majeurs de société comme le chômage, la pandémie du SIDA, la problématique homme-femme, les conflits politiques et la mondialisation etc’’.

M. Coulibaly ajoute : ‘’A cet égard, tout en participant activement au débat national les médias ont aussi amplement donné l’occasion au public d’y participer lui aussi en connaissance de cause, en lui permettant d’acquérir de nouvelles connaissance et de nouveaux concepts’’.

Ousmane Ibrahima DIA, journaliste à l’Agence de presse sénégalaise (APS)

 

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