Publié le 31 Dec 2018 - 21:32
GREVE DE AND GUEUSSEUM

Les malades, seules victimes  

 

Se soigner est devenu un casse-tête pour les patients qui fréquentent les structures sanitaires publiques. La grève répétitive du mouvement And Gueusseum perturbe la prise en charge effective des malades dont certains commencent à perdre patience face à cette situation.  

 

Les malades ne souffrent pas seulement de leur pathologie. Présents dans les hôpitaux et centres de santé pour des soins, ils rencontrent d’énormes difficultés pour recevoir correctement les traitements, à cause de la grève du personnel paramédical de l’alliance And Gueusseum qui en est à son 17e plan d’action.

Au centre hospitalier Abass Ndao, c’est la croix et la bannière pour les patients.  Il est 8 h. L’ambiance est calme et l’affluence assez importante. Une file d’attente de malades et d’accompagnants constitue le décor devant le service de la maternité et celui de la gynécologie du centre hospitalier. En ce vendredi 21 décembre 2018, les services de la maternité et les urgences fonctionnent avec peu de blouses blanches.  Assise sur un des bancs d’attente, Diakhé Coly, accompagnant sa fille en état de grossesse admise à l’hôpital depuis 15 jours, constate la grève des paramédicaux. ‘’Chaque jour, à 13 h, je vois le personnel rassemblé avec des brassards rouges dans la cour. Cela montre qu’ils sont en mouvement. Mais comme ma fille est toujours aux urgences, elle reçoit correctement ses traitements’’, affirme-t-elle.

Fatou Diouf, jeune maman venue en consultation avec son bébé de 15 jours, a moins de ‘’chance’’. Elle est victime de la grève. ‘’J’ai fait toutes mes consultations prénatales au Samu national, à Liberté 6. Mais avec la grève, les sages-femmes m’ont conseillée, pour l’accouchement, de venir à Abass Ndao’’, explique-t-elle. Deux semaines après son accouchement, elle est revenue pour les premiers vaccins du bébé et les papiers d’état civil. Présente sur les lieux depuis 7 h, Fatou est première sur la liste d’attente. Il est 10 h et elle attend toujours pour la consultation. ‘’ Avec cette grève, j’ai peur que mon bébé rate les vaccins. Je me soucie beaucoup pour sa santé et je n’ai pas les moyens pour aller dans le privé. Il faut vraiment régler cette situation qui perdure’’, martèle-t-elle l’air inquiet.

Au service gynécologie, c’est la même ambiance. Patients et accompagnants attendent impatiemment le personnel soignant. Rencontré sur les lieux, le vieux Diatta, ancien technicien supérieur en odontologie et formateur à l’Endss, fustige la situation. Présent au centre hospitalier depuis 8 h 30, il est presque 11 h 20, et sa femme venue pour une consultation gynécologie n’a toujours pas été reçue. Elle attend comme la plupart des patients. Le technicien à la retraite ne manque pas de déplorer cette situation à laquelle il est obligé de se soumettre. ‘’On ne vient pas ici pour boire du thé. Si l’on est là, c’est pour se soigner. Mais je me soumets au rythme‘’, fulmine-t-il.

Toutefois, M. Diatta admet que le personnel de santé ‘’ne fait pas la grève de gaieté de cœur’’. Pour cet ancien du corps médical, il est temps d’adopter une méthode consistant à faire la grève tout en travaillant. ‘’Le port du brassard rouge devait suffire pour faire réagir les autorités et éviter les arrêts de travail. Mais, malheureusement, dans ce pays, si les gens n’arrêtent pas le travail, leurs revendications ne seront pas prises au sérieux. Au final, c’est aux innocents patients d’en pâtir’’, regrette-t-il.

Une situation maitrisée dans certains districts . 

Au district sanitaire Gaspard Camara de Grand-Dakar, la grève ne semble pas paralyser le fonctionnement du centre. Le personnel paramédical affilié au mouvement And Guesseum du centre n’a pas suivi le mot d’ordre décrété par leur syndicat. Accompagnants et patients ignorent même l’existence du mouvement d’humeur. Assise sur l’un des bancs publics qui marque le décor dans la cour du district, une accompagnante, qui a séjourné plus de 15 jours dans le district, n’est pas au courant de la grève du personnel paramédical.

Selon M. Sakho, le directeur des ressources humaines du district qui répertorie les arrêts de travail et l’impact de la grève sur le fonctionnement du centre, ‘’il n’y a aucune perturbation au niveau de Gaspard Camara. La majeure partie des employés sont affiliés au syndicat And Guesseum, mais ils ont décidé de suspendre la grève’’, déclare-t-il.  

 Pour le syndicaliste Souleymane Joe Mané, Secrétaire général du Syntras/Cnts, la suspension du mouvement par certains paramédicaux s’explique par le fait que ces derniers sont souvent en grève malgré eux. ‘’Il y a un contrat moral qui nous lie avec les patients et la population d’une manière générale. Ce qui fait que, parfois, c’est difficile de respecter les mots d’ordre. Face à un malade, notre conscience morale ne nous permet pas souvent de refuser les soins sous prétexte de suivre un mouvement’’, estime le syndicaliste.    

MAMADOU GAYE, SECRETAIRE GENERAL AND GUEUSSEUM TAMBACOUNDA

‘’Quand nos sages-femmes accouchent,  elles trainent des torches’’ 

Dans les régions, la grève des syndicats de la santé paralyse le système et c’est aux populations de trinquer. Avec les difficiles conditions de travail et le manque de moyens pour administrer des soins de qualité aux patients, les mouvements d’humeur viennent allonger la souffrance des malades. Du moins, c’est l’avis des acteurs du secteur dans certaines régions du pays.

‘’ Les gens pensent que ce qui se fait à Dakar, c’est partout la même chose, alors que ce n’est pas le cas. Ici, si And Gueusseum est en grève, tout le système est paralysé. Les postes de santé sont éloignés, ce qui fait que les gens qui assurent les vaccinations se déplacent sur des charrettes et des motos et même, parfois, ils marchent pour aller dans les villages environnants pour vacciner les enfants. En plus, il n’y a pas d’électricité. Quand nos sages-femmes font des accouchements, elles trainent avec des torches’’.

Ce témoignage de Mamadou Gaye, Secrétaire général d’And Gueusseum/Section Tambacounda, illustre la situation précaire des populations dans les zones enclavées.

Abba BA

 

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