Publié le 25 Feb 2014 - 06:39
GRIEFS DE LA MISSION D'INSPECTION

Ce que Bara Sady et le Dg de DPW ont dit aux enquêteurs

 

Le rapport N°91/2012 sur les ''Conditions  de concession du Terminal du Port autonome de Dakar (PAD) à Dubaï Port World (DPW)'' n'instruit pas qu'à charge. Les enquêteurs de l'Inspection générale d'Etat donnent  la parole aussi bien à Bara  Sady dont les recommandations émises par l'IGE à son endroit sont sans équivoque, qu'au Directeur général de DPW qui ne manquent pas de se  défendre.

 

Les griefs sont concentrés en plusieurs points relatifs à la composition du Comité technique de sélection du concessionaire, l'attribution de primes à ses membres, la non-saisine du Conseil d'administration durant tout le processus de cession, le non-respect des délais  fixés dans le payement du ticket d'entrée, le pacte d'actionnaires, le non-contrôle des volumes de trafic déclaré par  Dubaï Port World (DPW)...

Sur toutes ces questions, l'ex-Directeur général du Port  autonome de Dakar (PAD) et Guido Heremans répondent de façon tranchée aux interpellations des enquêteurs, qui soupçonnent tel un fil d'Ariane dans le volumineux rapport, des ententes non écrites dans le sens bien compris d’intérêts privés.

Entre aveux et dénégations...

Si le non-payement de l'intégralité des sommes prévues dans le cadre de la Convention de concession a occupé les médias, en réalité, ce n'est pas là le seul point de désaccord qui a opposé l'Etat du Sénégal à DPW. Le non-respect des engagements de trafic souscrits dans la Convention de concession signée entre les parties sénégalaise et dubaïote, représenté d'une part par le Sultan Ahmed Bin Sulayem pour le concessionnaire et d'autre part par Bara Sady pour le Concédant, figurent en bonne place des griefs mis sur la table.

A ce propos, le Directeur général de DPW ''reconnaît que sa société n'a pas respecté ses engagements de trafic. Mais il s'empresse de convoquer l'article 9.1 de la Convention pour calculer et accepter une compensation d'un milliard deux cent dix-sept millions''.

Les Inspecteurs évoquent une interprétation ''erronée'' des textes et estiment que la somme à réclamer à DPW est de 4,3 milliards de francs Cfa. Pour les enquêteurs, ce qu'il faut payer doit correspondre ''aux redressements de facturations sur la base des écarts non réalisés par rapport au seuil minimal annuel  (…) fixé par la Convention de concession, soit quatre milliards trois cent soixante douze millions...''.

Sur ce point précis, Bara Sady semble défendre DPW en estimant, selon des termes consignés dans le rapport, que ''le non-respect des engagements pris par DP World notamment sur le trafic est dû au retard accusé dans la finition de certains travaux de génie civil à la charge du concessionnaire''. Des  arguments que les enquêteurs jugent ''non pertinents''.

Sur le non-payement au moment de la mission d'inspection de la deuxième partie du ticket d'entrée de 24,6 milliards de francs (encaissé par le Trésor public sénégalais depuis le mois de juillet 2013), la polémique a fait rage entre le corps de contrôle, Bara Sady et la Direction de Dubaï Port  World (DPW).

''Monsieur Bara Sady s'est contenté de nous indiquer les raisons pour lesquelles il a opté pour une participation du PAD au capital de la société de gestion sans dire pourquoi il a accepté et signé que le capital social soit fixé à un niveau qui ne permet pas de retrouver, en valeur absolue, l'équivalent de la deuxième partie du ticket d'entrée'', qui est de 24,6 milliards de francs Cfa. Alors que cette somme, ''selon l'offre de  DPW et le contrat de concession, devait être affecté au capital de la société d'exploitation''. 

Sur ce registre, le Directeur général de DPW vient à la rescousse de Bara Sady en consignant dans ses réponses ceci : ''Contrairement à ce que prétend le pré-rapport, la valeur économique et financière d'une participation de 10% du PAD dans le capital de la Société d'exploitation correspondait bien, au moment de la signature du Contrat de concession, à la somme de 24,6 milliards de francs Cfa et ce, quelle que soit par  ailleurs la valeur nominale du capital social.'' Mais comme précisé plus haut, cet aspect du contentieux est diplomatiquement géré par les deux parties...

A propos du Conseil  d'administration du PAD

Toujours dans les facilités faites au géant dubaïote, il est non seulement reproché à Bara Sady de fermer les yeux, mais aussi de ''fermer'' ceux de son Conseil d'administration. En effet, lit-on dans le rapport, ''Bara Sady reconnaît, tout au long de son argumentaire, qu'il n'a pas soumis le projet de concession au Conseil d'administration alors que, comme il le reconnaît lui-même, ''le directeur général soumet des projets à l'approbation du Conseil d'administration, notamment en ce qui concerne le règlement intérieur, les programmes d'investissement, les budgets et les occupations domaniales, les comptes de fin d'année d'exercice et l'organigramme de l'entreprise''. Pourquoi donc avoir occulté l'avis du Conseil d'administration  pour une opération aussi importante ?

Mystère et boule de gomme. Les suspicions d'une opération téléguidée dans le sens d'intérêts inavoués sont  réelles au regard des constatations des enquêteurs qui constatent, outre une violation du Code des marchés publics, une composition assez hétéroclite des membres composant le comité technique de sélection du concessionnaire.

Mais l'ex-Directeur général du Port s'en défend : ''Le Directeur de l'Exploitation et le Directeur des Infrastructures et de la Logistique n'avaient pas été nommés dans le Comité pour des raisons suivantes : un port comme celui de Dakar fonctionne 24 h sur 24 et le processus devait durer plusieurs mois...

J'ai donc choisi, conformément à mes prérogatives d'employeur, de ne pas dégarnir le staff, en évitant de solliciter certains responsables de secteurs opérationnels travaillant presque sous astreinte''. Mais selon l'Ige, ''ces arguments ne sauraient prospérer'', car ''contrairement à ce qu'affirme Monsieur Sady, le processus de la concession n'a pas duré plusieurs mois, mais 17 jours''. Les enquêteurs relèvent aussi l'octroi d'une prime de 100 millions de francs Cfa aux membres du Comité, comme déjà relevé dans la presse...

Bara Sady vend le profil de ses hommes

N'empêche, Bara  Sady avance dans ses réponses, que ''les personnes qui ont été choisies pour animer le Comité maîtrisent tout autant, sinon plus (…), les volets d'exploitation et technique pour avoir occupé par le passé les fonctions de Directeur de l'Exploitation du Port autonome de Dakar au même titre que Monsieur Ambroise Sarr et Gonar Ndior. Dans la partie du rapport intitulé ''Observations de M. Bara Sady, ancien directeur général du Port autonome de Dakar (PAD), ce dernier défend bec et ongles le profils des membres choisis du Comité.

''L'ensemble des membres du groupe ont suivi le cours supérieur en Gestion et Exploitation portuaires de l'OMI, mais également le cours spécialisé en concession et régulation portuaires organisés conjointement par la Banque mondiale et l’École nationale des Ponts et chaussées de Paris''. Bara Sady  justifie bien que ''Amadou Ndiaye (est) diplômé  de l'Université de Malmö en Suède (…) et avait sous ses ordres en tant que directeur de l'Exploitation Ambroise Sarr dont l'absence dans le Comité a été relevée par le rapport de l'Ige.

Abdoulaye Gningue est ingénieur en Génie civil de formation tandis que pour ''Oumar Diagne Thiam et Mouhamed Soumaré, respectivement à l'époque Secrétaire général et Directeur financier et comptable, leur nomination dans le Comité se justifie par leur compétence avérée''.

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