Publié le 29 Oct 2014 - 18:21
GROSSESSES PRECOCES ET NON DESIREES, SALAIRES DERISOIRES, PROMISCUITE, CHANTAGE……

Le calvaire des filles migrantes à Dakar

 

Les migrations des filles de l’intérieur du pays vers la capitale pour des fonctions d’employées de maison les exposent à des abus de toute sorte. Mais surtout à des grossesses précoces. La révélation émane d’un rapport du FNUAP sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes filles migrantes à Dakar.

 

La situation de la femme migrante devient de plus en plus préoccupante au Sénégal. Cette migration interne représente 11% et Dakar abrite près de 25% de ces migrantes. Selon une enquête réalisée par le Fonds des Nations unies pour la Population (FNUAP) et le Groupe pour l’Etude et l’Enseignement de la Population (GEEP) sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes filles migrantes à Dakar, présentée hier, les adolescentes âgées de 15 à 19 ans contribuent pour près de 9,3% à la fécondité. Ceci témoigne d’une sexualité précoce. 

L’enquête a ciblé 28 filles âgées entre 13 et 25 ans. Et toutes ces dernières sont des domestiques. Elles sont originaires de Fatick, Bambey, Pout et Diourbel.  Selon  Khadidiatou Tall Thiam du GEEP qui présentait le rapport, à cause de l’exiguïté des lieux d’ébergement et de l’absence d’autorité, les saisonnières qui vivent dans les quartiers flottants de Dakar sont confrontées à des grossesses précoces trop rapprochées et non désirées.

‘’Considérée comme une honte par les familles, la grossesse hors mariage a des conséquences désastreuses et pour les éviter, les jeunes migrantes vont commettre des actes graves tel l’infanticide’’. Cependant, seul 17% seulement des interrogées ont admis avoir été victimes de violences. Les agressions évoquées  seraient le fait de patrons ou de membres de la famille. Ces derniers, usant parfois de chantage de fausse accusation de vol, ou de menaces, font mener la vie dure aux domestiques. Mais, aucun cas de violence sexuelle n’a été rapporté. Et d’après le rapport, 96% des interrogées utilisent des moyens de protection hygiéniques à l’apparition des règles. 60% ne connaissent pas leur période de fécondité.

58% ont fait un dépistage

La connaissance du mode de transmission du VIH est vérifiée chez plus de 50% des enquêtées. Toutefois, la corrélation entre connaissance du SIDA et l’adoption de comportements ‘’responsable’’ n’est pas ressortie de façon claire. L’analyse montre qu’il faut plus insister sur le psychoaffectif et le psychomoteur afin de faire le lien entre la connaissance du VIH/ SIDA et le développement d’attitudes. Dans le même sillage, 58% des filles déclarent avoir effectué le dépistage pour connaître leur statut sérologique. Ce taux  pourrait connaître une augmentation si des stratégies d’informations sont développées, à en croire le rapport du FNUAP.

 Sur un autre registre, les filles domestiques affichent un intérêt particulier à la planification familiale. Le besoin de PF non satisfait est à son niveau le plus élevé chez les adolescentes de 15 à 19 ans. 69% des enquêtées souhaitent avoir des informations sur la PF. Mais 43% désirent obtenir des informations sur les MST et les modes de transmission. L’avortement est évoqué par 17% des filles migrantes. ‘’Mais il faut noter que derrière ce besoin de la PF, se cache une volonté de connaître les moyens de contraception, pour éviter les grossesses non désirées, synonymes souvent de retour au village’’, explique Mme Thiam.

Ratification de la convention 189

Les résultats de l’enquête révèlent  aussi que seules 42,86% des filles migrantes ont été scolarisées. Mais leur niveau d’instruction ne dépasse guère le primaire. Seules trois filles déclarent avoir une formation en coiffure, hôtellerie et couture. Une fille est inscrite à l’université, étudiante à la faculté des sciences et techniques de l’UCAD. Elle travaille en attendant le démarrage des cours.

 Toujours, selon le rapport, de plus en plus les élèves et étudiantes cherchent des emplois temporaires pour subvenir à leurs besoins. La situation économique des familles ne permet pas toujours de prendre en charge la scolarisation des enfants. La pauvreté et la précarité influent sur les performances des jeunes filles. Ces adolescentes non scolarisées ou déscolarisées sont souvent sans formation ni qualification professionnelle. Leur savoir faire domestiques ne leur permet pas d’offrir le service de qualité à des familles urbaines de plus en plus exigeantes.

Aussi restent-elles dans un état d’apprentissage continu et l’employeur ne peut offrir qu’un salaire minimum voire dérisoire variant entre 13 000 francs et 45 000 francs. Face à cette situation, les enquêteurs demandent au gouvernement la ratification de la convention 189 afin que ces jeunes puissent faire prévaloir leurs droits. ‘’Il faut que cette convention soit ratifiée. Les jeunes filles domestiques sont sans protection, ce qui les rend vulnérables’’, a soutenu Khadidiatou Tall Thiam. Et la représentante FNUAP/ Sénégal, Andrea Wojnar Diagne d’ajouter : ‘’Il faut  aussi que le gouvernement assure aux adolescentes l’accès à une information correcte et à des services de santé reproductive de qualité. C’est là une condition nécessaire pour que le Sénégal puisse bénéficier du dividende démographique tirée de sa population largement jeune’’. 

VIVIANE DIATTA

 
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