Publié le 6 Oct 2015 - 17:31
HEURTS EN CISJORDANIE ET A JERUSALEM-EST

Vers une troisième intifada?

 

Depuis samedi, dans de nombreuses localités de Cisjordanie et dans certains quartiers de Jérusalem-Est, jeunes Palestiniens et soldats israéliens s'affrontent dans des scènes qui rappellent les intifada de 1987 et 2000. Les premiers jettent pierres et cocktails Molotov, tandis que les seconds répondent par des tirs à balles réelles qui ont fait en moins de 48 heures deux morts et 150 blessés, parmi les Palestiniens. Et de nouvelles manifestations sont signalées ce lundi en Cisjordanie.

 

La première intifada, qui signifie en arabe soulèvement, appelée également guerre des pierres, est un soulèvement de la population palestinienne. Ce soulèvement a débuté le 9 décembre 1987. La veille, le 8 décembre 1987, un camion israélien écrase une voiture palestinienne et tue quatre Palestiniens. Le lendemain, pendant les funérailles des victimes, la foule s'en prend à une position militaire de Tsahal, au camp de réfugiés de Jabaliya, en lançant des pierres. Les soldats israéliens sont débordés. Des renforts sont appelés, mais ceux-ci se retrouvent sous un déluge de pierres et de cocktails Molotov. Cet événement est considéré comme le début de la première intifada.

Ce soulèvement s'étendra encore plus rapidement en février 1988 lorsqu'un photographe israélien publie des images qui font le tour du monde montrant des soldats israéliens « molestant violemment » des Palestiniens, suscitant ainsi l'indignation de l'opinion publique. Yitzhak Rabin, à l'époque dirigeant militaire qui deviendra plus tard Premier ministre et leader du Parti travailliste, avait appelé les soldats israéliens à briser les membres des jeunes lanceurs de pierre, ce que certains soldats feront réellement à l'aide de pierres. Ces images, en faisant le tour du monde, avaient suscité l'indignation et provoqué la colère des Palestiniens.

La seconde intifada

Le 28 septembre 2000, alors que le processus de paix israélo-palestinien, relancé vainement par le deuxième sommet de Camp David, est dans l'impasse, la visite du député israélien Ariel Sharon sur l’Esplanade des mosquées provoque la colère des Palestiniens qui y voient une provocation. Les manifestations qui s'ensuivent sont fortement réprimées : trois jours plus tard, on compte quinze morts et trois cents blessés parmi les Palestiniens. Les violences s'amplifient et au 10 octobre, on compte quatre-vingt-dix morts et deux mille blessés parmi les Palestiniens.

C'est de la vieille ville de Jérusalem, comme pour la précédente intifada qu'est partie samedi soir l'une des premières étincelles de ce nouveau cycle de violence qui font redouter une troisième intifada. Un jeune Palestinien y a tué à coups de couteau deux Israéliens, blessant un enfant et une femme avec eux. Aussitôt, les autorités israéliennes ont annoncé une mesure punitive,  « sans précédent », selon le ministre de la Sécurité intérieure : durant deux jours, les Palestiniens sont interdits d'entrer dans la vieille ville, située à Jérusalem-Est, partie palestinienne, occupée et annexée par Israël, de la ville sainte.

Ce lundi, pour le deuxième jour consécutif, et alors que les juifs célèbrent le dernier jour de Souccot, la fête des Cabanes, des barrages de police ne laissent entrer que les Israéliens, les résidents, les touristes, les commerçants et les élèves des écoles situées entre les remparts. Et privant de fait d'accès l'immense majorité des quelque 300 000 Palestiniens de Jérusalem-Est.

La fermeture de la vieille ville de Jérusalem aux Palestiniens est perçue comme une mesure vexatoire supplémentaire par les Palestiniens. Elle concerne l'immense majorité des quelque 300 000 Palestiniens de Jérusalem-Est (partie de Jérusalem occupée illégalement en 1967 et annexée par Israël) qui ne vivent pas dans la vieille ville. Pendant deux jours, seuls les Israéliens (y compris les Arabes israéliens largement solidaires des Palestiniens), les résidents de la vieille ville, les touristes, les commerçants et les élèves des écoles situées entre les remparts pourront pénétrer dans la vieille ville.

Le Croissant-Rouge a dit avoir recensé en 24 heures 77 blessés palestiniens, par balles réelles et balles en caoutchouc à travers le territoire palestinien. De multiples accrochages entre Palestiniens et soldats israéliens ainsi que des attaques de colons israéliens contre des Palestiniens ont été rapportés depuis le meurtre, jeudi soir, de deux colons criblés de balles sous les yeux de leurs quatre enfants.

 Le lieu de la discorde

L'esplanade des Mosquées, ou mont du Temple dans l'appellation juive est le troisième lieu saint de l'islam après la Grande mosquée de La Mecque et la mosquée du Prophète de Médine, en Arabie saoudite. L'emblématique dôme du Rocher qui s'y trouve se dresse sur le rocher d'où le prophète Mahomet serait monté au ciel sur sa jument ailée, al-Bouraq. Tout près se trouve la mosquée al-Aqsa qui donne souvent son nom à l'esplanade.

Le site est pour les juifs l'endroit où se manifeste le mieux la présence divine. C'est là que s'élevait le premier temple juif selon la Bible et le second, détruits successivement par les Babyloniens et les Romains. Il est situé à Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem occupée en 1967 par Israël et annexée, donc au cœur du conflit palestinien. Des deux côtés, il est un symbole religieux et/ou national intangible. C'est tout Jérusalem qui est en proie aux violences depuis des mois. Mais l'esplanade sublime les convictions et les antagonismes en une formule hautement volatile.

En vertu d'un accord établi entre Israël et la Jordanie qui gère les lieux saints musulmans, les juifs peuvent visiter l'esplanade des mosquées qui surplombe le mur des Lamentations. En revanche, ils n'y ont pas le droit d'y prier. D'où viennent les tensions dans ces conditions ? D'un afflux récent de visiteurs juifs sur l'esplanade, coïncidant non seulement avec les fêtes du nouvel an juif au début de la semaine, mais plus largement avec la montée en puissance des nationalistes religieux israéliens et de leurs prétentions sur l'esplanade, disent les experts.

Or depuis trois semaines, les visiteurs juifs de la vieille ville se sont faits bien plus nombreux qu'à l'habitude, la grande majorité se rendant au mur des Lamentations, tandis que certains, emmenés par des rabbins nationalistes proches des colons, se rendent sur l'esplanade, que les juifs révèrent comme le mont du Temple, leur lieu le plus sacré.

(RFI.FR)

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