Publié le 20 Feb 2012 - 10:53
HIER AU CENTRE-VILLE DE DAKAR

Les femmes servent les ''munitions''

 

"Abdoulaye Wade, dégage !", crie Mame Diarra Fall. Elle fait partie des nombreuses femmes à prendre part à la révolte, hier, des Sénégalais sur la rue Carnot et l'avenue Jules Ferry au centre de Dakar. Habillées en jean, body et chaussures training pour la plupart, elles sont présentes aux côtés des hommes, pour lutter mais autrement : pourvoyeuses de pierres.

 

Des gravats chargés dans un camion garé devant un bâtiment en destruction à la rue Carnot sert de source d'approvisionnement. Il est 16h, à la pluie de grenades lacrymogènes et balles blanches, la foule en colère répond par des jets de pierres fournies par les ''amazones''. Teint clair, Mame Diarra, étudiante en droit dans une école privée de Dakar, est dans la mêlée, avec un ensemble jean bleu et foulard rouge pour faire face à la fumée lacrymogène. ''Talaatay Ndeer (Mardi de Ndeer), c'est pour les femmes. La femme sénégalaise a toujours été engagée. Le combat, ce n'est pas seulement pour les hommes'', dit-elle.

 

Comme Mame Diarra, Daba, habillée en jean bleu et body jaune, est aussi étudiante en gestion. Banderole rouge autour de la ceinture, la jeune femme tidiane lance : ''Ça suffit, qu'il (Abdoulaye Wade) parte. Il est entré dans une église, il est entré dans des mosquées. Il ne lui reste que les maisons pour tuer les personnes'', vocifère la demoiselle de petite taille.

 

 

''Les hommes ne sont pas plus patriotes''

 

Les minutes passent, la tension est à son comble, la foule grossit. La police charge et tire. La foule résiste toujours et riposte avec les pierres que leur filent les jeunes dames. 17h, la police lance un nouvel assaut qui fait reculer les manifestants de quelques mètres et récupère du coup la rue Carnot où se trouvait le bâtiment en destruction. La source de ravitaillement coupée, Fatou Ndoye, teinturière, refuse d'abdiquer. ''On est fatigués par ce régime de corrompus et d'assassins. Les hommes ne sont pas plus patriotes que nous'', déclare la jeune femme élancée au milieu d'hommes qui l'encouragent. Entre insultes, doigts d'honneur et slogan ''Libérez le peuple'', Isseu, la vingtaine, est dans la masse. De teint noir, cette étudiante en marketing habite non loin des lieux des échauffourées. ''On veut que Wade parte et quitte le pouvoir. Il y a trop de morts sous son magistère'', balance la fille. À côté d'elle, son amie chrétienne, Solange, la tire et lui conseille d'aller se changer : ''Rentre à la maison et va porter un jean'', lui suggère l'amie déjà en jean. Pour Solange, ce sont les ''dérives'' du régime qui la motive à manifester. '' Avec ce gouvernement, c'est le règne des bavures et de l'injustice. Il profane les lieux de culte, il tue les gens et les agresse. Ça ne peut plus continuer, basta'', fulmine-t-elle.

À 17h 34mn, malgré leur bravoure et leur engagement, la police parvient à les repousser et disperser. Elles rentrent chez elles, tout comme les hommes, avec le sentiment du devoir accompli.

 

MAMADOU LAMINE SANÉ

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