Publié le 3 Jan 2024 - 04:22

Hommage à Sembene Ousmane : père du cinéma africain (1923-2007)

Après les hommages rendus à Me Valdiodio NDIAYE, le professeur Cheikh Anta Diop en attendant l’hommage sur le centenaire du Prytanée militaire du Saint Louis place aujourd’hui au père du cinéma africain Sembene Ousmane.

Cette icône de la littérature et du cinéma africain est né officiellement le 1 er Janvier 1923 à Ziguinchor où s’étaient installés ses parents lébous venus de Dakar.
Sembene Ousmane est un écrivain, réalisateur, scénariste sénégalais considéré comme une personnalité majeure de l’Afrique contemporaine. Sembene Ousmane est connu pour ses prises de position courageuses sur les questions politiques et sociales qui intéressent toute l’Afrique. Nous avons eu la chance de côtoyer cet homme multidimensionnel de littérature et de cinéma à l’occasion de séjours en France sur invitation de Madame Viviane WADE épouse du Président Abdoulaye WADE (2000 à 2012). Nous étions une délégation composée de Mamadou Malaye Diop, Cheikhou Omar SECK, Mamadou Koume, Maïmouna Ndir, Sindiely WADE et du cinéaste sénégalais feu Cheikh Ngaido Ba. Nous étions en France pour assister au festival du film de Paris où le père du cinéma africain Sembene Ousmane et Moussa Sene Absa étaient parmi les invités vedettes de ce rendez-vous du cinéma mondial. De grands moments de spectacles inédits où les projecteurs étaient braqués sur le Sénégal et son cinéma.

Sembene Ousmane un monstre sacré du cinéma africain avec sa pipe attirait tous les regards des célébrités venues du monde. Sembene Ousmane qui totalise plus de 10 ouvrages et qui a réalisé 12 films à travers trois périodes distinctes. Sembene Ousmane célébré partout dans le monde pour ses œuvres conçues dans un style qui ne laisse personne indiffèrent.
Déjà en 1966 date marquante du festival mondial des arts nègres avec la publication de « La Noire de » à la satire mordante Xala (la malédiction » en 1974, Sembene Ousmane a brillé de mille feux pour montrer son talent de grand créateur et metteur en scène. La variété, la richesse de son œuvre, sa capacité à se réinventer à travers une présence créative aussi remarquable ont toujours marqué les esprits partout où il est passé. Sembene Ousmane et sa passion pour la littérature 1956-1960.

Contrairement à nombre de ses pairs littéraires, Sembene n’est pas venu à l’écriture par le biais du système éducatif colonial. Sembene a quitté l’école très tôt pour être enrôlé dans l’armée française pendant la seconde guerre mondiale. En 1946 il s’installe en France après avoir servi l’armée française au front. Sembene est employé comme docker à Marseille dans les années 1950 où il développa une passion pour la littérature en fréquentant la bibliothèque du syndicat d’obédience communiste. C’est ce contact avec la confédération générale du Travail qui est à l’origine de son premier roman « le docker noir » en 1956. Un roman qui explose de manière consciente durant les rencontres organisées par la classe ouvrière à cette époque-là. Suivra en 1960 le roman le plus célèbre de Sembene Ousmane « les bouts de bois de Dieu ». Un véritable récit romancé de la grève des cheminots à Thies de 1947 à 1948. Cette vaste épopée en Afrique occidentale française coloniale qui se déroule en trois lieux différents et qui met en scène une multitude de personnages qui incarnent la vision marxiste et le Panafricanisme. Sembene Ousmane disait que le renversement des puissances coloniales pouvait être réalisé au mieux par des alliances entre travailleurs au-delà des clivages nationaux et ethniques. Les Bouts de Bois de Dieu est souvent décrit comme le texte classique de Sembene car engagé politiquement et très réaliste dans le style.

C’est pourquoi il s’est avéré être le point culminant de son exploration du réalisme littéraire comme dirait le Professeur Ibrahima Thioub ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop.
En 1960 année des indépendances Sembene quitte la France pour l’Afrique. En guise d’illustration Sembene est rendu célèbre à cette époque pour avoir déclaré être assis sur les rives du fleuve Congo observant des masses grouillantes dont la plupart ne savaient ni lire ni écrire. Alors dans son questionnement Sembene dit « si les romans étaient inaccessibles à de nombreux africains il convient de noter que le cinéma était la véritable solution ». Ainsi Sembene Ousmane envisage de devenir cinéaste et c’est à cet instant que la fibre est née. De 1962 à 1976 après avoir étudié le cinéma à Moscou Ousmane Sembene réalise son premier court métrage Borom Sarret (le charretier) où il décrit le quotidien du charretier. Un véritable pamphlet qui parle de l’échec des années d’indépendance en Afrique. Sembene Ousmane que l’indépendance est un transfert du pouvoir d’une élite à une autre.

Entre 1962 et 1976, Sembene Ousmane a publié quatre livres et réalisé huit films des œuvres d’une incroyable densité intellectuelle et d’une diversité esthétique sans commune mesure. Sembene Ousmane a également réalisé d’autres films comme Borom Sarret et la Noir d…des films africains très connus. Il a aussi réalisé son premier film dans une langue africaine (Mandabi) le Mandat qui a remporté le Prix au festival du film de Venise. Entre 1971 et 1976, Sembene Ousmane a réalisé sa trilogie de films la plus ambitieuse Emitai-Xala et Ceddo.
Ces films sont animés par des intrigues fortes mais selon Sembene le plus important est la capacité d’un film à condenser les réalités sociales,politiques et historiques en une série d’images saisissantes. D’après l’auteur celles-ci brouillent souvent les frontières de l’espace et du temps. Dans Ceddo Sembene compile plusieurs siècles d’histoire dans la vie d’un village sénégalais entraînant une lutte pour le pouvoir entre l’animisme, le christianisme et l’Islam. Ce dernier s’est finalement imposé par les armes. Ce film Ceddo a été interdit un moment par le Président Senghor.
Sembene à l’issue de son opposition au Président Senghor ne fera pas de film pendant plus de 10 ans de 1976 à 2004.

Après une décennie passé dans le désert créatif Sembene se révèle encore en 2004 à travers le film Molaade qui dénonce de manière cinglante les mutilations génitales féminines dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest. Dans cette œuvre cinématographique les forces du changement s’opposent à l’autorité patriarcale et conservatrice. On y montre les images des femmes brûlées par les hommes devant la mosquée du village. Ce qui constitue une représentation visuelle brutale de ce conflit. Là également à l’image de ses films précédents ce qui importe pour Sembene Ousmane ce sont les relations de pouvoir fondamentales et non un réalisme étroitement observé qui dépeint le monde tel qu’il est mais ne peut imaginer comment le changer. Ainsi Sembene Ousmane par son questionnement nous aide toujours à trouver les bonnes solutions pour l’amélioration de nos conditions de vie.

Autre chef d’œuvre Camp de Thiaroye en 1888 où il est question du massacre de Thiaroye où des tirailleurs rentrés de la deuxième guerre mondiale qui réclamaient leur argent ont été tues par l’armée française Pour l’homme Ousmane Sembene je retiens toujours cette confidence qu’il m’avait faite alors qu’on se rendait à Popenguine pour répondre à une invitation de Madame Viviane WADE qui tenait à retrouver son ami Sembene Ousmane.

Sembene me fait une confidence. « Mon cher est-ce que tu sais que j’ai fait un autre film où je parle des conditions de la femme? Lequel je lui rétorque Il s’agit m’a t-il dit: Si les bougies se taisaient ».
Un film qui dénonce l’inceste dans les familles suivie d’une conspiration du silence.
Malheureusement depuis la mort d’Ousmane Sembene le 9 juin 2007 plus de nouvelles de ce film « Si les bougies se taisaient »
Au demeurant nous en appelons aux hommes de culture comme son ami Alioune Badara Béye, le Professeur Ibrahima Thioub, le Professeur Magueye Kasse, le Professeur Bouba Diop mais également le journaliste Baba Diop, Pape Samba KANE, El Hadji Hamidou Kassé, Demba NDIAYE ou Alassane CISSÉ qui pourraient certainement un jour nous édifier sur ce film du père du cinéma africain en l’occurrence Sembene Ousmane. Le ministère de la culture du Sénégal a aussi tout intérêt à édifier l’opinion sur ce film de Sembene Ousmane.

Mbaye DIOUF

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