Publié le 31 May 2012 - 14:05
IDÉOLOGIES DJIHADISTES

Dr. Bakary Sambe "Le Sénégal insuffisamment surveillé"

 

''L'idéologie djihadiste peut-elle prospérer au Sénégal ?'' C'est le thème soutenu par le Dr. Bakary Sambe hier au cours d'une conférence organisée par la Direction de l'information et des relations publiques des armées (DIRPA). Pour ce politologue et spécialiste des rapports arabo-africains, la réponse est évidente : c'est oui.

 

A la fois allié des puissances occidentales et des pays et organisations arabo-musulmans, le Sénégal serait une cible potentielle des idéologies djihadistes. Selon le Dr. Bakary Sambe qui en a fait l'analyse hier, au cours d'une conférence sur le thème «L'idéologie djihadiste peut-elle prospérer au Sénégal ?», le Sénégal n'est pas à l'abri d'une menace terroriste.

 

Dans un contexte sous-régional marqué par la porosité des frontières, le terrorisme gagne progressivement du terrain en Afrique subsaharienne. Citant ainsi l'exemple du Mali, du Nigeria, de la Mauritanie et du Cameroun, qui subissent les assauts répétés d'Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique) et Boko Haram, le politologue spécialiste des rapports arabo-africains et du militantisme islamique, soutient qu'il existe au Sénégal «les ingrédients de frustration et d'un discours radical alimenté par l'antiaméricanisme et l'anti-politique occidentale». A côté de ces facteurs exogènes, le Pr. Sambe relève des facteurs endogènes comme «l’appauvrissement de certaines franges de la population et la marginalisation des élites arabophones qui veulent simplement intégrer les rouages de l'administration, la présence sur le sol sénégalais de Forces militaires françaises» vues en langage djihadiste «comme des ennemis de l'islam.» À cela, il ajoute le «déficit d'État au Sénégal» où d'autres organisations prennent en charge des services aussi névralgiques que l'éducation, la santé, le social.

 

Sous cet angle, le cocktail pourrait faire du Sénégal un «théâtre d'opérations» ou une «zone de repli stratégique», d'après le Dr. Bakary Sambe. Qui rappelle les arrestations en 2007 de djihadistes français à Dakar et en Guinée-Bissau, de Mouhamed Nadal et Moulaye Abdallah en 2002 à l'aéroport Léopold Sédar Senghor suite à des infiltrations d'éléments de la Division des investigations criminelles, sans oublier les menaces naguère proférées par Aqmi contre l'ex-président Wade, en 2011.

 

 

Nature de la menace et relais potentiels

 

Terrain d'affrontements entre soufisme, wahabisme et chiisme, et donc lieu d'implantation d'organisations islamiques internationales, le Sénégal présente aussi une similitude avec d'autres pays visés par les mouvements djihadistes comme l'Arabie Saoudite, les Émirats du Golfe, le Maroc, l'Égypte, la Tunisie, note Bakary Sambe. On y voit émerger dans les pratiques un certain nombre de comportements salafistes, notamment à travers les accoutrements. Sur fond de crise économique et sociale, ces éléments en font «un relais potentiel non suffisamment surveillé» pour Aqmi, Ansar Dine et le Mouvement unifié pour le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Une «menace transnationale» qui demande une «expertise pluridisciplinaire et pas seulement sécuritaire», rappelle l'expert.

 

Pour sa part, le chef d'état-major général des armées, le général Abdoulaye Fall, souligne qu'«il est clair que toute stratégie visant à s'opposer efficacement à cette menace doit miser sur des moyens militaires coercitifs associés à un système international de partage du renseignement de ces mouvements extrémistes».

 

ASSANE MBAYE

 

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