Si Mahammed Boun Abdallah Dionne est la tête de liste de la coalition BBY, Macky Sall en est alors le chapeau. Car le Président est plus visible que le PM, pour avoir battu précampagne et campagne. Audiences au palais, condoléances, rencontres à l’extérieur, mises en garde des responsables, visites ‘’éco-politiques’’, le patron de l’APR est sur tous les terrains.

Dans cette campagne pour les élections législatives est engagé tout ce que le pays compte comme forces politiques. Et le Chef de l’Etat ne veut pas être en reste. Considérées comme un premier tour de la Présidentielle de 2019, ces Législatives vont déterminer, pour les deux ans à venir, les vicissitudes de la vie politique sénégalaise. Dans cette pré-course au palais, le président de la République compte bien prendre de la distance par rapport à l’opposition, en attendant la Présidentielle. Pour cela, il faudra faire de gros scores, lors de ces élections. Sous ce rapport, le Président Sall n’a jusqu’ici pas ménagé ses efforts et ne compte certainement pas s’en arrêter là. D’ailleurs, Macky devait se rendre aujourd’hui à Sangalkam pour inaugurer un domaine agricole communautaire. Mais le déplacement a été finalement annulé.

Pourtant, officiellement, c’est le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne qui est la tête de liste de la Coalition Benno bokk yaakaar, puisque le Président est censé prendre de la hauteur et se mettre au-dessus de la mêlée. Mais à interroger les faits de près, l’on se rend compte que le vrai capitaine du navire est le chef de l’Etat, patron de la coalition présidentielle en personne. Car à l’image d’un chapeau, le Président est plus visible que la tête de liste.

Depuis que les 47 listes sont actés pour les Législatives du 30 juillet 2017 et même bien avant, c’est lui Macky Sall qui est sur tous les terrains. À une dizaine de jours du démarrage de la campagne, le patron de l’APR s’est adressé aux responsables de son parti dans le département de Dakar. Il a fait comprendre à Amadou Ba, Abdoulaye Diouf Sarr et autres Seydou Guèye qu’il ne les sentait pas. Considérant la capitale comme un enjeu majeur, un bastion à récupérer des mains de Khalifa Sall, il a menacé son bataillon dakarois de sanctions, en cas de défaite. Il ne peut pas concevoir que son armée, avec toute l’artillerie étatique dont elle dispose, puisse se faire battre par un candidat qu’on peut qualifier de ‘’tête de liste’’ des prisonniers de Rebeuss.

Ce travail de mobilisation des troupes, qui devait  échoir au Pm, c’est lui Macky Sall qui l’a fait. Il a multiplié les audiences avec ses partisans et alliés. Rencontre avec les non-investis pour calmer leur frustration. Des délégations venues des régions… avec parfois des enveloppes conséquentes en guise de viatique. Même ceux qu’il soupçonne de ne pas être totalement avec lui ont été amadoués. Par ailleurs, le locataire du Palais ne fait pas que recevoir, il est aussi très mobile, surtout à Dakar. La nouvelle trouvaille semble être la présentation de condoléances. Entre le 18 et le 27 juin, le chef de l’Etat s’est déplacé 5 fois pour la même raison. Macky Sall a été chez Serigne Moustapha Cissé de Pire, chez l’ancien Premier ministre Habib Thiam tous deux décédés à la fin du mois. Il a été également chez Amadou Ba, le ministre de l’Economie et  chez l’homme d’affaires Cheikh Amar, le premier pour le décès de sa mère et le second, celui de son fils.

Les condoléances politiques

Saisir les opportunités, faire d’une pierre deux coups, Macky Sall sait le faire. Si quelques internautes se demandent si le Président est obligé de se déplacer en personne tout le temps pour présenter ses condoléances, en tout cas, lui ne s’embarrasse pas de certaines fioritures. Les discours de circonstance aidant, il n’a jamais hésité à dire du bien de ses hôtes et à leur tendre la main, au cas où ils seraient des opposants politiques. Il suffit de se rappeler ce qui s’est passé à Podor chez Aïssata Tall Sall, à Kolda chez Bécaye Diop et tout récemment à Dakar chez Samuel Sarr. C’est là d’ailleurs, en pleine cérémonie, que  Macky Sall a tendu la main à ses anciens ‘’frères’’ du PDS, en particulier à son ami Souleymane Ndéné Ndiaye.

Outre les condoléances à Dakar, le Président multiplie aussi les sorties à l’intérieur du pays. Outre Sangalkam la semaine dernière, Macky Sall devait se rendre à Kaolack et Fatick pour inaugurer des routes. Le déplacement a été finalement annulé officiellement ‘’pour des contraintes de calendrier’’. Mais d’aucuns disent que c’est surtout lié au fait que le terrain était devenu ‘’glissant’’ pour lui, après la forte pluie qui s’est abattue à Kaolack, rendant la ville invivable. Auparavant, il a inauguré la mosquée Thierno Mamadou Barro de Mbour, le 23 juin. Le chef de l’Etat a été également à Sinthiou Mékhé, le jeudi 29 juin, pour l’inauguration de la centrale solaire. C’est là-bas d’ailleurs qu’il s’est défendu de battre campagne. Même à l’extérieur, il est sur le terrain politique. Il y a trois jours, la RTS a montré des images dans lesquelles, Macky Sall était au milieu des femmes habillées en marron-beige. C’était en marge du sommet du G20, en Allemagne.   

Réponse de Macky : ‘’J’irai voir la population…’’

En réalité, le chef de l’Etat n’a jamais voulu laisser le terrain politique à ses adversaires, même si tous les autres leaders de sa coalition sont engagés dans ces joutes électorales. Ainsi, il compte bien user et abuser de sa recette : les tournées économiques. De fréquents périples dans les différentes régions du pays, officiellement, pour visiter, lancer des projets ou inaugurer. Cela lui vaut beaucoup de critiques de la part de l’opposition qui dénonce une campagne déguisée ou ouverte. Mais lui n’en a cure. Macky Sall ne compte pas changer de démarche. En mars dernier, à Ouroussogui, il a répondu à ses adversaires : ‘’Quand le président voyage, on dit qu’il voyage beaucoup. S’il ne sort pas, on dit qu’il ne fait rien. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Que je reste au Palais à dormir ? Je ne suis pas ce genre de Président’’, disait-il. Le chef de l’Etat s’est voulu d’ailleurs catégorique : ‘’J’irai voir la population pour inaugurer et lancer des travaux. Ce sera comme ça jusqu’à la fin de mon mandat.’’

A partir de ce moment, il n’est plus surprenant de le voir en première ligne sur les affiches de la coalition Benno bokk yaakaar, à côté de Moustapha Niasse et Mahammed Dionne.  

BABACAR WILLANE