Publié le 28 Mar 2018 - 02:31
IMPORTATION DE VOLAILLE

La crainte des aviculteurs

 

En matière de production de poulets, le Sénégal ne peut même pas concurrencer le Maroc, à plus forte raison l’Occident. Les aviculteurs, qui s’inquiètent d’une possible réouverture des frontières, demandent des mesures concrètes à l’Etat, surtout que des géants comme Doux et Zalar arrivent.  L’Ascosen, elle, se dit contre toute importation.

 

Depuis l’avènement de la grippe aviaire en 2005, le Sénégal a gelé les importations de poulets. Cependant, le ministre de l’Elevage et de la Production animale, Aminata Mbengue Nidaye, a fait savoir que cette mesure ‘’ne peut pas être éternelle’’. Elle présidait le Week-end du poulet, samedi dernier. ‘’Le ministre nous fait savoir que les frontières allaient être rouvertes tôt ou tard. Ainsi, elle nous a invités à nous préparer en conséquence. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire que nous voulons produire et exporter en refusant que les autres pays exportent vers le Sénégal. C’est une chose impossible. Les aviculteurs doivent se préparer de telle sorte qu’une fois les frontières rouvertes, ils soient compétitifs. C’est ce qu’a recommandé le ministre’’, a expliqué un des initiateurs du ce rendez-vous des aviculteurs, Mamadou Laye Sène.

Selon cet interlocuteur, les frontières doivent être rouvertes au plus tard entre 2022 et 2023, comme prévu. Seulement, si le message du ministre est bien perçu, la réalité sur le terrain est loin de permettre de faire face aux grands producteurs du monde, dit-il. ‘’Nous ne sommes pas du tout prêts pour la réouverture des frontières. Nous ne sommes même pas compétitifs face au Maroc. Déjà, quand on rouvre les barrières, ce pays d’Afrique du Nord va nous écraser. Je ne parle même pas du Brésil ou de la France, encore moins des Etats-Unis ou la Hollande’’, a-t-il affirmé.

Pour M. Sène, les Sénégalais ne peuvent pas vendre au prix auquel les Marocains peuvent céder leurs poulets. ‘’Nous vendons nos poulets à 2 500 F Cfa l’unité, au moins. Or, les Marocains peuvent mettre le même produit sur le marché à 2 000 F Cfa ou moins’’, a-t-il ajouté.

En réalité, explique M. Sène, la différence se situe au niveau du prix de revient de la volaille. Car les producteurs marocains bénéficient d’une subvention de la part de leur gouvernement. ‘’Or, au Sénégal, ce que le gouvernement a fait de grandiose, c’est la fermeture des frontières. Mais jusqu’à présent, les aviculteurs n’ont pas encore bénéficié d’un appui de l’Etat. Les intrants coûtent cher. Ce qui influe sur le prix de revient. Si ce dernier est cher, le prix de vente le sera forcément. Si l’Etat avait fait en sorte que le prix de revient soit plus abordable pour nous, nous pourrions baisser le prix de vente des poulets. Mais également produire en quantité’’, a-t-il fait savoir.

Hormis la subvention, il y a le système de commercialisation qui pose problème au Sénégal. En effet, souligne-t-il, il arrive des moments de l’année où il y a une surproduction de volaille. Dès lors, il préconise que le ministre de l’Elevage discute avec son collègue du Commerce afin de voir comment baisser les prix.

L’arrivée du Français Doux et du Marocain Zalar annoncée

Aujourd’hui, cette baisse des prix sera une réalité qui va s’imposer aux aviculteurs sénégalais, quel que soit le soutien des autorités.  Si l’on en croit M. Sène, l’arrivée des géants comme le groupe français Doux et le Marocain Zalar est annoncée. ‘’L’Etat n’a pas interdit aux privés des autres pays de s’installer au Sénégal pour développer leurs activités. Nous avons aussi des informations concernant l’arrivée prochaine du groupe français Doux spécialisé dans l’aviculture. Il compte s’installer à Sandiara. De même que le Marocain Zalar Holding. Ces groupes sont puissants, ils n’ont pas besoin de financement ou d’aide pour faire marcher leur business. Ils ne cherchent même pas à nous concurrencer. S’ils s’installent, c’est sûr qu’ils vont nous écraser’’, se préoccupe M. Sène.

Quant au président de la Fédération des acteurs de la filière avicole, Serge Sadio, il ne se plaint pas du soutien du gouvernement. Il demande tout de même de nouvelles mesures avant l’ouverture des frontières. ‘’Nous pouvons satisfaire non seulement la demande locale, mais nous pouvons penser à l’exportation. Si on arrive à bénéficier d’une baisse sur le prix de l’aliment et du poussin, on n’aura pas peur de faire face à la concurrence’’, a-t-il ajouté. Les défis auxquels font face les acteurs, sont, d’après M. Sadio, liés à la modernisation de l’élevage et à l’accessibilité des produits à tous les Sénégalais. ‘’On est à 4,5 kg par Sénégalais et par an. Nous voulons passer à 10 kg par an. C’est très positif et c’est quelque chose qu’on peut faire, si le gouvernement continue à nous soutenir. La production nationale est estimée à 40 000 millions de poulets par an. Or, en 2005, on était à 7 millions. Ce qui veut dire qu’on a fait du bon travail’’, s’est-il réjoui. Concernant le prix de revient, M. Sadio a fait savoir que leurs coûts de production avoisinent les 1 500 ou 1 700 F Cfa par poulet, et le poussin coûte 500 F Cfa.

L’Ascosen en faveur du blocus

Si les aviculteurs ne s’opposent pas totalement à une probable réouverture des frontières, c’est tout le contraire de l’Association nationale des consommateurs du Sénégal (Ascosen). Son président Momar Ndao a rappelé qu’ils se sont battus pour la fermeture des frontières, afin de protéger les consommateurs. Il demande donc que la mesure soit maintenue. ‘’Nous pensons qu’il est extrêmement important de protéger la production locale, à chaque fois que de besoin. S’il y a suffisamment d’offre locale, pourquoi la fragiliser ?’’, se demande-t-il en guise de  réprobation.

M. Ndao fait remarquer  d’ailleurs que la production sénégalaise ‘’s’est beaucoup améliorée’’ par rapport à la qualité et d’autres critères. ‘’C’est beaucoup plus sécuritaire que les poulets importés dont la qualité n’est pas garantie. Aujourd’hui, l’Union européenne autorise d’engraisser les poulets avec de l’Adn de porc. Or, nous sommes un pays majoritairement musulman. Si, au niveau international, il y a des normes contraires à nos valeurs, il faut les prendre en considération’’, a-t-il poursuivi.

Pour le président de l’Ascosen, cette mesure menace non seulement l’économie nationale, mais il n’y a pas de garanties par rapport à la qualité.

MARIAMA DIEME

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