Publié le 28 Dec 2015 - 16:03
INCULPATION D’OUMAR SARR SANS LA LEVEE DE SON IMMUNITE PARLEMENTAIRE

Le procureur évoque le flagrant délit, l’opposition contre-attaque

 

La sortie avant-hier samedi du Procureur de la République sur l’arrestation puis l’inculpation du député libéral Oumar Sarr pour faux  et usage de faux, diffusion de fausses nouvelles n’a pas laissé l’opposition de marbre. Car, si pour Serigne Bassirou Guèye, il s’agit d’un cas de flagrant délit, Me Amadou Sall du Pds et Thierno Bocoum du parti Rewmi, évoquent eux une  manipulation de la justice. 

 

Le parquet, à travers le Procureur de la République Serigne  Bassirou Guèye, est sorti de sa réserve pour se prononcer sur la polémique relative à la levée de l’immunité parlementaire du député Oumar Sarr. Sur le plateau du journal de la Radiotélévision sénégalaise (Rts), ce samedi, le Procureur a précisé qu’il a instruit la division des investigations criminelles (Dic) d’ouvrir une enquête.  Ce qui, a-t-il dit,  a entrainé l’interpellation et le déferrement d’Oumar Sarr.

Un acte qui fait suite à la sortie d’un communiqué signé au nom du comité directeur du Parti démocratique  par l’honorable député, et  accusant le chef de l’Etat d’avoir mal acquis son pouvoir. ‘’Nous avons saisi le juge d’instruction qui l’a placé sous mandat de dépôt sur nos réquisitions’’, a affirmé Serigne Bassirou Guèye. Interpellé sur la question de l’immunité parlementaire du maire de Dagana et député libéral, le procureur de soutenir  que le débat a été déplacé. ‘’Le terrain sur lequel Me Amadou Sall a déplacé le débat est très glissant pour la défense. On n’est pas en train de se poser la question de savoir si l’immunité parlementaire d’Oumar Sarr, qui a été levée pour des faits relatifs à la traque des biens supposés  mal acquis, s’étend ou non aux infractions pour lesquelles, il est aujourd’hui poursuivi. Il y a l’article 51 alinéa 2 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale’’, a-t-il expliqué. Avant de de poursuivre : ‘’ selon cet article 51 alinéa 2, aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière correctionnelle ou criminelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale. Mais le député pris en flagrant délit, en fuite après la commission des faits délictueux peut être arrêté, poursuivi et emprisonné sans l’autorisation de l’Assemblée Nationale’’.

Aux yeux du procureur  Bassirou Guéye donc, le débat est très simple mais s’annonce  difficile pour la  défense qui a préféré  le déplacer  sur un autre terrain ou la justice se sent également très à l’aise. ‘’Ici, on est dans une situation de flagrant délit,  l’infraction venait de se commettre au moment où Oumar Sarr est interpellé donc, il n’y a pas de doute’’, croit-il savoir.  Et d’ajouter : ‘’Me Amadou Sall est un bon polémiste qui a défaut d’un pétard de noël a préféré lancé un pétard judiciaire’’.

 En effet l’avocat du Pds menace de saisir la Cour pénale internationale afin de défendre les droits de son camarade de parti et client Oumar Sarr. Mais pour le procureur, cette juridiction n’est compétente que pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et pour les génocides. ‘’Moi, je voudrais bien qu’il explique aux sénégalais en quoi l’arrestation d’Oumar Sarr est un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un génocide. Je crois que ce sont des artifices de noël. Amadou Sall même a mis un peu d’eau dans son vin’’, a-t-il ajouté. Toujours, à en croire Bassirou Guèye, les Sénégalais ne doivent pas être pris au piège, car le plus important est de se demander si une personne qui bénéficie d’une protection a le droit d’insulter une institution comme le Président de la République ou l’Assemblée Nationale ou autre. ‘’Parce qu’on est député et couvert d’une immunité, on a le droit d’insulter, d’injurier ? Je crois que c’est le débat à poser aux sénégalais. Les sénégalais ont mis en place des institutions, la Constitution a consacré des institutions. Ce n’est parce qu’on se prévaut d’une immunité qu’on doit les insulter, encore que dans ce cadre d’espèce, il n’y a pas d’immunité qui joue’’, selon le procureur Guèye.

Si Oumar Sarr est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés ; le Procureur de la République renseigne qu’il risque sept ans pour le délit de  faux et usage de faux en matière d’écriture privée et deux ans pour diffusion de fausses nouvelles.

Me Amadou Sall : ‘’ le procureur passe à côté’’

Contrairement aux allégations du Procureur de la République, Me Amadou Sall estime que le débat est plutôt politique et non technique.  Dans l’émission ‘’Objections’’ de la radio Sud Fm diffusée hier, l’avocat évoque une manipulation de la justice afin de régler des problèmes personnels. ‘’Serigne Bassirou Guèye agit sur ordre du ministre de la Justice qui agit, lui-même, sur commande du Président de la République.  Le Procureur de la République ne s’adresse pas à moi, mais au grand public. J’ai dit qu’on ne peut pas violer l’immunité parlementaire. S’il se fonde sur les dispositions relatives au flagrant délit. Pourquoi Oumar Sarr n’est pas jugé en flagrant délit? Il doit être jugé à la plus prochaine audience. Il ne doit pas aller devant le juge d’instruction.

Moi, je ne m’amuse pas’’, indique l’avocat. Selon qui, le communiqué du Pds date d’un vendredi (Ndlr : 18 décembre 2015) et Oumar Sarr a été cueilli le lendemain. ‘’S’il y a un délit flagrant, on juge la personne en flagrant délit. Le procureur passe à côté. Si les propos sont outrageants, il doit être poursuivi pour offense au  chef de l’Etat, alors qu’il est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles’’, plaide la robe noire. Aussi,  aux dires de Me  Amadou Sall, Oumar Sarr n’a fait qu’interpréter les propos d’un journal. ‘’Pourquoi poursuivre Oumar Sarr, seul ? Pourquoi ne pas poursuivre ‘’Le Monde’’ ? Qu’est-ce que cet que l’argent russe fait au Sénégal ?’’, s’interroge l’avocat qui promet de mener un combat pour  mettre fin à cette injustice.

Député Thierno Bocoum : ‘’La détention arbitraire et honteuse’’ du député Oumar Sarr

Embouchant la même trompette, le député Thierno Bocoum de Rewmi est d’avis que cette sortie du procureur Serigne Bassirou Guèye ne fait que confirmer ‘’la détention arbitraire et honteuse’’ du député Oumar Sarr. ‘’Le procureur justifie l'arrestation de l'opposant sans passer par l'Assemblée nationale par une flagrance, conformément à l'article 51 du règlement intérieur de cette institution, et non par une levée antérieure de son immunité parlementaire’’, fait savoir le ‘’rewmiste’’.

Ainsi,  pour Thierno Bocoum  ‘’ceux qui ont kidnappé Oumar Sarr ont renoncé à leur argumentaire politicien et dénué de tout fondement scientifique pour convoquer un argumentaire juridique qui les enfonce lamentablement’’. En effet, poursuit-il, ‘’toute la communauté des juristes est unanime à reconnaître qu'un cas de flagrance se juge en audience de flagrant délit. Et c'est justement l'absence de flagrant délit qui exige l'ouverture de la phase d'instruction. Cette rigueur procédurale contredit manifestement la nouvelle  trouvaille de ceux qui tentent de justifier l'arbitraire. Si c'est un cas de flagrant délit, pourquoi Oumar Sarr n'a pas été jugé en audience de flagrant délit ? Pourquoi alors saisir un juge d'instruction ? Pour instruire quoi? Un flagrant délit ?’’, se demande le parlementaire.

HABIBATOU TRAORE

 

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