Publié le 4 Mar 2017 - 01:51
INDUSTRIE CINEMATOGRAPHIQUE

Nollywood, un cinéma stéréotypé

 

Dans les pays africains, il est souvent question d’industrie cinématographique. Aujourd’hui dans le continent, la Nigériane, Nollywood est souvent donnée en exemple. Tous s’accordent à dire que c’est une belle ascension mais d’aucuns pensent que le modèle est plein de tares.

 

‘’Ce n’est pas parce qu’il y a Wood que c’est Hollywood’’, a affirmé l’un des acteurs du film ‘’Jimmy goes to Nollywood’’ de Jimmy Jean-Louis. Une belle entrée en matière pour poser le débat sur la qualité des films nollywoodiens. Ces derniers sont souvent considérés par les professionnels du cinéma comme des navets. D’ailleurs, au Nigeria même, il y a des cinéastes qui tiennent à dire qu’ils ne font pas du ‘’Nollywood’’. Même si aujourd’hui, il est très difficile de dissocier les deux, c’est-à-dire le cinéma nigérian et Nollywood. ‘’Dans ce concept, il faut comprendre que le ‘’N’’ se rapporte à Nigeria. Et c’est une invention nigériane aussi’’, a fait savoir le journaliste et écrivain Pierre Baro.

Il était l’invité du cinéma numérique ambulant qui a organisé mercredi soir un débat sur la place de Nollywood dans l’espace francophone africain. C’est en marge du 25e Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Il parle de création nigériane parce que dans les années 1990, avec les réformes structurelles, beaucoup de salles de cinéma ont fermé en Afrique. Il fallait aux réalisateurs et producteurs de trouver d’autres canaux leur permettant de survivre. La télévision était une éventualité qui n’a pu se concrétiser. L’audiovisuel s’intéressait aux contenus étrangers dont les télénovelas. Il y avait, selon M. Baro, des restrictions d’achat de programme. Les cinéastes nigérians ont commencé à faire des vidéos qu’ils vendaient directement au public. ‘’Ce qui leur a permis d’avoir une longueur d’avance sur le reste de l’Afrique et d’être en contact direct avec le public’’, a assuré M. Baro. Ils ont pu ainsi, au fil du temps, améliorer les choses. Car il y avait de l’interactivité entre les cinéphiles et eux.

Aussi, toujours prévoyants, les producteurs nigérians ont été les premiers à investir youtube. De mémoire de Pierre Baro, ils ont été les premiers à gagner des centaines de millions d’euros grâce à une plate-forme dénommée ‘’Nollywood love’’ qui serait l’ancêtre d’Iroko+. Là aussi, ils ont su être les précurseurs en Afrique.

Aujourd’hui, Nollywood sort à peu près deux mille films par an. Et occupe le 2ème rang mondial dans ce domaine, derrière Bollywood et devant Hollywood. Une production importante que la Nigériane réussit grâce aux films à petit budget. Lesquels ne sont pas toujours de qualité. C’est ce qu’on montre souvent sur Nollywood Tv et qui fait enrager des cinéastes africains. ‘’Nollywood, c’est du cinéma souvent dénigré. Les gens pensent d’ailleurs qu’il n’a pas sa place au Fespaco’’, s’est désolé Pierre Baro.

‘’Il y a des critiques qui veulent un cinéma à la Sembène. Alors qu’un film, c’est une histoire qui tient, un bon jeu d’acteurs, de bons éclairages etc.’’, a résumé l’enseignant à l’université de Toronto au Canada, Alexis Tiéyab. Il balaie ainsi d’un revers de main les arguments des défenseurs du ‘’cinéma de qualité’’. Le choix du public les réconforte dans leurs positions. ‘’La question de la qualité ne se pose pas. Le spectateur veut s’identifier à l’histoire qu’on lui raconte à l’écran’’, a argué M. Tieyab. Aujourd’hui, ‘’le cinéma francophone n’a d’autre choix que de s’adapter au style nigérian’’, malgré les multiples différences entre les deux publics, a-t-il défendu. Il est d’avis que le style est transposable puisque depuis des années, le public francophone consomme du film nollywoodien. ‘’A cette époque, les sous-titrages n’étaient même pas des meilleurs’’, a renchéri l’organisateur ‘’Nollywood Week’’ à Paris, Serge Noucoué.

‘’Films jetables ‘’

Encore qu’à Nollywood, il n’y a pas que des navets. ‘’Il y a deux Nollywood’’, est persuadé Pierre Baro. ‘’Il y a celui des films de qualité qui sont achetés à prix d’or. Ce sont des films qui peuvent venir au Fespaco. Et qui font d’ailleurs qu’à l’opposé des cinéastes nigérians qui refusent que leurs films soient assimilés à Nollywood, des expatriés réclament ce statut. ‘’Il y a beaucoup de réalisateurs nigérians qui vivent soit à Londres, soit aux Usa, qui s’inscrivent dans la dynamique nollywoodienne’’. A côté, il y a ‘’le tout dedans’’ qui sont des films jetables.

Ce sont des films qui ne sont pas faits pour rester dans l’histoire et c’est ce que vous voyez généralement sur Nollywood Tv’’, a répété Pierre Baro. Dans la catégorie des films de qualité, il y en a au moins cent par an sur les 2 000 qui sortent. Il y en a qui sont aux premières places des box offices. Et ‘’c’est la créativité à Nollywood qui a donné naissance à ce cinéma de qualité’’, selon Pierre Baro. C’est là une conséquence de cette industrie cinématographique. A cela s’ajoute l’augmentation des salles de cinéma. ‘’Aujourd’hui, le Nigeria compte 135 écrans sur 40 salles de cinéma. Il y a un dynamisme important. Avant, c’étaient les films américains qui passaient. Actuellement, il ne se passe pas une semaine sans qu’un film nigérian ne sorte ou ne soit à l’affiche au cinéma’’, a indiqué Serge Noucoué.

BIGUE BOB (envoyée spéciale à Ouagadougou)

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