Publié le 22 Oct 2019 - 01:13
INSECURITE, VOL DE BETAIL, SALINISATION, MANQUE D’EAU POTABLE…

Birkama crie au secours

 

Dans la région de Sédhiou, les questions d’insécurité, de vol de bétail, de salinisation, de manque d’eau potable, entre autres, sont des équations difficiles à résoudre. La zone de Birkama est particulièrement touchée. Ces populations exsangues, qui vivent le long de la frontière avec la Guinée-Bissau, dans le département de Goudomp, sollicitent l’aide de l’Etat.

 

Depuis la guerre de libération en Guinée-Bissau, jusqu’au conflit casamançais trentenaire, Birkama, localité du Balantacounda, située dans le département de Goudomp, région de Sédhiou, continue surtout de souffrir de l’insécurité. Cette insécurité endémique de Birkama plonge les populations dans une grande inquiétude.

Selon Tidiane Mané, un enseignant à la retraite, cette souffrance persiste toujours. Et comme si cela ne suffisait pas, le vol de bétail est venu se greffer à l’insécurité galopante.

A Birkama et environs, le vol de bétail est un phénomène de plus en plus présent et qui menace le secteur de l’élevage. Les populations, les structures et organisations locales n’ont pas cessé de sonner l’alarme pour arrêter ce fléau, d’autant plus que les vols ont lieu même en plein jour. ‘’Les voleurs de bétail ont beaucoup contribué à l’appauvrissement des habitants. Car le bétail est emporté par des brigands de l’autre côté de la frontière. Lors de ces attaques et visites nocturnes répétées, les villageois sont utilisés comme boucliers pour aider à transporter tous les biens arrachés jusqu’à la frontière située  à 17 km du village’’, explique Arphan Sadio, notable du village de Birkama.

La situation est d’autant plus préoccupante que les vols ne ciblent plus seulement le bétail, mais aussi les équipements agricoles, les vivres, entre autres.

Des réseaux organisés derrière les vols de bétail

Contacté, un éleveur originaire de ladite localité située à la frontière sénégalo-bissau-guinéenne, ayant préféré garder l’anonymat, de peur d’être ciblé par les voleurs, affirme que ‘’les vols sont commis en pleine nuit comme en plein jour, parfois en présence même des prioritaires du bétail, en utilisant des fois des motos à trois roues, dont les pots d’échappement sont traficotés pour ne pas attirer l’attention’’.

Il a, par ailleurs, souligné que ‘’la lutte contre ce phénomène nécessite la conjugaison des efforts de plusieurs parties, d’autant plus que ces vols sont perpétrés par des bandes organisées et armées jusqu’aux dents, au sein desquelles les tâches sont minutieusement réparties entre ceux qui effectuent les opérations de vol, ceux qui assurent le transport et ceux qui s’occupent de la liquidation de la viande de bétail volé auprès des bouchers, restaurants et bars.

L’éleveur contacté plaide pour l’intensification des contrôles par les forces de défense, surtout que le vol et le transfert d’animaux volés s’effectuent généralement le long de la frontière.

Son ami Lamine Sagna estime nécessaire un contrôle au niveau des marchés hebdomadaires et des abattoirs pour pouvoir repérer les bêtes volées. Il propose également l’installation d’équipements mobiles de contrôle électronique des numéros d’identification des bovins et autres animaux d’élevage, pour pouvoir les tracer en cas de vol.

L’application de la peine de 10 ans exigée par les éleveurs

D’après certains habitants interrogés, la promulgation d’une loi visant à protéger les agriculteurs contre le vol de bétail est devenue une nécessité. Ils appellent ‘’les magistrats à appliquer la loi votée à l’Assemblée nationale visant à mettre un terme à ce fléau’’.

Selon toujours ces derniers, les peines doivent être revues à la hausse à l’encontre des voleurs de bétail, pour les porter à 10 ans au lieu de 2 ans.

Sur un ton ironique, Ansou Diatta, un jeune villageois, ajoute : ‘’Un agriculteur a été emprisonné, pour avoir défendu ses biens, en arrêtant un voleur et en le bastonnant avant de le présenter à la brigade de gendarmerie. Pourquoi ? Parce qu’au Sénégal, on dit que nul n’a le droit de se faire justice.’’

Les propriétaires de bétail éprouvent toutes les difficultés du monde pour rapatrier les bêtes retrouvées en territoire bissau-guinéen. C’est pourquoi les zones les plus touchées par le fléau demandent aux autorités bissau-guinéennes installées au niveau de la frontière, de plus collaborer pour faciliter la restitution des bêtes volées et retrouvées.

‘’On vous vole vos bêtes, vous vous mettez à leur recherche, vous retrouvez vos bêtes en Guinée-Bissau, mais vous avez tous les problèmes du monde pour les récupérer’’, explique Sirofo Diatta.  

L’Etat invité à assumer ses responsabilités

 Les éleveurs invitent, de ce fait, l’Etat et le ministère de l’Elevage à assumer leurs responsabilités, à aider les éleveurs à poursuivre leurs activités, à trouver les solutions à même de stopper les vols. Les différentes unités sécuritaires doivent poursuivre la lutte contre ce crime. Ils soulignent que les malfaiteurs doivent être arrêtés et que les réseaux soient également démantelés.

Pour certains observateurs, ce phénomène nécessite la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes, à commencer par les éleveurs. Il a aussi évoqué la nécessité d’éviter le retard dans l’alerte aux forces de défense et de sécurité, en cas de vol. Faisant savoir que des enquêtes ont démontré que plusieurs vols ont eu lieu dans la même zone rurale. Le département de Goudomp, comme certaines localités, attire un bon nombre d’ouvriers saisonniers généralement employés sans déclaration de leurs identités et de leurs lieux de résidence et qui sont souvent impliqués dans la planification des vols.

Birkama peine à étancher sa soif

Considéré comme l’un des plus grands réservoirs d’eau de la région de Sédhiou, Birkama est confronté à un problème d’accès à l’eau potable. Conséquence : les populations de ladite localité connaissent de sérieux problèmes d’approvisionnement. Les 7 000 âmes de cette zone se ravitaillent en eau à partir des puits traditionnels.

Face à cette situation, les populations lancent un appel aux autorités et initient une pétition pour l’accès à l’eau potable.

Ces populations ne sont pas au bout de leurs peines, puisqu’elles sont confrontées à ‘’la montée et à l’avancée de la langue salée. Un phénomène qui contribue à la baisse des rendements agricoles et menace la forêt. Une forêt qui contient des espèces comme le bambou et le rotin. Mais qui risque de disparaitre dans une dizaine d’années, si rien n’est fait pour les protéger’’, avertissent les populations de Birkama.

‘’Nous n’en pouvons plus. Nous sommes vraiment fatigués’’, se lamente Tidiane Mané. Cet enseignant à la retraite de poursuivre que le collège du village construit en banco se trouve aujourd’hui dans un état de délabrement avancé, obligeant les candidats au Bfem à aller composer à l’école élémentaire. ‘’Le collège  menace ruine et risque de s’écrouler sous le poids de l’âge’’, a-t-il fait savoir.

C’est pourquoi le Gamou annuel 2019 est mis à profit pour lancer ce cri du cœur. Toutes choses qui font que les populations de Birkama invitent l’Etat et ses partenaires à soutenir le plan de développement de leur contrée, pour régler la question de la sécurité, du manque d’eau potable, du vol de bétail, de salinisation des terres et les besoins en infrastructures et services sociaux de  base, afin d’améliorer leurs conditions de vie.

EMMANUEL BOUBA YANGA

 

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