Publié le 24 Jan 2014 - 17:27
INSTALLATION DE CAMÉRAS DE SURVEILLANCE À LA MAIRIE DES PARCELLES ASSAINIES

 Les conseillers divisés sur la question, le maire serein

 

L’installation de caméras de surveillance au niveau de la mairie des Parcelles Assainies et de ses alentours est diversement appréciée. Si des usagers approuvent, d’autres y voient une touche politique du maire. Moussa Sy souligne qu’il est dans son droit.

 

Il n'y a personne devant la porte d'entrée de la mairie des Parcelles Assainies, en ce début d’après-midi. Rares sont également les visiteurs dans les murs de l'imposant bâtiment. Ils sont là, soit pour récupérer des papiers administratifs, soit pour demander un renseignement. Un vigile veille au grain et filtre les entrées et sorties. Ici, l’installation de caméras de surveillance est un sujet tabou. C’est comme qui dirait motus et bouche cousue. ''Je ne saurais vous dire quoi que ce soit sur ce sujet. Sans l’aval du maire, je ne peux me prononcer’’,   répond poliment un agent de sécurité.

Par contre, des conseillers municipaux acceptent de parler. Ils approuvent et saluent l’initiative du maire. Maty Ndiaye du Parti démocratique sénégalais trouve l’idée géniale. ‘’C’est une bonne idée, dit-elle, car la mairie a eu à enregistrer plusieurs cas de vol dans le passé. Ces caméras de surveillance vont nous aider à contrer les nombreux cas de vol qui ont été enregistrés. C’est une initiative à saluer.  Je ne saurais comprendre quelqu’un qui serait contre une telle initiative.’’

Le froid glacial qui règne à Dakar a vidé les environs de la mairie. La plupart des riverains rencontrés ne sont pas au courant de l'installation des caméras. ‘’C’est vous qui me l’apprenez. Sachez que si cela existe, c’est une bonne chose, car cela va au moins installer la peur du côté des malfrats qui sèment leur loi dans nos différents quartiers. C’est vraiment une initiative qu’il faut saluer’’, confie Salimata Dia. Un autre riverain abonde dans le même sens. Pour Aliou Boucoum, il s’agit d’une excellente idée, dans la mesure où c’est la seule mairie qui a un tel dispositif sécuritaire.

Un outil pour ''espionner cet espace public''

Toutefois, il y a des voix discordantes et les raisons sont nombreuses. C’est le cas de cette jeune fille qui a requis l’anonymat. Elle pense que l'idée n’est pas fortuite et cache des desseins politiciens. ‘’Je me demande pourquoi le maire a attendu tout ce temps pour implanter des caméras de surveillance. Nous sommes à moins d’un an des joutes locales. Ce sera difficile de me convaincre qu’il ne fait pas une campagne déguisée qui ne dit pas son nom’’, avance l’étudiante dans une école privée de la place. Bassirou Ndiaye, conseiller municipal, militant de l'APR, ne dit pas autre chose.

Selon lui, le maire Moussa Sy a encore franchi un autre palier dans le déroulement de sa stratégie, somme toute normale, de vouloir briguer un second mandat à la tête de la marie de la commune d’arrondissement des Parcelles Assainies. Laquelle stratégie intègre la maîtrise de son environnement immédiat, par la quête effrénée (par la vidéo surveillance surtout) d’informations sur les personnes qui fréquentent l’institution municipale.

‘’Partout dans la mairie, à l’exception du couloir qui mène à son bureau, il a installé des caméras de surveillance, dans le but unique d’espionner cet espace public dédié à l’administration communale, aux élus et autres populations délégataires de souveraineté. Pour justifier l’installation de ces caméras de vidéo surveillance, le maire et ses ouailles avancent l’argument de la nécessité de renforcer la sécurité au niveau du bâtiment municipal.

Mais un tel argument ne peut pas prospérer, dans la mesure où, juste après l’installation des écrans de surveillance par les techniciens, il a enlevé ceux qui étaient destinés aux gardiens chargés de la sécurité du bâtiment pour ne laisser fonctionner que ceux installés dans son bureau’’, confie l’aperiste.

Bassirou Ndiaye souligne que le conseil municipal, dans sa globalité et sa diversité, aurait applaudi des deux mains si ces caméras de surveillance (ou d’espionnage, c’est selon), financées avec l’argent du contribuable, étaient installées dans les marchés et gares routières, afin de combattre l’insécurité qui règne dans ces milieux souvent criminogènes.

Car, poursuit-il, les caméras de surveillance constituent un outil majeur de dissuasion et d’élucidation des faits de délinquance. Au lieu de cela, poursuit le conseiller, le maire, ''fidèle à sa réputation de grand intrigant devant l’Éternel, s’adonne dans l’intimité de son bureau cossu au voyeurisme, à l’espionnage et au viol de l’image des usagers de la mairie, afin de disposer d’éléments compromettants sur certaines personnes qu’il accuse d’accointance avec ses adversaires''.

Moussa Sy : ''Ce n'est pas interdit par la loi...''

Le maire des Parcelles Assainies s'est également prononcé sur la question. Il soutient que la loi ne lui interdit pas d'installer des caméras, vu que sa mairie a enregistré plusieurs cas de vol.

Du matériel a été dérobé et les auteurs courent toujours. Selon le premier magistrat des Parcelles Assainies, en 2011, à la suite d'un saccage, la mairie avait perdu une centaine de millions, plus de 5 tonnes de riz, plus de 15 ordinateurs, des chaises, des photocopieuses et d'autres matériels. L'édile soutient aussi que sa mairie est attaquée de toutes parts.

Les caméras, poursuit-il, ont été installées pour identifier les potentiels malfrats. ''Il y a 4 caméras pour un montant de moins de 3 millions. Elles sont installées dans les couloirs et dans les allées, mais pas au niveau des bureaux. J'ai mis des alarmes au niveau des portes des bureaux où il y a du matériel.

Si quelqu'un touche ces portes à certaines heures de la nuit, l'alarme se déclenche au niveau des téléphones portables des personnes qui occupent ces bureaux. Depuis leurs maisons, ils savent que leurs bureaux sont en train d'être cambriolés. Ceux qui s'aventureront à venir ici la nuit seront enregistrés et on pourra les identifier'', affirme Moussa Sy.

A l'en croire, l'installation des caméras a donné des résultats. ''Depuis que ces caméras ont été installées, il n'ya plus de vol, jubile-t-il. Et je peux aujourd'hui mettre du matériel dehors et celui qui le prend est identifié et alpagué. C'est la modernité''. D'ailleurs, le maire soutient que ''ce n'est pas interdit par la loi. Je compte même faire une extension, dans tous les services de la mairie, confie-t-il. Si des conseillers municipaux sont contre, je le leur concède. Ils n'ont qu'à m'attaquer devant la Cour suprême''.  

CHEIKH THIAM

 

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