Publié le 10 Oct 2019 - 23:01
INSTITUTION DE PREVOYANCE RETRAITE

Le Conseil d’administration, bête noire des présidents

 

Comme dans les années 2000, dans son bras de fer avec le président Wade, le Conseil d’administration de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) a encore une fois démontré toute sa puissance, en faisant ravaler à Macky Sall son décret.

 

Dans le classement des bourdes présidentielles, la nomination illégale d’Amadou Lamine Dieng occupera certainement une place de choix. Promu, il y a seulement une semaine à la tête de la très convoitée Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), le magistrat à la Cour des comptes, ancien directeur général de l’Anpej, se retrouve temporairement à la rue, du fait d’une grossière erreur du chef de l’Etat. Et le poste qu’il venait de quitter a déjà trouvé un autre occupant, en l’occurrence l’ancien consul du Sénégal à Marseille, Tamsir Faye.

Pour beaucoup d’observateurs, c’est tout simplement de l’amateurisme manifeste. Mais il ne faudrait pas aller trop vite en besogne, si l’on en croit certaines grosses pontes du régime.

Pour sa part, le ministre en charge du Travail préfère laisser les commentaires à leurs auteurs. ‘’Ce que je peux vous dire, souligne-t-il, c’est que les choses qui concernent une institution aussi vitale que l’Ipres ne se discutent pas sur la place publique’’. Pour lui, il n’y a pas de difficultés, pour l’Etat, de respecter la règlementation en vigueur. ‘’Ce qu’il faut retenir, c’est que les choses sont rentrées dans l’ordre. Il n’y a jamais eu de volonté d’imposer quelqu’un à qui que ce soit. Dans la vie, il faut toujours éviter les qualificatifs trop rapides. Ce qui intéresse l’Etat, c’est que l’institution puisse avoir un bon dirigeant, dans l’intérêt exclusif des retraités’’, a renchéri sereinement le ministre Samba Sy.

Ce qui n’empêche nullement la polémique qui, dehors, enfle. Ancien directeur de l’Ipres, Jean-Paul Dias ne cache pas sa position. Pour lui, il est temps que les mécanismes de fonctionnement de l’institution soient revus. Il est hors de question que le Conseil d’administration continue d’imposer ses desiderata à un président de la République élu au suffrage sénégalais. Par rapport au cafouillage de ces derniers jours, il regrette la déculottée dont l’Etat a été victime. Il fulmine : ‘’Le président de la République n’aurait jamais dû reculer. C’est encore plus grave quand on nous dit qu’il s’est trompé. A quoi servent ses multiples conseillers ? Et puis, seul un décret peut mettre un terme aux effets d’un autre décret. Si des gens ne sont pas d’accord, ils n’avaient qu’à saisir le tribunal administratif. Le président devait maintenir sa décision, en attendant de changer ces textes qui ne sont pas bons. Les contestataires n’auraient pu rien y faire, si ce n’est de saisir la justice. Et avant que la question ne soit tranchée, les règles auront déjà été changées.’’

En fait, selon M. Dias, l’Etat étant seul garant du paiement des pensions de retraites doit avoir plus de prérogatives. Ce qui est loin d’être le cas actuellement. A l’Ipres, se désole-t-il, ‘’l’Etat n’est rien. Tous les pouvoirs reviennent au Conseil d’administration, et c’est anormal’’.

De l’avis de Jean-Paul Dias, c’est comme si dans cette boîte, il existe un groupuscule qui est de connivence pour imposer son diktat, même aux présidents de la République. Il s’interroge : ‘’Pourquoi ce sont toujours les mêmes qui sont à la tête du Conseil d’administration ? Mademba passe, Massamba prend… Il faut mettre des garde-fous et instaurer, par exemple, une limite sur le nombre de fois qu’une personne peut être Pca.’’

L’ancien directeur sous Wade estime que l’annonce d’un appel à candidatures pour désigner un remplaçant à Mamadou Diagne Sy Mbengue relève de la ‘’comédie, de la démagogie’’. Sur les procédures de nomination, il informe que lui a été proposé par le président de la République d’alors, avant d’être confirmé par le Conseil d’administration. ‘’C’est son directeur de cabinet, Kader Sow, qui m’avait appelé au téléphone pour m’informer. Il m’a reçu et je lui avais donné mon accord de principe. Ensuite, j’ai été auditionné par des gens du Ca qui n’ont ni mon niveau intellectuel ni mon niveau technique. L’Ipres, c’est de la sécurité sociale. Moi, je suis inspecteur du travail et de la sécurité sociale. C’était donc mon domaine’’.

Alors qu’il n’avait pas fait 1 mois, il a été limogé par le Ca, selon lui, de manière illégale. ‘’Pour se réunir, le Ca doit voir la disponibilité du Dg. Ils se sont réunis quand même sans mon avis. J’ai résisté et ils ont mis en œuvre leurs prérogatives de me révoquer, alors que je continue à bénéficier de la confiance du chef de l’Etat’’.

Cette jurisprudence Jean-Paul Dias peut beaucoup aider à comprendre la situation actuelle que traverse l’Institution de prévoyance retraite. En fait, à l’époque, le Conseil d’administration était loin d’être favorable à la nomination de M. Dias. Dans les archives de l’Agence de presse sénégalaise, on peut lire : ‘’Le ministre de la Fonction publique, du Travail, de l'Emploi et des Organisations professionnelles, Yéro Deh, a justifié la décision de prendre acte de la révocation du directeur général de l'Ipres par le souci de ne pas perturber le fonctionnement de l'institution et de ne pas léser les retraités.’’ Par la suite, l’ancien ministre avait donné ‘’carte blanche au Conseil d’administration pour la désignation d'un nouveau directeur à même de mettre en œuvre les réformes dont l'Ipres a besoin pour sortir de l'ornière.’’

Depuis lors, peu de chose ont changé dans le fonctionnement de l’institution.

La différence entre les deux situations est juste qu’à l’époque, la nomination de M. Dias avait respecté les formes. Sauf que par la suite, une coalition des représentants du patronat et des travailleurs a réussi à le déboulonner, alors qu’il n’avait même pas perçu son premier salaire. Le motif invoqué, à l’époque, c’est que Dias père avait des prétentions salariales trop élevées.

MOR AMAR

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