Publié le 14 Mar 2019 - 23:28
INSUFFISANCE RENALE

Les conditions pour réussir la  transplantation

 

Les dialysés qui peuvent faire la greffe prennent toujours leur mal en patience, en attendant la nomination des membres du Comité national de don et de la transplantation d’organe. Mais avant cela, deux professeurs de l’hôpital Aristide Le Dantec expliquent les conditions pour réussir ce travail.

 

Au Sénégal, il n’y a pas eu une enquête nationale pour déterminer la prévalence de la maladie rénale. Il n’y a que des estimations qui tournent autour de 5 %. C’est-à-dire que c’est plus de 650 mille personnes touchées parmi la population générale. Toutes les tranches d’âges sont touchées et les personnes âgées sont les plus exposées à la maladie rénale chronique. C’est pourquoi il urge de commencer la transplantation. Selon le néphrologue à l’hôpital Aristide Le Dantec, Professeur El Hadj Fary Kâ, sur le plan institutionnel et médical, toutes les conditions sont réunies pour effectuer cette greffe.

Toutefois, il reconnait qu’il y a des préalables. C’est vrai qu’on doit nommer les membres du Comité du don d’organes, mais nous devons éviter le tourisme d’organe.

‘’Il faut savoir qui donne à qui. C’est important. Mais également mettre en place la logistique, en particulier les médicaments. Parce que, quand on donne un rein, on prend un médicament afin que l’organisme ne le rejette pas. Une politique de ravitaillement de médicaments qui soient disponibles, à tout moment et en tout temps doit être mise en place pour qu’il n’y ait pas de rupture. Je crois que le ministère est dans ce processus, parce que, récemment, nous avons listé les médicaments qui sont nécessaires à la transplantation’’, dit-il. En plus de cela, il souligne qu’il faut régler la question sur la prise en charge de la personne qui donne le rein. ‘’Est-ce que c’est l’hôpital ou c’est l’Etat de la prendre en charge ? Parce que, dans les autres pays, quand on donne un rein, c’est l’Etat qui te prend en charge. Tu ne payes aucune analyse. C’est le comité qui va discuter de tout cela. On va y arriver, je n’ai pas de doute et cela ne sert à rien de faire des effets d’annonces, genre : nous avons transplanté et cela s’est arrêté pendant 10 ou 15 ans. Il faut prendre le temps de mettre les choses en place de manière convenable, comme ça, le jour où on va commencer, qu’on puisse continuer sans problème’’, ajoute le Pr. Kâ.

‘’On va vers la transplantation donneur vivant’’

Le chirurgien urologue à l’hôpital Aristide Le Dantec, Professeur Babacar Diao, joint par ‘’EnQuête’’, souligne que, pour réussir une bonne transplantation, il faut le personnel, l’équipement nécessaire et avoir une équipe de transplantation. C'est-à-dire, poursuit-il, qu’il faut, dans l’équipe des néphrologues, des urologues et d’autres spécialités. Parce qu’au Sénégal, ‘’on va vers la transplantation donneur vivant. Il faut deux chirurgiens pour prélever un rein et au moins deux chirurgiens pour greffer. Et ce n’est pas celui qui prélève qui va greffer. Donc, il faut au minimum 4 urologues dans le service’’, explique-t-il. Il faut également, dit-il, un service d’immunologie, un service de bactériologie, d’urologie, un service de radiologie fonctionnelle, un service de chirurgie viscérale, un service d’anatomie pathologique. ‘’Il faut que, dans tous ces services-là, des gens disponibles soient désignés. Un médecin de transplantation n’est pas un médecin qui ferme son téléphone la nuit. Il doit être joignable 24 heures sur 24’’, renseigne le Pr. Diao.

En outre, le chirurgien indique que, si on veut faire ailleurs la transplantation, c’est-à-dire dans une structure qui ne remplit pas ces conditions, ça sera très risqué. ‘’On ne déplace pas des équipes pour aller transplanter dans un autre hôpital. Ceux qui travaillent doivent former une équipe. C’est des gens qui sont habitués à travailler ensemble et chez qui le courant passe’’, explique le chirurgien urologue.

‘’Tout dialysé ne soit pas transplantable’’

Dans la même veine, le néphrologue, Professeur Boucar Diouf, soutient que le ministère va nommer les membres du Comité national du don et de la transplantation d’organe (Cndt). Parce que ce n’est pas n’importe quel hôpital qui doit faire cette greffe. ‘’Les hôpitaux vont soumettre leurs dossiers. Ceux qui seront éligibles vont recevoir l’accréditation pour transplanter. C’est une bonne chose de faire voter des lois, mais il faut faire vite. Bien que tout dialysé ne soit pas transplantable’’, fait-il savoir.

Professeur El Hadj Fary Kâ trouve qu’il  faut compléter l’offre de soins, avec la transplantation rénale en offrant un avenir à ces personnes. Selon lui, en termes de qualité de vie et de coût, la transplantation est beaucoup mieux et elle est beaucoup moins chère que la dialyse. ‘’Les 2 milliards que l’Etat met pour la dialyse, si c’est la transplantation, c’est deux fois moins cher. En plus, cela redonne à la personne sa dignité, sa liberté d’action. Il faut aller vers cela et surtout permettre aux plus jeunes de s’en sortir. Quand vous voyez un enfant de 18 ou 20 ans dialysé, il faut lui offrir une perspective d’avenir’’, dit-il. Avant d’ajouter qu’il a eu la chance, dans sa formation, d’apprendre la transplantation dans les pays du Nord où c’était hyper sophistiqué, avec ce qu’il fallait.  

‘’J’ai également bénéficié de cela dans certains pays du Sud et ils travaillent dans les mêmes conditions que nous. J’ai été très frustré, quand je suis rentré et que je ne pouvais pas transplanter. Parce que je me disais que nous avons tout ce que j’ai fait dans ces pays. C’est le terme transplantation rénale qui est chargé, mais nos amis urologues font des choses beaucoup plus compliquées que cela’’, explique le Pr. Kâ.

VIVIANE DIATTA

 

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