Publié le 1 May 2019 - 03:12
INTELLIGENCE ECONOMIQUE

L’Afrique à la conquête du contrôle de l’information 

 

La maitrise de l’information, notamment de la bonne, reste un challenge pour que l’Afrique prenne le train de la mondialisation par rapport à l’intelligence économique. C’est ce qu’a soutenu, hier, le représentant-résident du Centre africain de veille et d’intelligence économique (Cavie) au Sénégal, Lansana Gagny Sakho, lors des états généraux sur la question.

 

L'industrie africaine ‘’n'a jamais réussi’’ à prendre le train de la mondialisation.  Selon le représentant-résident du Centre africain de veille et d’intelligence économique (Cavie) au Sénégal, elle a même plutôt ‘’souffert’’ de la libéralisation. ‘’Au niveau international, les sources davantage concurrentielles sont non seulement liées au coût des facteurs de production, aux possibilités d’accéder aux sources d’innovation, mais surtout à la maitrise de l’information’’, indique Lansana Gagny Sakho. Il s’exprimait hier, lors de la cérémonie d’ouverture des états généraux de l’intelligence économique africaine à Dakar. Ainsi, M. Sakho rappelle que la part de l'Afrique dans la population mondiale en âge de travailler évoluera à 17 % en 2030, pour atteindre 22,1 % en 2050. ‘’Si des solutions ne sont pas trouvées pour changer le modèle de création de richesses des économies africaines, la marginalisation du continent va s’accélérer, l’exclusion de pans importants de la société se poursuivra. Il sera quasiment impossible de désamorcer cette bombe sociale qui constitue le plus grand risque pour le continent. Il ne peut plus y avoir d’excuses’’, soutient-il.

Le représentant du Cavie au Sénégal estime que, dans ce dessein, il faut ‘’être à la hauteur’’ des défis actuels et des promesses du moment. ‘’Il est clair que nous ne pourrons point atteindre cet objectif noble d’altérer pour le meilleur le futur de notre continent sans gagner la bataille économique. Nous devons nous outiller pour ce faire et nous donner les moyens de maitriser notre environnement opérationnel. La pratique de l'intelligence économique connaît un développement croissant dans le monde, depuis ces dernières années. L'Afrique n'a pas suivi ce développement’’, regrette M. Sakho qui est par ailleurs le directeur général de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas).

Donc, pour lui, il est urgent de déployer sur le continent un véritable processus collectif à la hauteur des enjeux économiques, scientifiques et commerciaux. A cet effet, avec le Cavie, il fait part de leur ambition d’installer dans chaque Etat une antenne locale chargée de sensibiliser les institutions et les entreprises sur le rôle de plus en plus important que tiendront le savoir et l’information au sein des organisations. ‘’Il faudra cultiver la recherche systématique d'informations, maitriser la nature et l’envergure des besoins, pour mieux orienter et qualifier ce processus de collecte organisée de l’information’’, plaide Lansana G. Sakho.

Un moyen pour booster la compétitivité des Etats

Il convient de noter que l’intelligence économique est une activité naissante en Afrique. Et les acteurs sont en phase de convaincre les entreprises, les pouvoirs publics et même les organisations de la société civile. Qui, selon eux, ont un rôle considérable dans l’émergence de cette discipline. Ainsi, l’objectif des états généraux de Dakar est, notamment, de recueillir des besoins des entreprises africaines en matière d’information, y répondre et lancer les bases d’une intelligence économique africaine. Ceci, pour plus de compétitivité aussi bien pour les entreprises africaines que pour les pouvoirs publics en général, de même que les organisations de la société civile, d’ici 2025. Vu la concurrence causée par la mondialisation, la détention de l’information pour les entreprises reste un ‘’élément crucial’’ pour leur compétitivité.

‘’Que ce soit les entreprises, les chefs d’entreprises, les décideurs publics, on est de plus en plus fragilisé par rapport à notre patrimoine informationnel. Les experts informatiques sont suffisamment outillés face à cette problématique. Donc, il faut des dispositifs de défense plus forts, plus rigoureux, beaucoup plus adaptés à la nouvelle donne internationale. Il nous faut même, dans nos propres ressources, avoir les capacités d’un tel dispositif de défense’’, suggère le président fondateur du Centre africain de veille et d’intelligence économique (Cavie) Guy Gweth.

Le continent connait encore une très faible exposition numérique et les informations dont ont besoin nos opérateurs économiques ne sont pas toujours disponibles dans des bases de données régulièrement mises à jour et très précises, mais surtout numérisées. Ce qui est une grosse faiblesse. Cependant, l’intelligence économique africaine a l’avantage de faire de cette faiblesse une opportunité, en surfant le renseignement humain. En effet, celui-ci donne les outils, les moyens, les méthodes qui permettent de déchiffrer l’organisation de l’Etat, les organigrammes des différentes institutions auprès desquelles on peut accéder à l’information.

Mais aussi, rentrer en contact avec les personnes physiques pour obtenir en toute légalité une information qui est censée être du domaine public, qui ne l’est pas à cause du contexte. Sur ce, le président de l’Observatoire panafricain du numérique et du digital signale qu’il y a une différence entre l’espionnage et la collecte de données dans le cadre de l’intelligence économique. ‘’L’espionnage, on le fait caché. Alors que l’intelligence économique est à découvert. Elle traite de l’information essentielle qui va impacter la vie du pays, du  continent et du monde. C’est une information qui se traite au jour le jour pour l’efficience, changer des directives, apporter une contribution nécessaire et efficace pour le devenir de nos continents’’, précise Cheick Keïta.

En réalité, le président fondateur du Cavie affirme, par ailleurs, que l’Intelligence économique va apporter aux pays d’Afrique sur le terrain de la compétitivité à la fois les outils, les techniques et méthodes pour protéger leurs marchés. De telle sorte que ce qui se fait de bien par exemple au Sénégal, que ce soit  dans la restauration, l’industrie de l’habillement, les hydrocarbures, ne soit pas toujours contrôlé par des étrangers. ‘’Ce qui donne la capacité de mieux protéger le marché local, d’être beaucoup plus offensif et aller à la conquête des marchés extérieurs. C’est donc une opportunité pour mieux vendre les Etats africains, notamment avec des données fiables sur leur environnement des affaires’’, dit-il.

Toutefois, M. Gweth souligne que chaque Etat a ses propres spécificités et contraintes. Et ceci malgré le fait qu’ils militent ardemment pour une union des Etats africains, des dispositifs d’intelligence économique à travers le continent et qu’ils travaillent pour une Afrique des intelligences économiques avec des politiques publiques communes.

MARIAMA DIEME

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