Publié le 19 Aug 2019 - 21:56
INTERPELLATIONS & ARRESTATIONS VIOLENTES

Ces morts qui hantent police et citoyens

 

La mort de Mafatim Mbaye à Thiès remet au goût du jour ces quelques affaires qui montrent que le respect des libertés citoyennes est encore un énorme chantier pour la police nationale et les Fds, de manière générale.

 

Alors que les commentaires allaient bon train sur les abus du commissaire Sankharé dans une pharmacie, un autre drame avait pour acteur principal un autre policier dans la cité du Rail dans la soirée de vendredi dernier. Tout indique que l’agent de police ‘‘El Capo’’, présenté dans un premier temps comme un indicateur, a été l’auteur d’une bavure quand la course-poursuite qu’il a engagée pour appréhender le boulanger Mafatim Mbaye s’est soldée par la mort de ce dernier. Les témoignages glaçants de la mère de la victime donnent encore une idée des pouvoirs exorbitants des agents de la force publique sur le citoyen.

Un face-à-face s’en est suivi entre les conducteurs de moto-Jakarta qui en ont profité pour régler leurs comptes, suite aux tracasseries policières, ce samedi. L’histoire se répète dans cette région, puisqu’il y a moins d’un trimestre, en juin, c’est Babacar Sy qui a été tué, par inadvertance, par un policer en service au camp Tropical de Thiès, nommé Albert. Ce dernier aurait joué à lui faire peur dans un débit de boisson alcoolisée, avant que le coup de feu fatal ne parte tout seul. Aux dernières nouvelles, il est en instance de jugement pour homicide involontaire.

Ces affaires sont symptomatiques des vraies problématiques irrésolues des rapports entre certains éléments des forces de défense et de sécurité et la question de la citoyenneté. Il y a un mois, à la mi-juin pile, des jeunes ‘‘Jakartamen’’ de Koungheul s’en sont pris à la brigade de gendarmerie du coin à coups de pierres, pour protester contre ce qu’ils considéraient comme des tracasseries. Quelques jours plus tard, le 6 août, c’est le commandant de la brigade de Koumpentoum, Tamsir Sané, qui tombait sous les balles des malfrats venus attaquer un établissement bancaire.

Même si les deux corps n’appartiennent pas à la même chaîne de commandement, la récurrence de ces affaires, qui ce sont toutes produites cette année, indiquent que les rapports entre citoyens et forces de défense et de sécurité (Fds) sont en train de se détériorer.

La police est une force de première catégorie dotée d’une quinzaine de missions dont celles de la protection des personnes et des biens, et la garantie des libertés et de la défense des institutions de la République. La mise en œuvre du concept de sécurité humaine fait également partie de ses missions.

Mais, à l’évidence, elle reste encore une gageure, si l’on considère le passif des hommes en bleu en matière de respect des libertés citoyennes. La judiciarisation des cas impliquant les Fds est sporadique. La mort de l’étudiant Bassirou Faye s’est conclue judiciairement en juin 2016, mais d’autres sont passées par pertes et profits, dans la plupart des cas.

Ainsi en est-il des différents pensionnaires d’autres universités sénégalaises comme Fallou Sène, Idrissa Sagna et Mamadou Diop.

Pour ce dernier cas, le policier accusé d’être le conducteur du ‘‘Dragon’’ l’ayant délibérément terrassé a également été cité dans la mort de l’apprenti-conducteur Ibrahima Samb à Mbacké. Thiendella Ndiaye, le policier, ne s’en tirera pas cette fois, puisqu’il a été condamné à 10 ans fermes, en compagnie de ses collègues Ousmane Ndao, Almamy Lawaly Touré et Mame Kor Ndong, en juillet 2016.

Les décès, après interpellation, du transitaire Elimane Touré (mort en détention au commissariat du Port) et du commerçant Modou Diop alias ‘’Seck Ndiaye’’ après que cinq éléments de la police ont procédé à son arrestation musclée dans sa chambre, sont encore frais. En avril 2018, un véhicule de patrouille de la police, roulant à contresens dans les allées du Centenaire, a été impliquée dans la mort accidentelle d’un conducteur de moto, Abdoulaye Timéra.

Un trimestre plus tard, c’est la police de Thiaroye qui a été accusée d’avoir torturé Saliou Sarr dit ‘’Pape Sarr’’, mort par électrocution, après un interrogatoire serré, suite à un vol de moutons.

Toutefois, l’affaire semble emprunter une voie judiciaire, puisque trois policiers impliqués dans cette affaire ont été déférés, en juin dernier, devant le parquet, après un an d’enquête.

La liste n’est pas exhaustive. Mais la police - les Fds de manière générale - qui entre dans la perspective nouvelle de combattre l’extrémisme violent et le terrorisme, gagnerait à combler le fossé avec le citoyen qui s’agrandit à chaque abus.

OUSMANE LAYE DIOP

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