Publié le 13 Dec 2017 - 18:04
INTRIGUE PAR L’APPEL DU PARQUET DANS L’AFFAIRE CAFE DE ROME

Les avocats des employés déversent leur bile sur le parquet

 

L’affaire d’abus de confiance impliquant 12 travailleurs de l’hôtel Café de Rome a atterri, hier, à la barre de la Cour d’appel de Dakar. C’est le maître des poursuites qui a interjeté appel, bien que les prévenus aient été relaxés en première instance sur sa demande. Cette volte-face a valu des critiques acerbes au parquet de la part de la défense qui a soulevé une exception d’irrecevabilité de l’appel.  

 

Si, en première instance, les 12 travailleurs de Café de Rome poursuivis pour abus de confiance au préjudice de leur employeur ont été relaxés, c’est en partie grâce au réquisitoire du parquet, à l’époque. Le substitut Ramatoulaye Ly Ndiaye avait estimé qu’il n’y avait pas assez de preuves et que les prévenus méritaient d’être élargis. Elle avait été suivie, dans ce sens, par le juge des flagrants des délits. Mais, contre toute attente, le parquet a suivi les pas de la partie civile qui, déboutée, a interjeté appel. Ce revirement du ministère public a fait sortir les avocats des employés de leurs gonds. Ils ont soulevé une exception d’irrecevabilité de la requête du parquet. Seulement, ils se sont bien défoulés sur le substitut général Ibrahima Bakhoum qui en a bien pris pour son grade. ‘’Il y a défaut à agir et il n’y a pas d’éléments nouveaux pour que le parquet fasse appel, alors que la décision rendue en première instance le satisfait entièrement’’, ont soutenu Mes Assane Dioma Ndiaye et Souleymane Diagne.

Si ces deux avocats se sont limités à dire que l’appel doit être déclaré irrecevable, car étant irrégulier, leurs autres confrères ont craché leur venin sur le parquet. Et c’est Me El Hadj Diouf, avec sa gestuelle habituelle, qui a donné le ton en lançant à la cour : ‘’Aujourd’hui, c’est ce même procureur, qui avait requis la relaxe pour défaut de preuve, qui a interjeté appel. Peut-être que c’est le procureur de la Tanzanie ou du Rwanda qui est venu faire appel, pas celui de Dakar.’’

Son confrère Ousseynou Gaye d’embrayer sur le même ton : ‘’Le parquet a dit à l’ensemble du peuple qu’il n’y avait pas matière à poursuivre et c’est le même parquet qui se met à faire appel.’’ Ce qui fait dire à Me Abou Abdoul Daff qu’‘’il se pose un problème d’éthique’’, car, argue-t-il, ‘’l’on pouvait comprendre la démarche du parquet, si les prévenus n’avaient pas été relaxés’’. ‘’Il y a lieu de se demander qu’est-ce qu’il y a’’, a ajouté le conseil, tout comme son confrère Ousseynou Ngom qui a promis de produire la jurisprudence Ndèye Khady Guèye.

‘’C’est un appel nauséabond’’

En fait, à les croire, il existe un arrêt de la Cour suprême indiquant qu’une partie ne peut faire appel d’une décision dont elle est satisfaite. ‘’Le droit d’appel appartient à celui qui a perdu son procès’’, a renchéri Me Abdou Dialy Kane avant de dénoncer ‘’une jonglerie judiciaire qui discrédite la justice’’. Pour lui, l’appel n’a pas de sens et est inédit, surtout qu’il n’existe pas de circonstances nouvelles pour justifier la volte-face.

‘’C’est un appel nauséabond. Ça ne sent pas bon’’, a d’emblée martelé Me Etienne Ndione, avant d’être interrompu par le président en ces termes : ‘’Maître, je comprends votre état d’âme, mais évitons certains propos qui peuvent choquer.’’ Avant même qu’il ne réponde, Me El Hadj Diouf asséna en wolof, à l’endroit du substitut général : ‘’Puisqu’il a fait ce que personne n’a jamais fait, il entendra ce que personne n’a jamais entendu.’’ Malgré la remarque du président, Me Ndione a poursuivi en lançant : ‘’Seule la vérité rend libre.’’ Et de hausser le ton pour dénoncer un manque de respect envers la substitut d’instance.

Cependant, pour le parquet général, l’exception doit être tout simplement rejetée, car ‘’il n’y a rien d’inédit, encore moins de problème d’éthique’’. De l’avis du substitut général Bakhoum, sa collègue d’instance a requis, en toute responsabilité, puisque la parole est libre. Néanmoins, il a dénoncé la démarche de la parquetière. ‘’Je trouve incohérent que le parquet poursuive sur la base d’un procès-verbal d’enquête préliminaire et que le substitut d’audience requiert la relaxe. Elle devait prendre ses responsabilités’’, a fulminé l’avocat général. Bien que Me Bruce Benoit ait demandé à la cour de vider leur requête, car étant une exception préjudicielle, les juges l’ont jointe au fond et ordonné les débats. N’en déplaise à la défense qui voulait un renvoi du procès.

En fait, lorsque l’affaire a été évoquée, les conseils des prévenus ont sollicité un renvoi. Me El Hadj Diouf, premier à formuler la demande, a expliqué qu’il vient de se ‘’reconstituer’’ et qu’il a réunion dans le cadre de son ‘’nouveau client’’ Khalifa Sall. Me Yéri Bâ, défendant les intérêts de Café de Rome, s’y est opposé en soutenant que son confrère maitrise le dossier, puisqu’il s’était déjà constitué en première instance. ‘’Je ne suis pas un magnétophone ou un ordinateur pour garder en mémoire ce dossier. Je commence à vieillir. Je ne suis pas jeune comme vous, car je suis né avant l’indépendance et avant la naissance de votre président’’, a répliqué Me Diouf qui a plongé la salle dans un fou rire.

Pour le parquet général, la défense sollicite le renvoi, car n’étant pas prête. La réponse de l’ex-parlementaire ne s’est pas fait attendre. ‘’Je suis prêt. Khekh moma gueunal kay lek (je préfère la bagarre au manger)’’, a asséné Me Diouf. 

 FATOU SY

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