Publié le 27 Aug 2018 - 09:44
ITALIE : IMMIGRATION

Matteo Salvini sous enquête judiciaire pour «abus de pouvoir»

 

La décision du parquet d'Agrigente est intervenue au moment où la situation des migrants du «Diciotti» trouvait une issue, notamment à cause des pressions du Mouvement des Cinq Etoiles.

 

C’est une honte. Ils peuvent m’arrêter mais ils n’arrêteront pas le changement.» En meeting samedi soir dans le nord de l’Italie, le leader de l’extrême droite Matteo Salvini a durement réagi à sa mise sous enquête par le parquet d’Agrigente. Pour avoir interdit pendant près d’une semaine à une centaine de migrants de débarquer dans le port de Catane alors qu’ils se trouvaient à bord du Diciotti, un navire des garde-côtes italiens qui les avaient recueillis à proximité de Lampedusa, le ministre de l’Intérieur a en effet appris samedi qu’il était suspecté de «séquestration de personnes, arrestations illégales et abus de pouvoir».

En clair, Matteo Salvini et son chef de cabinet sont accusés d’avoir outrepassé leurs attributions et violé la loi. Les normes sur l’immigration prévoient en particulier qu’aucune décision ne peut être prise à l’encontre d’une personne avant que celle-ci n’ait été identifiée et mise dans les conditions de pouvoir déposer éventuellement une demande d’asile ou de protection humanitaire. Or sur le Diciotti figuraient de nombreux Erythréens ainsi que des Syriens, tous jugés de manière expéditive comme des «illégaux» par Matteo Salvini.

Concrètement, la procédure judiciaire a peu de chances. L’éventuel renvoi devant la justice du ministre nécessite en effet son improbable levée de l’immunité parlementaire au Sénat. «Matteo Salvini ne cherchait que cela […] : se retrouver sous enquête est ce qu’il désirait», s’inquiète l’éditorialiste du quotidien La Stampa.

«Matteo, ça suffit, trouve une solution»

Ce qui est sûr, c’est que l’autorisation donnée par le ministre de l’Intérieur pour faire finalement débarquer dans la nuit de samedi à dimanche les migrants du Diciotti est passée au second plan. C’est un appel téléphonique du vice-premier ministre, Luigi Di Maio, du Mouvement des Cinq Etoiles (M5S), à son homologue de la Ligue qui aurait permis de débloquer la situation : «Matteo, ça suffit, trouve une solution. Je ne tiens plus mes troupes.»

Si Luigi Di Maio soutient pleinement la ligne dure de Matteo Salvini, une partie des responsables des M5S, dont le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, critiquent la politique intransigeante du leader d’extrême droite. Après l’annonce de la part de l’Albanie (rejointe par l’Irlande) que Tirana était prêt à accueillir 20 migrants du bateau, Salvini a donc donné son feu vert glissant au passage : «Je remercie le gouvernement albanais qui s’est montré plus sérieux que le gouvernement français.»

Les autres passagers du Diciotti seront hébergés par l’Eglise catholique. Selon la presse italienne, le pape aurait même été disposé à les accueillir sur le territoire du Vatican mais ils seront finalement repartis dans les différents diocèses italiens. «L’Eglise ouvrira les portes, le cœur et le portefeuille», a résumé Matteo Salvini qui continue de défier l’UE : «C’est l’Europe qui a besoin de l’Italie et non l’inverse.»

Le gouvernement de Giuseppe Conte menace toujours de ne pas verser sa contribution au budget de la Commission si elle n’obtient pas des concessions notamment sur la question migratoire. «Je pense que les hommes politiques de votre pays devraient comprendre que vous n’êtes pas seuls en ce moment, que l’Europe cherche à vous aider», a répliqué dans les colonnes du Corriere della Sera le commissaire européen à la Migration, Dimitris Avramópoulos. Et de mettre en garde : «Qui attaque l’UE se tire une balle dans le pied.»

LIBERATION.FR

 

Section: