Publié le 28 Apr 2016 - 10:49
JARAAF YOUSSOU NDOYE

‘‘Nous n’allons pas nous laisser faire’’ 

 

Le chef coutumier de Ouakam, Youssou Ndoye, n’est pas content. Après les affrontements de lundi, à cause d’un problème foncier, le Jaraaf réagit. Dans sa ligne de mire, les régimes de Diouf et de  Wade, le Cadastre, et bien sûr Mbackiyou Faye qu’il accuse de vouloir s’accaparer de 4 hectares 500 m2 de terres, motif de la furie des Ouakamois.

 

Les affrontements ont cessé après votre intervention hier. Qu’est-ce qui se passe à Ouakam ?

Ce qui se passe toujours. Des prédateurs qui en veulent à nos terres. Les jeunes ont effectivement arrêté les manifestations et sont à mon écoute. Mais le problème en tant que tel demeure. Notre sens des responsabilités nous recommandait le dialogue. Nous l’avons fait. Si l’on arrive à s’entendre, c’est tant mieux. Mbackiyou Faye ne possède rien ici, absolument rien. Nous lui avons juste concédé quelques terres par esprit de dépassement, mais les populations de Ouakam auraient dû me suivre dans ma position initiale, à savoir ne pas céder d’un pouce.

L’Etat du Sénégal avait fait une réquisition de ces terres à nos ancêtres. Ce qui est parfaitement dans ses prérogatives ; même s’il a besoin de nos pirogues, il peut les prendre et nous payer le franc symbolique. Mais cinq ans après, il doit les restituer aux ayants-droit. S’il n’en a plus besoin, pourquoi remettre ça à autrui au lieu du propriétaire ? Ce partage des terres à Dakar, ce découpage,  ce n’est pas normal.  Le Sénégal appartient à tout le monde. Mais eux, ils ne veulent partager Touba ou Tivaouane avec personne. Et c’est à nous de trinquer pour tout le monde. C’est quoi cette hypocrisie ?

Légalement, Mbackiyou Faye semble être en possession de ces terres pourtant ?

Mais c’est impossible, nous n’allons pas nous laisser faire. S’il prend à son aise et refuse aux autres ce droit, c’est problématique. Les 4 hectares 500 de la discorde dont il est question ne font pas partie de ses attributions, c’est un ‘deal’ (magouilles). Au Sénégal, les gens font leurs bêtises et prennent d’assaut les médias. Ses accusations contre moi relèvent de l’ordre du normal. S’il veut, il n’a qu’à me traiter de voyou ou de vagabond. Je suis un guide. Je suis devant. C’est compréhensible que quelqu’un qui est derrière moi me critique. Je ne lui ferai même pas l’honneur d’être son vis-à-vis. Je crois que je fais partie de ceux qui doivent bâtir ce pays au lieu de le déconstruire. Je souhaite que ces gosses et  ceux de Dakar, Diourbel, Touba, Tivaouane etc., aient un endroit décent où habiter. A sa place, je n’aurais pas détenu de tels avoirs et vouloir mettre d’autres Sénégalais sans demeure dans la détresse.

Qu’est-ce qui prouve que ces terres vous appartiennent ?

(Il demande un livret à un des enfants) Ce sont des titres fonciers. C’est à Dakar qu’ils ont commencé du temps des colonies. Comment aurions-nous pu rater l’occasion d’en disposer. J’ai dit à maintes reprises que ma position de chef coutumier m’interdit certaines postures. Il faut éviter de m’y pousser avant que quelque chose n’arrive. Le cas échéant, tout le monde se mettrait à me critiquer, alors que je suis dans mon bon droit. (Il ouvre un document de l’Asecna estampillé ‘confidentiel’ comme preuve). On pouvait même ester la France en justice. Ils croient que je ne dispose pas de ce document. Quand Farba Senghor était en contentieux avec l’Asecna, c’est ce dossier qui a aidé à y voir clair. J’en ai un autre, plus édifiant encore. Il y a des gens qui continuent les travaux sur le site en question, alors qu’ils n’en ont pas le droit. S’accaparer de terres, les vendre, devenir milliardaire, c’est trop facile. Mbackiyou Faye veut augmenter ses terres, en plus de celles dont il dispose déjà. Mais au nom de quoi ? Je parle bien sûr des pratiques peu orthodoxes qui se font dans le milieu. Si les Ouakamois m’avaient écouté, au tout début, nous n’en serions pas là. Mais ce statu quo est mieux pour préserver la paix. S’il cherche des problèmes, ces affrontements ne sont qu’un avant-goût. 

Tout ça, c’est la faute des gouvernants. Même Mermoz, Sicap Karack faisaient partie de notre giron. Maintenant, le système de brouillage consiste à ramener les titres fonciers de quatre chiffres, dans les documents que je détiens, à cinq chiffres. Ainsi le TF 4883 peut devenir 10860 et cacher l’original. Quand tu viens demander l’Etat de droit réel du titre initial (à 4 chiffres), tu ne pourras pas l’avoir. C’est eux qui contrôlent les archives. Ils peuvent en faire tout ce qu’ils veulent. Ils ont maquillé les chiffres pour nous poser des problèmes. Et bien sûr, si l’on va au Tribunal, la justice jugera sur la base du second titre. Mais à qui la faute ? Les Domaines et le Cadastre. S’il y a le feu aux poudres dans ce pays, c’est de leur faute. Quand on manifeste, on nous dit que force reste à la loi. Jusqu’à quand ce discours ? Ils veulent que les pauvres s’appauvrissent davantage. Si j’étais nommé ministre de l’Urbanisme, le bradage foncier dans ce pays connaîtrait une fin. 

OUSMANE LAYE DIOP

 

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