Publié le 19 Apr 2018 - 19:32
JUGE POUR ACTE DE TERRORISME

Oumar Yaffa ‘’déçu’’ par Abubakar Shekau et Boko Haram

 

Se disant professeur de français à Nouakchott, Oumar Yaffa alias ‘’Abu Habsa’’ fait également partie des accusés ayant séjourné au fief de Boko Haram au Nigeria. Son système de défense, hier, à consisté à dire qu’il était parti chercher de l’argent.

 

Pour le 7e jour du procès d’Imam Ndao, Oumar Yaffa alias ‘’Abu Habsa’’ a mis fin aux auditions de la journée d’hier. L’accusé était professeur de français dans un établissement privé de Nouakchott. Il avait déserté les classes pour rejoindre les rangs de Boko Haram au Nigeria. Il y est resté 4 à 5 mois. Si tant est que son intention était d’aller porter secours aux hommes d’Abubakar Shekau, chef de la secte Boko Haram, il n’a pas atteint son objectif à cause de certaines divergences et de la difficulté à intégrer l’armée rebelle.  C’est du moins ce qu’il a déclaré devant le doyen des juges d’instruction.

Mais, hier, à la barre de la Chambre criminelle à formation spéciale du Tribunal de grande instance de Dakar, Abu Habsa a allégué qu’il n’était pas parti faire le djihad. ‘’Abdou Aziz m’avait dit qu’au Nigeria, il existait un Etat où il y avait beaucoup d’opportunités. J’ai accepté, car je voulais travailler pour subvenir aux besoins de mes parents et bénéficier des bienfaits de la ‘hidjira’. Car le Prophète (Psl) a dit : ‘Celui qui fait la hidjira, Dieu va lui pardonner tous ses péchés’’, a expliqué le natif de Vélingara.

Or, à l’enquête, il aurait déclaré qu’il était parti faire le djihad au Nigeria. ‘’Quand j’écoutais les informations, je constatais que des musulmans étaient tués en Palestine et en Centrafrique sans que la communauté internationale ne réagisse. Lorsque j’en ai discuté avec Abdou Aziz Dia, il m’a demandé quelle était la solution, face à cette tragédie. Je lui ai dit que la seule réponse est d’aller sur place’’, ont mentionné les gendarmes.

Pour les modalités du voyage, Abu Habsa confie avoir reçu 150 000 F de la part d’Aziz, car il lui avait dit qu’il n’avait pas les moyens pour payer le transport. Il était parti avec Ahmed Bella et certains de ses co-accusés, Mouhamed Ndiaye et Ibrahima Mballo. Arrivés à Abadam, il dit avoir été accueillis par un certain Abu Amir et y a trouvé Moussa Mbaye, uniquement. Tandis que, dans le Pv, il parle d’une vingtaine de Sénégalais. A l’en croire, ils y ont fait un séjour de 1 à 2 mois durant lequel il ne faisait que prier et apprendre. Par la suite, ils ont été transférés dans la ville de Fathoul Moubine. Malan Oumar, qui les a accueillis, lui a fait croire qu’il allait y trouver tout ce dont il avait besoin.

Désenchantement, après l’interdiction de la carte d’identité

A l’en croire, au bout d’une semaine, une division est née entre eux et les responsables de Boko Haram qui prohibaient la détention de la carte d’identité et l’éducation occidentale. ‘’C’était une rumeur, mais j’avais décidé de rentrer à cet instant-là, car je trouvais que c’était insensé ces interdits’’, a confié l’accusé. Et devant le magistrat instructeur, il avait ajouté que les pratiques de Boko Haram consistant à s’attaquer à des innocents l’écœuraient et ont motivé son désir de rentrer.

Toujours est-il qu’après Fathoul Moubine, l’accusé et ses compatriotes ont été transférés à Sambissa pour, dit-il, des raisons de sécurité.

En réalité, l’armée avait bombardé la localité, mais Abu Habsa jure n’avoir jamais vu de conflit ; qu’il a juste entendu des rumeurs dans ce sens. Le professeur de français nie également avoir reçu une formation militaire à Sambissa où ils logeaient dans la forêt, en attendant leur retour. Par conséquent, ils passaient leur temps à échanger sur la religion, alors que, dans le Pv, il aurait déclaré qu’ils suivaient des cours en maniement des armes dispensés par deux Sénégalais. ‘’Devant le juge d’instruction, vous aviez dit : ‘Je n’ai subi aucune formation, mais ma curiosité m’avait poussé à flirter avec une kalachnikov et j’ai tiré en l’air’, lui a rappelé le substitut Aly Ciré Ndiaye. Mais Abu Habsa a nié toutes les deux versions.

Concernant leur retour du Nigeria, l’accusé a révélé que Makhtar Diokhané l’a négocié auprès d’Abubakar Shekau, chef des djihadistes de Boko Haram, car il était très en colère contre les Sénégalais. Mais il a fini par les laisser partir, en leur offrant de l’argent que Matar Diokhané avait remis entre les mains de Moussa Aw.

L’accusé arrêté au Niger pour faux billets

Cependant, une fois au Niger, Abu Habsa et ses ‘’frères’’ d’infortune se sont fait prendre. Car, après avoir changé les devises naïras en francs Cfa à la frontière, ils ont été appréhendés pour détention de faux billets à leur arrivée dans la ville de Zender. Placés sous mandat de dépôt, ils ont appelé Makhtar Diokhané pour l’informer de la situation. Après une visite, ils ne l’ont plus revu, surtout que la cellule anti-terroriste de la police nigérienne cherchait à le ferrer. D’après l’accusé, ils ont commencé à subir des sévices qui ont coûté la vie à Moussa Aw. C’est au bout de trois mois qu’ils ont été transférés à Niamey et incarcérés dans des prisons différentes. Et c’est à la prison de Kolo qu’il a retrouvé Makhtar Diokhané, jusqu’à leur extradition au Sénégal.

Lorsque le président Samba Kane lui a demandé ce qu’il ressentait aujourd’hui, après son séjour au Nigeria, il a répondu : ‘’Une déception, car je n’ai pas trouvé les opportunités dont on me parlait et j’ai beaucoup souffert.’’

FATOU SY

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