Publié le 22 Oct 2016 - 00:14
KARATE - MEMORIAL SENSEI ZAPATA

La célébration d’un homme ‘’généreux’’ et ‘’atypique’’

 

Ceinture noire 6ème dan au moment de sa disparition, le 04 mai 2008, Sensei Alioune Badara Samb, plus connu sous le sobriquet de Zapata, est peut-être le karatéka sénégalais le plus atypique. Longtemps marginalisé et confiné par les autorités fédérales dans un statut de ‘’clandestin’’, il n’en a pas moins formé les meilleurs combattants de ce pays, sans parler des centaines d’experts jamais recensés par les structures fédérales. Naturellement, cela est dû à son sens du refus, sa générosité et son abnégation. C’est cet homme qu’un de ses élèves, Sensei Ndiaye Diop, célèbre ce week-end à travers un mémorial dont le défunt parrain a assisté à la première édition, en 2007.

 

Sensei Zapata,  grand maître du karaté ! C’est ce grand monsieur du tatami sénégalais que la famille du karaté célèbre ce vendredi 21 et samedi 22 octobre 2016, au Foyer des jeunes de Yeumbeul Nord, avec Sensei Ndiaye Diop (6e dan), dans la 9ème édition du Mémorial portant le même nom. Alioune Badara Samb, à l’état civil, a été très tôt arraché à l’affection de sa famille biologique, mais surtout de sa famille sportive à qui il avait tout donné. Combien de grands maîtres, aujourd’hui, se sont abreuvés à la source Zapata, cet éducateur dont l’effacement, la disponibilité, la modestie et l’humilité n’avaient d’égal que son immense savoir et son talent inouïs ?

Sans être de la première génération de ceintures noires formés par Maître Robert Picard, notamment les maîtres Fernand Nunès, Jacques Sow, Abdelatif Yactine, Ndiaga Seck et les frères Kassem, Zapata peut être considéré comme le premier de la seconde génération, aux côtés des Bada Hane, Cheikh Tall «Oyama» et autre El Hadj Diagne. En effet, le jeune Alioune Badara Samb a fait ses premiers pas dans l’art de Me Funakoshi auprès de Sensei Ndiaga Seck, qui tenait un dojo à l’Ecole nationale de Police – il fut commissaire de police – après sa formation de base auprès de Me Picard. C’est dans ce dojo, où lui-même travaillait avec des maîtres japonais, que Zapata a fait son initiation.

Une kyrielle de champions

Mais, certains événements ayant conduit à la radiation de son maître des services de police, il prit la direction des opérations, après le départ des Japonais. Pour le seconder, un certain Alioune Sarr, aujourd’hui chroniqueur à la chaîne de télévision 2STV. L’Université de Dakar, qui venait de créer ses sections de judo et karaté, fit alors appel à lui pour animer le dojo. C’est là qu’il a façonné les plus grands combattants de l’époque, devenus tous des internationaux, tels Alioune Sarr, Gogo Diop, Ibrahima Sagne, Chimère Diaw, Cheikh Fall, Mamadou Dia Cissoko, Mandiaye Diongue (ex-entraîneur national de kata), Bouna Ndao, Joseph Sarr (actuel DTN), Ibrahima Niang Braye, pour ne citer que ceux-là. Dans la sous-région aussi (Mauritanie, Gambie, Guinée et Mali), on retrouve d’anciens élèves de Sensei Zapata.

Dans son souci de démocratiser le karaté et de le rendre accessible à tous, il ouvrit de nombreux dojos dans les quartiers populaires, surtout où il habitait, comme aux HLM, à Castors et Pikine, et au sein de certaines entreprises telles la Société industrielle du Vêtement (SIV), Apollo TM, Total Sénégal, etc. A cette époque, le Sénégal ne comptait que quatre à cinq dojos officiels : Lido de Me Picard, Nion Kensukaï Karaté Club (NKKC) de Me Yactine, le Samouraï Karaté Club de Me Jacques Sow, Yukokaï de Sensei Nunès et le Duc.

Un homme de refus

Et puisque Zapata n’avait pas accepté de faire acte d’allégeance à Me Picard, il fut pestiféré, voué aux gémonies et constamment menacé de fermeture de ses dojos, alors qualifiés de ‘’clandestins’’ par les autorités fédérales. Mais, fort heureusement, personne n’a osé franchir le pas, car le savoir authentique y était enseigné et ses élèves étaient loin d’être des manchots. Naturellement, ceux-ci, en dehors de ceux du Duc, n’ont jamais été gradués, en dehors des passages internes qu’il programmait.

Il a fallu l’avènement du président Alia Diène Dramé à la tête du karaté sénégalais pour qu’il fut enfin reconnu et élevé au grade de ceinture noire, 3ème dan, alors que nombre de ses propres élèves étaient déjà ceintures noires. Quel paradoxe ! Plus tard, Zapata, qui était le plus gradé de tous, derrière les trois pionniers (Jacques Sow, Nunès et Yacine) jusqu’à sa disparition, est devenu Directeur technique national (DTN), après la fronde de plus d’une centaine de ceintures noires, qui avait emporté Me Nunès, en 1989.

Plus tard, Sensei Zapata, fondateur du Jyon Karaté Club, a été nommé président de la Commission nationale des Grades, un poste qu’il a occupé jusqu’à ce qu’un AVC le terrassa, mettant prématurément fin à la vie active d’un homme pour qui le karaté était toute une vie.

Initié par Sensei Ndiaye Diop, ce mémorial est devenu, depuis deux à trois ans, l’affaire de tous les anciens élèves du grand maître, qui sont en train de s’organiser en association – certes sur le tard – sous la houlette de Germain Mbaye (sympathisant), Alioune Sarr, Ndiaye Diop, Mamadou Dia Cissoko, Yatma Lô, mais aussi votre humble serviteur qui l’a suivi dans tous ses ‘’clandos’’, jusqu’à l’expertise.

Au tout début, le mémorial se résumait à un simple gala. Mais, depuis deux ans, il est devenu une compétition, sous l’égide de la Fédération sénégalaise de karaté et disciplines assimilées (Fskda). Les éliminatoires, en kumité (combats) débutent ce vendredi 21 octobre, après la pesée prévue à 10 h, suivie des engagements à 15 h. Les éliminatoires, pour les petites catégories et les finales ont programmées pour le samedi 22 octobre, au Foyer des Jeunes de Yeumbeul Nord.

Serigne Mour DIOP

Journaliste-Consultant

 

Section: