Publié le 29 May 2019 - 22:44
KARIM WADE ET KHALIFA SALL

Macky Sall, pas ferme sur le sujet

 

Allons-nous vers la libération de Khalifa Ababacar Sall ? En tout cas, la réponse de Macky Sall, hier, à Soham El Wardini, ne ferme pas toutes les portes à une possible grâce de l’ex-maire de Dakar.

 

La politique, encore la politique, toujours la politique. Hier encore, elle a été au cœur des débats. Malgré l’absence de trois des quatre candidats à la dernière Présidentielle, de Khalifa Sall et d’Abdoulaye Wade, le dialogue a eu lieu dans une atmosphère pour le moins détendue. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, même s’ils n’ont pas été là, Khalifa Sall comme Karim Wade ont vu leur cause être défendue par leurs pairs. Soham Wardini, dans son calme et sa sérénité habituels, a posé la revendication chère aux ‘’khalifistes’’ et aux opposants : la libération de son mentor Khalifa Ababacar Sall, afin qu’il puisse rejoindre sa maman qui est en âge très avancé et sa famille.

Elégamment vêtue de noir, elle déclare d’un air empreint d’émotion : ‘’Excellence, Monsieur le Président de la République, je souhaite que vous soyez précurseur dans notre commune volonté de dépassement, en faisant libérer Khalifa Ababacar Sall. Je souhaite que l’on soit collectivement, par notre esprit d’ouverture, à la hauteur des enjeux.’’

La réponse ne s’est pas fait attendre. Le président de la République a été certes ferme sur les principes, mais entrouvre une petite fenêtre qui peut donner de l’espoir. ‘’Il faudra débattre de tous les sujets d’intérêts nationaux, y compris la justice. Madame le Maire a mentionné le nom de Khalifa Ababacar Sall. Sama domou baye la, gnou ngui koy nianal Yalla (on a le même patronyme et on prie pour lui). Mais dans un dialogue, il ne faut pas non plus faire des amalgames. Le président de la République ne dit pas le droit dans une démocratie. Il peut toutefois faire preuve d’indulgence, en usant de la grâce, mais ce n’est possible qu’à la fin de toutes les procédures. Mais tant que la procédure est en cours, je ne peux rien faire. Quand la chose sera revêtue de la chose jugée, là, la Constitution donne au président la faculté de gracier ou non’’. Macky Sall d’ajouter : ‘’On ne peut, dans une affaire pendante, alors que les juges continuent de trancher des plaintes introduites par des avocats, s’impliquer. Mais on a bien entendu votre propos. C’était juste pour clarifier ce que la loi prévoit à cet effet dans un Etat démocratique comme le nôtre.’’

Oumar Sarr : ‘’J’assume’’

Le premier cas, celui de Khalifa, réglé, le second et non moins compliqué pouvait être posé. Alors que tout le monde s’interrogeait sur le contenu de son discours, Oumar Sarr, Secrétaire général adjoint du Pds, qui a fait fi de la décision de sa formation politique de ne pas répondre à l’appel du chef de l’Etat, pose quand même la principale doléance des libéraux. ‘’J’étais là en 2016 et il y avait des retombées importantes pour le pays. Pour nous du Pds, le plus grand acquis a été la libération de Karim Meissa Wade. J’espère que ces discussions aboutiront à la libération de Khalifa Sall et au retour de Karim Wade dans la paix. C’est cela le Sénégal. Travaillons ensemble pour l’intérêt de la nation’’.

Quant à sa défiance supposée vis-à-vis de Maitre Abdoulaye Wade, Oumar Sarr rétorque : ‘’En tant que coordonnateur du Pds, j’ai décidé d’honorer cette manifestation de ma présence. J’ai pris mes responsabilités pour répondre à l’appel du Sénégal. Car le Sénégal est plus important que les intérêts individuels de nos partis. Je ne sais pas d’où vient ce communiqué, mais moi, j’ai pris mes responsabilités et je l’assume.’’

Pour rappel, en 2016, suite au dialogue national, Karim Wade avait bénéficié d’une grâce présidentielle et toute l’opinion avait crié au ‘’deal’’. Est-ce la raison pour laquelle les libéraux ont cette fois-ci préféré jouer un double rôle : porter les revendications sur la table du président, tout en donnant l’air de s’opposer au dialogue ? Ou bien le malaise est-il si profond entre Oumar Sarr et le patron des libéraux, comme le croient beaucoup de Sénégalais ? Les jours qui viennent ne manqueront pas de les édifier.

En tout cas, outre Oumar Sarr, Mamadou Diop Decroix du Front de résistance nationale et Aida Mbodj ont également plaidé la libération de Khalifa Sall ainsi que le retour de Karim Wade. Le patron d’Aj a, en outre regretté ‘’l’unilatéralisme’’ dont a fait montre le régime jusque-là, ainsi que les multiples arrestations et emprisonnements de responsables de l’opposition.

A la différence des libéraux, les partisans de Khalifa Sall, eux, étaient bien visibles à la salle des banquets.

Dans le panier du dialogue national

Le pétrole, le gaz, l’emploi, le processus électoral, l’éducation, les jeunes, les femmes, l’insécurité, les enfants talibés… Ils sont nombreux les thèmes qui ont attiré l’attention des dialogueurs, hier, au rendez-vous du palais de la République.

Dans le discours de la mairesse de Dakar Soham El Wardini, la violence, surtout faite aux femmes, était au centre. Elle dit : ‘’Nous devons parler des événements tragiques de ces dernières semaines. Vous l’aurez compris, je parle de la recrudescence des violences, notamment celles faites aux femmes. Ces crimes ignobles nourrissent nos peurs et alimentent nos inquiétudes. A tel enseigne que des voix s’élèvent pour réclamer le durcissement des peines. La vive émotion suscitée montre que la question mérite de trouver des réponses fortes au-delà des sanctions’’.

La remplaçante de Khalifa Sall estime également que l’évaluation de l’acte 3 de la décentralisation doit être faite, en vue d’en corriger les faiblesses. Pour elle, le dialogue doit permettre de réfléchir sur les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, le financement des collectivités locales, l’intercommunalité, l’érection des pôles territoriaux pour valoriser toutes les potentialités des territoires…

En ce qui le concerne, le secrétaire général de la Cnts a axé son propos sur la nécessité de revenir sur le système de rémunération des agents de l’Administration qui, à l’en croire, soulève beaucoup d’injustices. Quant au patronat, Baidy Agne du Cnp qui, du reste, a été très concis, ne demande ni plus ni moins qu’un renforcement et un accompagnement du secteur privé.

Le monde rural, les pêcheurs tout comme les éleveurs ont également plaidé pour une prise en compte de leurs préoccupations, dans le cadre des concertations.


L’absence de Wade commentée par ses ‘’fils’’

En marge des concertations, nous avons interpellé d’anciens compagnons de Wade sur le ‘’boycott’’ de l’ouverture du dialogue national par le Pds. Ancien ministre de l’Intérieur sous Wade, Ousmane Ngom regrette : ‘’Nous espérons que le Pds nous rejoindra en cours de route et qu’Abdoulaye Wade puisse bénir ces concertations. C’est le moins que l’on attend d’un sage comme lui.’’ L’ancien ministre fonde sa conviction sur le fait que le dialogue doit mener les Sénégalais vers ‘’un consensus fort et très large sur les questions d’intérêt national, pour que le Sénégal puisse relever les défis qui l’interpellent, dans un contexte géopolitique pas rassurant’’. Il pense également que le choix de Famara Ibrahima Sagna devait plutôt rassurer toutes les parties prenantes.

Pour sa part, Pape Samba Mboup déclare : ‘’Nous sommes des patriotes. C’est l’heure de la réconciliation. C’est malheureux que Wade ne soit pas là. Il a sa place dans ces concertations. Il aurait même pu les initier. Il a manqué une bonne occasion pour poser tous les problèmes qui lui sont chers. Un patriote ne doit pas refuser de dialoguer dans l’intérêt de la nation.’’

Modou Diagne Fada embouche la même trompette et affirme : ‘’L’absence du président Wade n’est pas grave, parce que tout le monde a répondu. On a eu l’essentiel. D’anciens candidats ont été là et Oumar Sarr est venu. Abdoulaye Wade est notre père à nous tous. Nous lui lançons un appel pour qu’il regagne les concertations, parce que le pays a besoin de son expérience, de sa présence. Qu’il se fasse violence et qu’il nous rejoigne.’’

 

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