Publié le 7 Sep 2017 - 15:41
KEMI SEBA EXPULSE DU TERRITOIRE SENEGALAIS

Ses camarades dénoncent ‘’un banditisme d’Etat’’

 

Le président de l’Ong Urgences Panafricanistes, après son audition tenue hier, à la Police des étrangers de Dieuppeul, a été expulsé du Sénégal vers la France. Les proches de l’activiste Kémi Séba et ses camarades qualifient cette décision de ‘’banditisme d’Etat’’ orchestré par ces deux pays. L’activiste, qui a brûlé un billet de 5000 F CFA lors d’une manifestation publique organisée à Dakar, paie les frais de sa croisade contre le F CFA qu’il qualifie de ‘’monnaie coloniale’’.

 

Kémi Séba a son billet pour la France. Critique par rapport au F CFA, il a été interpellé hier par la Police des étrangers de Dieuppeul. Cela fait suite à un arrêté ministériel (voir ailleurs). Après son audition, en milieu de journée, les policiers, renseignent les proches de l’activiste, ne lui ont pas donné le temps de ranger ses affaires ni de dire au revoir à sa famille. Il a été directement conduit à l’aéroport. Cette expulsion indispose les camarades de Kémi Kéba, venus le soutenir. Taille moyenne, yeux rivés à la porte d’embarquement, la représentante de l’Ong Urgences Panafricanistes dirigée par M. Kéba est traumatisée par cette décision d’expulser leur leader.

Loquace, disponible à commenter cette affaire, Ndèye Nogaye Babel Sow s’en prend au régime en place qui, attaque-t-elle, cherche à étouffer cette voix ‘’audible’’ sur la question du F CFA. ‘’Il a été expulsé par arrêté ministériel. Alors qu’il n’y a pas de gouvernement, actuellement, au Sénégal. Ils ont décidé de l’envoyer en France où il a été interdit de sortir du territoire. A travers cet acte, le Sénégal refuse d’entrer dans l’histoire par la grande porte. Arbitrairement, ils sont venus le cueillir chez lui comme un hors-la-loi. Il n’a même pas eu le temps de faire ses bagages. C’est du banditisme d’Etat’’, cogne la coordonnatrice Front anti CFA Sénégal. Selon elle, les policiers qui sont venus à la maison lui ont demandé de venir avec eux pour qu’ils puissent vérifier sa situation administrative. Et il a accepté de les suivre sans faire d’histoires.

Sur l’esplanade de l’aéroport, Etuma Séba, épouse de Kémi Séba, n'en revient pas. En pantalon jean, foulard bien ajusté sur la tête, elle est entourée de jeunes filles, de femmes, d’hommes, etc. Et ne cesse de répondre au téléphone en parlant des affaires de son mari, et  de la manière avec laquelle il a été cueilli chez lui. ‘’Les gens ne sont pas encore venus. Présentement, il est là, à l’intérieur’’, glisse-t-elle au bout du fil, le portable scotché à l’oreille. ‘’Pourquoi ont-ils décidé  de l’envoyer en France, et non au Bénin ? C’est parce qu’ils savent que le Bénin fait partie de la zone CFA. Donc, une fois là-bas, il va continuer la lutte’’, se préoccupe Ndèye Nogaye Babel Sow, très en verve. Elle ne veut pas entendre parler de recul dans cette ‘’guerre contre le F CFA’’, comme dit Kémi Séba. Malgré l’expulsion de ce dernier, elle et ses camarades promettent de maintenir la cadence dans leur croisade contre le F CFA. ‘’Nous allons organiser notre manifestation le 16 septembre prochain partout en Afrique. C’est un combat qui concerne toute la jeunesse africaine. Donc, avec ou sans Kémi Séba, nous sommes toujours déterminés à dérouler nos actions sur le continent’’, lance-t-elle.

 A 16 heures, des membres du mouvement Y’en a marre comme Thiat, et d’autres acteurs de la société civile ont effectué le déplacement pour manifester leur soutien à Kémi Séba. Guy Marius Sagna est loin d’être surpris par la tournure de cette affaire. ‘’Je ne suis pas surpris par cette décision que nous qualifions de banditisme d’Etat. Ils ont orchestré un complot pour expulser le frère Kémi Séba du continent africain. La France est impliquée dans cette affaire dans laquelle l’Etat du Sénégal est totalement mouillé. Je parle de banditisme d’Etat parce qu’ils ne lui ont même pas donné le temps de faire un recours.

C’est tout simplement honteux que le Président Macky Sall et son gouvernement se comportent comme des tirailleurs au service de la France’’, déplore-t-il. Avant de faire savoir qu’ils sont en train de mettre en place un plan d’action pour faire face à ce régime. Dans les jours à venir, poursuit-il, un recours sera introduit pour suspendre ou annuler cette décision. ‘’Aujourd’hui, Kémi Séba fait partie des leaders les plus écoutés sur la question du F CFA. C’est la raison pour laquelle ils veulent l’expulser. Nous, en ce qui nous concerne, nous allons continuer la lutte contre cette monnaie coloniale’’, s’engage M. Sagna, entouré de ses camarades activistes.

La colère des droits-de-l’hommiste

 Dans le cadre de cette affaire, les organisations des droits de l'Homme ont demandé hier, par le biais d’un communiqué, à l'État de surseoir à la demande d'expulsion. Il s’agit de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO), de la Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH) et d’Amnesty International Sénégal. Furax, elles ont ‘’vivement’’ dénoncé la procédure d'expulsion de l'activiste. Elles plaident pour qu'un délai suffisant lui soit accordé afin qu'il exerce son droit au recours. ‘’La RADDHO, la LSDH et AI Sénégal dénoncent ce procédé tout à fait arbitraire qui viole le droit au recours prévu pour les personnes visées par des arrêtés d'expulsion (article 34 du décret N°71-860 du 28 juillet 1971 relatif aux conditions d'admission, de séjour et d'établissement des étrangers au Sénégal)’’, mentionnent-elles dans le document.

 Kémi Séba a été poursuivi en justice, suite à une plainte déposée par la BCEAO, pour avoir brûlé un billet de 5 000 francs CFA, le 19 août dernier. Jugé par le Tribunal des flagrants délits de Dakar, après quatre jours passés en détention, il avait finalement été relaxé, le 29 du même mois. Mardi 5 septembre dernier, le parquet de Dakar a fait appel de cette décision. Mais aucune date n’avait encore été fixée pour un nouveau procès.

ME ASSANE DIOMA NDIAYE SUR LE RECOURS DE KEMI SEBA

‘’On le prive d’un droit garanti par la loi’’

‘’La décision d’expulsion doit être notifiée d’abord à l’intéressé qui dispose d’un droit de recours. Mais s’il y a simultanéité entre la notification et l’expulsion, on ne lui permet pas d’exercer le recours qui lui est ouvert. On le prive d’un droit garanti par la loi. Et c’est d’autant plus grave qu’en raison de l’irréversibilité de l’exécution d’une mesure d’expulsion, la loi attache au recours un caractère suspensif. On cherche manifestement à empêcher M. Séba d’exercer un recours. Est-il possible de faire un recours si l’expulsion est effective ? Dans ce cas, il faut qu’il puisse disposer d’au moins de l’arrêté pour le remettre à ses avocats. En principe, dans ce cas, même si l’expulsion est effective, la procédure d’annulation peut continuer. Et en cas d’annulation ultérieure, il pourra revenir au Sénégal.’’  

PAPE NOUHA SOUANE

 

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