Publié le 3 Jul 2012 - 16:45
LÉGISLATIVES 2012

Des ''indemnités électorales'' pour les ''bons'' députés

 

Alors qu'on sort à peine des législatives de dimanche, EnQuête a découvert, au détour d'une toute autre investigation, que les députés proches du président de l'Assemblée nationale sortante, Mamadou Seck, ont reçu financement de leur campagne électorale, dans une fourchette comprise entre 1 et 10 millions de francs Cfa. De l'argent puisé des fonds politiques de l'Institution.

 

Les fonds politiques, on en reparle. Ceux de l'ancien président de la République Abdoulaye Wade avaient fait couler beaucoup d'encre et défrayé la chronique. Notamment avec les fameux chantiers de Thiès. Cette fois-ci, il s'agit des fonds politiques du président de l'Assemblée nationale. Ceux-ci ont été utilisés pour financer la campagne électorale de plusieurs députés sortants et appartenant à la coalition Bokk Gis-Gis (BGG), une dissidence du Parti démocratique sénégalais (PDS).

 

Si pour les deux tours de la présidentielle de 2012, les députés de la majorité libérale avaient reçu en deux étapes ''500 000 francs Cfa» puis «2 millions de francs Cfa» pour «bien battre campagne», la «distribution» du pactole a été beaucoup plus parcellaire pour les législatives du 1er juillet.

 

Puisque seuls les députés de la coalition Bokk Gis-Gis ont eu le bonheur d'être «perfusés». Conséquence de la guerre totale qui oppose la bande à Pape Diop à l'ex-mentor Wade. Selon nos informations, la palme est allée à un responsable politique de Pikine qui a reçu 10 millions de francs pour battre campagne, mais qui a été finalement battu à plate couture.

 

Pour les autres députés concernés, l'enveloppe était comprise entre 1 et 2 millions de francs Cfa, selon leur envergure politique. Un député-maire a reçu deux millions de francs Cfa alors qu'un autre, député simple, a reçu son enveloppe au dernier jour de la campagne électorale, soit vendredi 29 juin.

 

''Deux poids, deux mesures''

 

À la Présidentielle, comme lors de ces Législatives, l'argent était distribué selon un modus operandi très simple. Par l'entremise d'un «comptable» ou «une sorte de directeur financier» (nous taisons son identité) qui n'a rien à voir avec la Questure de l'Assemblée nationale, les députés bénéficiaires étaient appelés un à un dans le bureau de ce «comptable». Ensuite, c'est la secrétaire de ce dernier qui se chargeait de remettre l'enveloppe pré-alimentée au bénéficiaire.

 

Ce que confirme le président du groupe parlementaire Démocratie et Progrès Oumar Khassimou Dia. L'ancien ministre parle d'une «politique de deux poids deux mesures» dans l'institution. Ayant eu vent de ces dotations, il est allé se plaindre auprès du président de l'Assemblée. Mais, rien n'y fit. Il n'a rien reçu. Il n'avait sans doute pas compris que derrière le vocable ''d'indemnité'' se cachait plutôt des butins de guerre pour gagner le maximum de suffrages. Car, laisse entendre le député : ''Avec les indemnités, ils donnent aux uns 2, 3 ou 4 millions et pour les autres, rien. Nous, considérés comme l'opposition, nous n'avons rien reçu''.

 

Un autre parlementaire passé dans l'art de protester et de revendiquer mais ayant requis l'anonymat concernant ces dotations secrètes, parle de ''gaspillage'' et espère que ''la gestion de l'Assemblée nationale sera auditée'' avec la législature nouvelle qui se prépare.

 

Il faut souligner que le budget de l'Assemblée nationale sortante s'élève à 9 milliards de francs Cfa. Une cagnotte dans laquelle ne sont pas compris les fonds politiques mis à la discrétion du président de l'Assemblée nationale sous forme de comptes spéciaux et qui ne figurent dans aucune rubrique. Du butin de guerre. Pour des parlementaires contactés par EnQuête, l'objectif de cette distribution d'argent est évident : vider la caisse des fonds politiques avant que ne s'installe une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale.

 

 

 

GASTON COLY

 

 

 

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