Publié le 6 Jun 2018 - 19:31
L’AFFAIRE KHALIFA SALL RENVOYE AU 9 JUILLET

Passe d’armes entre le juge Demba Kandji et Me Mbaye Sène

 

Les échanges ont été houleux, hier, entre le juge Demba Kandji et Me Mbaye Sène. Le Président de la Cour d’appel de Dakar a pris la mouche, lorsque l’avocat du maire a sous-entendu que l’Etat veut expédier l’affaire, pour des raisons politiciennes.

 

Hier, tout se passait bien, lors du procès en appel de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, jusqu’à la prise de parole de l’ancien bâtonnier Mbaye Sène. Jusque-là, s’escrimant dans la bataille de procédure, les robes noires rivalisaient d’ardeur en brandissant les arguments de droit. Donc, connu pour son franc-parler, Me Sène a laissé entendre que ce procès devait être encadré par les règles de procédures. ‘’Il faut que les procédures soient respectées. Votre cour a, dans son rôle, des affaires qui sont là depuis plus de deux ans qui ne sont pas encore jugés…’’, a lancé Me Sène à l’endroit du président de ladite juridiction. Jugeant par là suspecte la célérité avec laquelle l’affaire Khalifa Sall est menée par les différentes juridictions.

Mais c’est un euphémisme de dire que cette déclaration n’a pas eu l’heur de plaire au juge Demba Kandji. Lui, qui avait gardé sa sérénité depuis le démarrage de cette audience, a explosé : ‘’Voilà un débat que je n’autorise pas. Il ne faut pas déplacer la discussion. Qu’est-ce que la cour a comme une affaire ancienne ne me concerne pas. Mon prétoire ne se prête pas à ce jeu.  Le débat politicien, je ne m’engage pas dedans. Je le répète. Pourquoi ce discours ?’’ a-t-il pesté. Mais le conseil de la défense ne s’est pas laissé démonter. Me Mbaye Sène de rétorquer : ‘’Je ne suis pas un politicien. Je suis un avocat et je défends des intérêts. Vous me laissez continuer ? C’est inopportun de parler d’audience spéciale, alors que le dossier n’est pas retenu. Les conditions selon lesquelles le procès doit se tenir ne sont pas réunies.’’

Mais cela n’a pas pour autant tempérer les ardeurs du juge qui a fulminé à nouveau : ‘’Vous ne saisissez pas mon discours, parce que vous ne voulez pas le saisir. Je ne permettrai pas qu’on prenne la cour pour un guignol. Respectons-nous. Demander comment ce dossier est arrivé ici, c’est un débat politicien.’’ Des murmures se faisant entendre dans la salle, Demba Kandji a lancé : ‘’Si j’entends quelqu’un en train de vociférer, je le place sous mandat de dépôt, tout de suite ! Gendarmes, si vous en saisissez un, emmenez-le-moi ici !’’

Sur ces entrefaites, Me Issa Diaw de la Ville de Dakar a demandé le renvoi du procès jusqu’à la fin du mois de novembre. Me Khassimou Touré de la défense a, lui, sollicité un report de 3 mois. Mais le Parquet général a jugé que ce ‘’délai est très long, vu que le dossier est en état’’. L’avocat général, Lassana Diaby, a ainsi requis un mois ‘’pour permettre à tout un chacun de se préparer’’.

Ayant le dernier mot, le juge a laissé entendre, d’un ton bourru : ‘’la Cour estime que l’affaire est en état d’être jugée, mais compte tenu des arguments développés de part et d’autre, surtout du côté de la défense, nous avons décidé ce renvoi ferme.’’

Une dernière phrase qui a tranché d’avec son ton et son enthousiasme, à l’entame de son propos, le matin. ‘’Les mis en cause sont là, le Parquet et les avocats des deux parties sont présents. Le dossier est en état d’être jugé’’, s’était-il félicité plus tôt. Mais c’était sans compter avec les conseils de Khalifa Sall et Cie qui se sont agrippés au Code de procédure pénale pour justifier leur demande de renvoi du procès.

‘’C’est à nous de dire si nous sommes prêts ou non’’

En fait, c’est le coordonnateur du pool des conseils de la défense qui avait ouvert le bal des observations relatives aux omissions. Me François Sarr a expliqué pourquoi l’affaire n’est pas en état. Selon lui, des avocats de la défense n’ont pas reçu de notification. A preuve, certains d’entre eux ont été informés à travers la presse. ‘’Notre présence ne couvre pas cette irrégularité. La procédure doit être régularisée par le Parquet général. Les conseils doivent être avisés faute de quoi le dossier doit être renvoyé. C’est une obligation. Nous parlons d’avocats déjà constitués et qui sont omis par le ministère public. Nous demandons la régularisation de la procédure, mais pas un renvoi’’, a-t-il indiqué.

Avant que son confrère Me Ciré Clédor Ly ne fasse remarquer que beaucoup d’avocats sont absents, puisque les formalités qui sont prescrites par la loi ne sont pas requises. D’autant plus qu’il y avait des robes noires venues de la France et du Mali. Me Amadou Aly Kane d’insister : ‘’Ce procès doit être équitable. Il doit obéir à une certaine norme. Ce pays a signé des conventions internationales qui donnent le droit à la personne qui est poursuivie de disposer du temps nécessaire pour préparer son dossier. C’est à nous de dire si nous sommes prêts ou non. C’est nous que nous jugeons !’’

A leur suite, le procureur général avait pris la parole. Lassana Diaby a relevé que les règles édictées par le tribunal sont applicables devant la Cour d’appel. ‘’Nous sommes en appel. Les procédés utilisés devant le tribunal ne le seront pas ici. Les prévenus sont à la barre, le juge peut les appeler afin qu’ils disent qui sont constitués pour eux. Ce n’est pas forcément les avocats qui étaient en première instance qui seront devant cette juridiction’’, a-t-il proposé à Demba Kandji, avant que les conseils de l’Etat ne se fassent plus explicites, en soutenant clairement que la demande de Me Sarr ne peut prospérer.

‘’C’est un faux débat qu’on a voulu soulever’’, ont-ils martelé. Me Baboucar Cissé de souligner qu’il y a même une question préalable à régler. ‘’On est devant la Cour d’appel et il me semble que les constitutions ne sont pas encore confirmées’’, a-t-il fait remarquer. Me Moussa Félix Sow de renchérir ‘’que le dossier peut être renvoyé pour une meilleure préparation, on peut comprendre. Mais qu’on ne nous dise pas que les avocats ne sont pas avisés’’.

Assurant les intérêts de la Ville de Dakar, Mes Ousseynou Gaye et Issa Diaw ont souligné qu’en première instance, il y a eu beaucoup de témoins à la barre. ‘’Leur présence me paraît impérieuse pour la manifestation de la vérité’’, a dit Me Gaye.

Dans cette affaire, le maire de Dakar Khalifa Sall, Mbaye Touré, Amadou Moctar Diop, Ibrahima Yatma Diao, Yaya Bodian, Fatou Traoré Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré sont poursuivis pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de F CFA, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, et association de malfaiteurs.

AWA FAYE

Section: