Les ratés de l’instruction civique
La République est bafouée dans beaucoup d’écoles. Celle de l’unité 26 en fait partie ; la construction du citoyen de demain y est aujourd’hui entravée par une éducation déficiente selon ses valeurs. La symbolisant, le drapeau national souffre d’une absence totale de considération de la part des enfants qui font de son espace une aire de jeu et de danse. Or, la mission de l’Ecole étant, selon la Loi 91-22 du 16 février 1991, en rapport avec le projet politique d’un « citoyen averti, responsable et respectueux de la nation et capable de participer au développement de son pays », le drapeau devrait être un outil pédagogique pour enseigner les notions abstraites de Nation et de République, et leur comportement opposable.
L’enseignement exigeant un cadre émotionnel, il incombe à l’équipe pédagogique d’organiser la levée des couleurs dans une solennité qui marque l’esprit de l’Enfant, et à l’Enseignant(e) de lui apprendre régulièrement ses multiples aspects, et le cas échéant, des valeurs humaines et sociales. Ainsi, faute de ce rituel dans notre école, la mise en berne du drapeau n’a pas été respectée avec le deuil national décrété pour compatir à la douleur des pays victimes du terrorisme. Aussi, non régulé aux normes de la République, l’espace scolaire n’a pas permis, au moyen de « l’éducation des sens » que nos enfants soient initiés «aux idées générales » comme celle de combattre la mort gratuite, silencieuse ou violente . Et de celle-ci, que soit induite une « pensée abstraite» de construire le bonheur individuel, dans une « vie morale », à travers une citoyenneté basée sur des réalités.
Dans cette optique, se révélant un enjeu positif de l’éducation, le contrôle du milieu est gage de discipline et de protection développementale. Discipline, car l’intérêt de la régulation du milieu selon le drapeau, c’est de respecter son espace et le quantum horaire pour implanter le rituel. Protection, car étant constitué d’immaturité psychologique et de besoin relationnel à l’autre, et caractérisé par une curiosité et une propension à ne plus se référer à ses parents, l’accomplissement de l’enfant se trouve dans un cadre bienveillant qui, dans une démarche intellectuelle, lui cultive un libre arbitre lui permettant de faire face à la complexité et la variabilité de l’environnement. Mais « son bonheur résidant dans la soumission à sa raison », il lui faut un objecteur de conscience qui, dans une démarche vertueuse, oriente son libre arbitre dans la considération de sa personne, de sa famille et de son pays, pour construire des connaissances propres et faire preuve de compétences.
C’est faute de ce cadre stratégique au stade crucial de son cycle de vie, que l’enfant se retrouve dans une situation de danger de vicieux accomplissements, biologique et citoyen. D’une part, l’absence d’un accompagnement vigilant de sa crise développementale le conduit vers des pairs peu recommandables, vers des adultes qui abusent de ses vulnérabilités psychologique et économique en lui apportant affection et soutien. C’est ainsi que, dans le cas des événements de Paris, incompréhensibles au pays de puristes de l’enfance/adolescence comme ALAIN-FOURNIER, FRAINET, ZAY et RUFO, il a rejoint des enfants de la rue et des gangs, est tombé dans des endoctrinements avec des mentors autres que ses parents et enseignants. D’autre part, l’insuffisance d’un subséquent encadrement entrave le développement de ses fonctions exécutives. Ce qui entache sa libre détermination et le rend sensible à la manipulation.
Finalement, la montée des couleurs dépasse son aspect protocolaire. Ritualisée dans l’espace scolaire, suivant des valeurs cardinales de la Nation et de la République, elle revêt un aspect éducatif et développemental de construction de la citoyenneté totale. En conférant à l’espace scolaire un milieu contrôlé, elle montre que l’école est la première « maison » du citoyen où, dès le jeune âge, sa construction est élargie et son libre arbitre structuré pour constituer un instrument valide de son bonheur individuel, de sa paix sociale et environnementale. Elle démontre aussi, bien qu’émanant d’un projet politique, sa réalisation est institutionnelle. P
ensée par des politiques, elle est conçue suivant des réalités par l’élite intellectuelle et mise en œuvre par les acteurs locaux du développement, dont des enseignants dotés d’une conscience citoyenne, d’un sens élevée de la République et aux compétences confirmées. Au regard du citoyen à construire, selon le projet politique et la mission de l’Ecole, dans toutes écoles, publiques ou non, confessionnelles ou non, d’enseignement général ou professionnel, il importe que la levée des couleurs soit une activité versus résultat. Le projet éducatif devrait, sinon en faire un des « éléments techniques » de sa logique interne, du moins l’envisager comme un « élément stratégique » de sa logique externe pour gérer toute situation de risque de ne pas atteindre la finalité.
Dr Aboubacry Yoro SY, Président de l’APE de l’Ecole 26, Advanced training of trainers, Ancien conseiller technique du ministère de la Santé et de la prévention ; hadysy26@gmail.com