Publié le 28 Jul 2017 - 21:29
L’ETAT RESTITUE DES MEDICAMENTS SAISIS A DES VENDEURS ILLEGAUX

Les pharmaciens tombent des nues et menacent

 

Des médicaments saisis à Darou Mousty puis restitués par l’Etat. Touba préservée d’une opération d’envergure internationale contre les faux médicaments et l’exercice illégal de la pharmacie. La coupe est pleine pour le syndicat des pharmaciens privés du Sénégal qui annonce une marche nationale, en plus d’une journée zéro pharmacie, dans les prochains jours.

 

Des pharmaciens abasourdis et très remontés ont fait face, hier, à la presse pour dénoncer la restitution de plus d’une tonne 200 kg de médicaments par les autorités à des vendeurs illégaux, à Darou Mousty. ‘’Nous avons constaté la restitution de tous les produits saisis, sur décision irresponsable voire criminelle des autorités, car faisant fi de l’impact de ces produits, dont une bonne partie était déjà périmée, sur la santé des populations. En plus, il y a eu l’arrêt et la libération sans jugement des personnes interpellées’’, s’étrangle le secrétaire général du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, Docteur Assane Diop. Qui souligne que cette décision expose les populations de Touba et Darou Mousty à la consommation de médicaments de qualité inférieure. En effet, un Comité National de lutte contre les Faux Médicaments et l’exercice illégal de la pharmacie, en collaboration avec Interpol, a initié, les 6 et 7 juillet derniers, une opération dénommée Heera. L’objectif global était de lutter contre le trafic de produits médicaux illicites et le démantèlement des réseaux impliqués dans les 15 pays de la Cedeao et la Mauritanie. Cependant, dénoncent les professionnels du médicament, les enquêteurs ont fouillé partout, sauf à Touba qui ‘’est connue pour être la plaque tournante de ce trafic, avec plus de 300 dépôts illégaux’’, fulmine Docteur Assane Diop.

Devant autant de forfaitures, le syndicat a décidé d’organiser une journée zéro pharmacie, dans les tous prochains jours, et une marche internationale. En plus de cela, il compte saisir l’Organisation mondiale de la Santé, les institutions compétentes de la Cedeao, la conférence Internationale des Ordres des pharmaciens Francophones et l’Inter Ordre des pharmaciens d’Afrique. ‘’Nous allons mener toutes les actions visant à préserver la santé des populations et le respect de la profession. Nous n’excluons pas d’attaquer cette décision de restitution des médicaments illicites auprès des juridictions compétentes, tant au niveau national qu’international’’, avertit Dr Diop. Avant de préciser qu’en raison de la sacralité des vies humaines, aucune considération envers quelque lobby ou groupe de pression ne doit retenir l’attention des institutions de la République et des autorités qui doivent protection aux populations sénégalaises.

A cela, les pharmaciens ajoutent le problème de l’insécurité avec la recrudescence des cambriolages (une dizaine de pharmacies cambriolée, depuis le début de l’année). D’ailleurs, à ce niveau, il a souligné que les enquêtes sur le cambriolage suivi de la mort de deux hommes, en début d’année, n’ont rien donné. ‘’Quand nous demandons des informations, on nous dit que l’enquête suit son cours. Mais à vrai dire, rien n’a changé’’, déplore-t-il. La persistance des dépôts illégaux et des points de vente illicites de médicaments dont Keur Serigne Bi, le marché de Thiaroye, le marché Diaobé et au niveau des marchés hebdomadaires indisposent les professionnels du médicament.

L’ordre des pharmaciens du Sénégal demande à l’Etat de prendre ses responsabilités

Il faut noter que la vente illicite des médicaments constitue un véritable problème de santé en Afrique. Selon l’Oms, 30 à 70% des médicaments commercialisés dans le continent sont contrefaits. La totalité de ces produits se retrouvent dans le marché parallèle. Cette criminalité pharmaceutique tue plus de 800.000 personnes par an en Afrique. A ces décès, s’ajoutent des cas de cancer, d’antibio-résistances, d’insuffisances rénales, hépatiques, cardiaques entre autres. Le président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal de souligner que nous sommes dans un pays de droit où ne peut manipuler le médicament que le pharmacien. Il est important, dit-il, de respecter les rôles tels que distribués par le législateur.

‘’Si ce n’est pas le cas, on va vers une forme d’agression d’une profession dont nous avons l’obligation de veiller sur son indépendance. Ce qui s’est passé, nous interpellons l’Etat. La mission de l’Ordre est de veiller sur la santé publique, une mission de réglementation. Maintenant, si on demande à l’Ordre de veiller sur des professionnels qualifiés et reconnus par l’Etat et, à côté, on permet à des non professionnels, des gens qui n’ont rien avoir avec le médicament, qui ne sont préoccupés par le gain financier de faire ce qu’ils veulent. Il se pose un réel problème d’indépendance de cette profession’’, dit-il.

Selon Docteur Amath Niang, la profession est agressée à tout bord. ‘’Si l’Etat se permet de favoriser des pratiques qui sont contraires au plan de législation à toute une réglementation, permettant à des profanes de manipuler ces médicaments et de pouvoir gérer la santé des populations. En tout cas, l’Ordre se démarque de toute responsabilité de sa part’’, fustige Dr Niang. Qui invite, par ailleurs, celui-ci à beaucoup plus de responsabilité, de retenue, de justesse pour que le secteur soit préservé, au bénéfice de la santé des populations. Car, argumente-t-il, si cela n’est pas fait, la population est exposée avec le développement des maladies liées à l’utilisation des médicaments, à des échecs thérapeutiques, du fait des médicaments qui ne sont pas efficaces et à la banalisation d’une profession.  

VIVIANE DIATTA

Section: