Publié le 13 Oct 2018 - 11:03
L’EXPERT INDEPENDANT ALIOUNE TINE SUR LE MALI

« Un climat de peur et d’insécurité dans le nord et le centre du pays »

 

L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, est extrêmement préoccupé par la dégradation continue de la situation sécuritaire, et humanitaire au nord et au centre du pays.

 

Le climat généralisé d’impunité au mali est aggravé par les dysfonctionnements chroniques de la justice avec les magistrats en grève depuis plus de 70 jours. « L’État n’a pas assuré son rôle régalien de protection des biens et des personnes et de traduire en justice les auteurs d'actes criminels », déclare l’Expert indépendant Alioune Tine. « Au nord comme au centre du pays, il règne un véritable climat de peur et d’insécurité avec un impact réel sur la vie des populations, hantées par les violences quotidiennes. Cette situation est due à l’absence de certaines autorités de l’État à Tombouctou, à Gao, à Kidal, à Mopti et à Ménaka, notamment l’absence du système judiciaire, administratif, de défense et de sécurité », ajoute l'expert qui vient de boucler une visite de douze jours au Mali.

La recrudescence des confrontations entre membres de différentes communautés, les règlements de comptes, les assassinats ciblés, la pose des engins explosifs, les attaques des convois humanitaires, les enlèvements, les vols, les viols et les violences sexuelles commis sur les routes, et en villes impactent sur la vie, l’intégrité physique, la mobilité de personnes et sur leurs activées économiques. Même les femmes et les enfants ne sont pas épargnés par ces violences. « Aucune femme ne peut monter dans un bus entre Gao et Bamako sans risque de violence physique ou sexuelle », alerte l’expert indépendant.

Appel à la communauté internationale

Alioune Tine recommande à la communauté internationale de renforcer son engagement avec l’État malien pour qu’il puisse remplir ses obligations relatives à la protection des biens et des personnes, surtout concernant les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, auxquelles il faut absolument mettre un terme.

L’expert indépendant exprime son inquiétude par rapport à l’exacerbation des conflits intercommunautaires qui constituent de plus en plus des ferments dangereux pour la cohésion nationale et le vivre ensemble. L’État du Mali, la société civile et les citoyens doivent développer de toute urgence des stratégies de nature à mettre fin à cette situation.

L’absence de l'État dans le centre et le nord du pays continue de toucher des milliers d'enfants qui n'ont pas la possibilité d'aller à l'école. Au moins 332 400 enfants ont été privés du droit à l’éducation durant l’année scolaire 2017-2018. Les enseignants craignent pour leur sécurité, en particulier dans les zones où des groupes armés extrémistes seraient actifs. "Des mesures de sécurité doivent être prises pour que le Mali évite une génération perdue d'écoliers", avertit Alioune Tine.

L’expert indépendant salue toutefois les efforts du gouvernement avec la visite du Premier Ministre au Centre, lors de la rentrée scolaire, pour adresser à la fois cette question ainsi que celle des conflits intercommunautaires et l’invite à faire davantage pour assurer la sécurité des personnes dans le Centre et Nord du pays.

Tensions politiques

L’expert indépendant exprime également sa préoccupation par rapport aux tensions politiques liées à la situation post-électorale et à l’organisation des prochaines élections législatives qui doivent se dérouler dans la paix et la sérénité. M. Tine souligne qu’il y a des difficultés sérieuses dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger qui pourrait être réglé, par de mesures législatives fixant le statut juridique des acteurs de la paix. Les incompréhensions et malentendus que cela a créé auprès de certains acteurs de la paix, comme la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d'Alger et le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) ont joué sur la confiance des groupes armés concernant l’application de l’Accord, notamment sur le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, déterminant pour une paix durable.

L’expert indépendant recommande enfin à tous les acteurs sur le théâtre des opérations de respecter strictement l’indépendance et l’impartialité des organisations humanitaires dans leur assistance alimentaire et sanitaire aux populations touchées par le conflit. 

Au cours de sa visite, M. Tine a visité les régions de Bamako, Gao et Kidal et a rencontré des membres du gouvernement malien, des membres de l'opposition politique, des membres de la communauté internationale, des membres des forces armées maliennes et du CMA, ainsi que des représentants de la société civile et des chefs traditionnels. Il présentera son rapport au Conseil des droits de l'homme en mars 2019. Alioune Tine a pris ses fonctions d’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, le 1er mai 2018.

Mame talla Diaw

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