Publié le 23 May 2016 - 20:03

L’Impôt et les députés ! 

 

Nous avons le chic, dans ce pays, de nous poser toutes sortes de faux-problèmes pour avoir, ensuite, à user de toute notre énergie et de toutes nos ressources à seule fin de les résoudre.  Témoin cette histoire d’impôts à l’Assemblée nationale ! Qu’y a-t-il de vrai là-dedans ? M. Sonko est inspecteur des Impôts et -accessoirement peut-être -secrétaire général de : ‘’Patriotes sénégalais pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité’’ (Pastef) c’est-à-dire, très clairement, un proto-parti politique. Ce n’est donc pas n’importe qui que ce M. Sonko or, et d’après ce qu’en a dit Mody Niang dans ‘’Le Quotidien’’, il prétendrait que l’Assemblée nationale ne reverserait pas au Trésor public les impôts payés par les députés si tant est même que ceux-ci eussent seulement déjà été retenus à la source !

C’est grave ça ! Et ce n’est pas parce que M. Sonko pourrait apparaître comme un politicien encagoulé, comme il y en a autant que de partis légalement constitués, qu’il faudrait en inférer que ce qu’il dit serait faux ! Non ! Des  scandales de cette nature, révélés par des lanceurs d’alertes ou des organisations de la société civile, il y en a tous les jours et sur tous les cieux ! Mais ces ‘’révélations’’ sont toujours très informées c’est-à-dire dûment documentées !       

Celles de ce M. Sonko le sont-elles suffisamment ? Je n’en sais rien ! Ce que j’en sais, je le tire de la lecture du ‘’Quotidien’’ de samedi dernier et de la contribution de Mody Niang. Et le débat qui y est posé nous interpelle tous, il n’est pas anodin ou subalterne puisqu’il touche aux sources mêmes de la démocratie représentative.

Le Parlement, dans sa forme et son acception modernes, est né du fait que l’Etat doit vivre et qu’il ne peut le faire qu’avec le concours, par leurs contributions, de ses citoyens. Mais, pour que leurs contributions soient dues et puissent être légalement perçues, il faut qu’elles soient légitimes. C’est-à-dire, acceptées, consenties par ceux-là même qui y sont assujettis. Ce ne fut qu’après moult tragédies, révoltes, révolutions et guerres civiles que cette donnée fondamentale a été enfin actée et mise en œuvre partout. La Grande Charte d’Angleterre sous Jean Sans-Terre, la ‘’Tea party’’ de Boston annonciatrice de la guerre d’indépendance américaine, les Etats Généraux de 1789 et la Révolution française procèdent tous de cela : il fallait que les gens acceptent pour qu’on puisse, légitimement et légalement prendre leur argent. Mais, comme ils ne peuvent pas -‘’les gens’’- être Fous réunis à la fois et en un seul lieu et au même moment, ils élisent des représentants auxquels ils délèguent leurs pouvoirs d’accepter ou de refuser !

Ce sont les députés ! Et qui, dès lors qu’ils sont en capacité de refuser de donner leur argent, ont exigé et obtenu des Rois de savoir exactement ce que l’on faisait réellement de leur contribution et pourquoi, et comment ?

Je ne crois pas me tromper de beaucoup en affirmant que les députés - ou les parlementaires d’une manière générale - ont particulièrement mauvaise presse dans ce pays ! Ils y seraient assez généralement perçus comme des sortes de parasites en ce sens qu’ils coûteraient fort cher tout en étant parfaitement inutiles. C’est fort injuste, mais cette opinion était si profondément enfoncée dans l’esprit public que Léopold Sédar Senghor lui-même dût céder, un moment, et décider, à la fin des années 60, de faire de leur mandat un mandat gratuit en ne leur consentant – tout au plus - que des ‘’indemnités’’ de session pour le temps où ils l’étaient ! C’est-à-dire deux fois l’an, alors ! Ce n’était pas tenable bien sûr…

Car on ne peut pas voter la loi, faire la loi et notamment la Loi des finances (le Budget) qui fait que l’Etat peut fonctionner toute une année durant et n’être pas rémunéré, soi-même, pour une période au moins équivalente !

Churchill, Sir Winston de son prénom, disait de la ‘’démocratie’’, c’est-à-dire du système représentatif, qu’elle ne valait pas grand-chose et que même elle était la plus mauvaise forme de gouvernement qui soit, avant toutefois d’ajouter tout uniment ‘’à l’exception de tous les autres !’’  C’est bien cela, en effet ! Car, quand bien-même serait-elle imparfaite et énervante, la démocratie serait encore meilleure et mille fois que tous les autres régimes politiques connus et on les a tous essayés et tout au long de l’Histoire !

Ainsi n’est-ce pas l’Assemblée nationale qui serait mauvaise mais, peut-être, la qualité des députés qui s’y trouvent assemblés qui gagnerait à être améliorée ? Et peut-être encore, ne sont-ce pas les députés eux-mêmes mais les partis qui les y ont envoyés qui doivent être interpellés. Et de fil en aiguille, n’y aurait-il pas mieux à faire encore. Il se pourrait, en effet, que l’on doive aller plus loin dans la recherche de ce qui peut améliorer notre démocratie en réconciliant les mandants que nous sommes avec nos mandataires.

La tradition politique que nous avons est d’essence et de culture françaises que ne regarderions-nous pas un peu, du côté du monde anglo-saxon ? N’y aurait-il pas lieu de revisiter notre système électoral et nos circonscriptions aussi ? Mais ça, c’est du travail ! Ce serait même une révolution et là, franchement, nous n’y sommes pas encore prêts. Faire un scrutin, pour les législatives, un scrutin uninominal à un ou deux tours, voilà qui garantirait une vraie majorité et ancrerait petit à petit l’idée d’une bipolarisation solide et génératrice d’alternances apaisées et fécondes.

En ces temps de dialogue dit ‘’national’’ et inclusif, il ne serait pas si saugrenu que cela, je crois, qu’une réflexion puisse être ouverte et conduite, ne serait-ce que pour maintenir les esprits ouverts et les sens en éveil !

‘’Mais, c’est dingue ce que ce type suggère-là’’, va-t-on me dire ! Car, à ce compte-là, (en poussant un peu) Wade n’aurait pas été battu en 2012 et nous serions à devoir, forcément, élire son fils en 2019 ! Faux ! Car, et à ce compte-là justement, Wade ne serait jamais arrivé au pouvoir battu et de fort loin qu’il aurait déjà été par Abdou Diouf en février 2000. CQFD   

 Par Abdou Salam Kane

 

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