Il y a eu contestations, mais pas l’insurrection tant redoutée. L’opposition réunie a constaté, hier, les résultats provisoires du scrutin du 24 février, les ‘‘rejette fermement et sans aucune réserve’’, et... décide de ne pas faire de recours.

Macky Sall, vainqueur provisoire du scrutin présidentiel du 24 février 2019, ne devrait pas recevoir d’appel téléphonique de son opposant direct, consacrant son succès électoral. Un rituel qui conférait un cachet encore plus légitime à toute victoire électorale dans ce pays, depuis la présidentielle de 2000. Il est 13 h 55, ce jeudi 28 février 2019. Le président de la Cour d’appel, Demba Kandji, vient de finir de proclamer les résultats provisoires de l’autre côté, au palais de Justice de Dakar. Les commentaires insultants des militants fusent à son encontre, lui qui chapeaute la Commission nationale de recensement des votes, ainsi qu’à l’encontre du président élu de la République Macky Sall.

En fait, d’une élection provisoire, le candidat de Bby peut déjà commencer à jubiler, puisque son suivant Idrissa Seck, arrivé 2e avec 20,50 % des suffrages, s’est pratiquement résigné, après avoir marqué sa désapprobation sur l’issue de ce scrutin. ‘‘Nous rejetons fermement et sans aucune réserve ce résultat. Nous ne ferons aucun recours devant le Conseil constitutionnel. Force est de constater que le candidat sortant a confisqué la volonté du peuple sénégalais et sera seul à assumer les conséquences face au peuple et face à l’histoire’’, s’est finalement lâché Idrissa Seck. Une déclaration laconique qui a laissé tout le monde sur sa faim, dont le communiqué écrit est signé par les trois autres opposants.

L’épilogue d’une longue attente qui a commencé en début de matinée, hier, devant le siège de son allié de Bokk Gis Gis, Pape Diop, sur la Vdn. Une conférence de presse des leaders de l’opposition y était annoncée, juste après la proclamation du juge Kandji. Mais c’est au Point E, lieu de résidence d’Idrissa Seck, que les choses se passaient, en réalité. Les deux grosses cylindrées noires qui avaient parcouru le pays pendant la campagne électorale sont garées devant la demeure blanche estampillée aux affiches du candidat de la coalition Idy2019. Derrière les vitres teintées et les stores baissés, se trouvent les quatre plus grands opposants du Sénégal, qui sont dans l’attente de la publication des résultats provisoires du scrutin du dimanche 24 février 2019.

Les journalistes sont priés de respecter ce huis clos et occupent en nombre les deux trottoirs de la rue de ce quartier tranquille. Le dispositif sécuritaire, à qui la rumeur attribuait avoir quadrillé le domicile, est en fait très léger. Juste un gendarme qui déambule en téléphonant, dont la voiture est garée loin, ainsi qu’un autre véhicule de la police très éloignée des lieux.

Idy dénonce ‘’la commande du candidat sortant’’

A quelques minutes de 12 h 30, l’heure prévue pour la publication des résultats par le président de la Cour d’appel Demba Kandji, un rififi fait se converger tous les journalistes à la porte d’entrée de la maison. Le leader de la coalition Sonko-Président, Ousmane Sonko, sort et s’engouffre directement dans sa voiture, suivi d’Issa Sall de la coalition Pur100 qui adopte la même posture, puis de Me Madické Niang. Ce dernier brise le silence. ‘‘Nous attendons que les résultats soient proclamés pour nous entretenir avec vous’’, concède-t-il. Sans plus. Alors que ces principaux candidats sont rentrés, d’autres membres de la coalition Idy2019, comme Amsatou Sow Sidibé, Hadjibou Soumaré et Barthélémy Dias débarquent, s’entretiennent avec Idrissa Seck et ressortent aussitôt.

‘‘Les politiciens ont fait ce qu’ils devaient faire, maintenant c’est au peuple de devoir éviter la confiscation de son expression’’, clame le maire de Mermoz/Sacré-Cœur. On est alors à une trentaine de minutes d’une déclaration importante, et les premiers signes d’un discours défaitiste se manifestent déjà. ‘‘La Commission nationale de recensement des votes vient de publier un résultat qui reflète parfaitement la commande du candidat sortant’’, dénoncera par la suite Idrissa Seck, en début de conférence de presse. Le climat insurrectionnel tant redouté a accouché de vives contestations verbales tout à fait circonscrites devant chez le leader. Des tee-shirts blancs floqués de ‘‘2nd tour sans détour ni bavure’’ sont distribués aux partisans qui commencent à s'échauffer aux cris de ‘‘Deuxième tour, Deuxième tour !’’. ‘‘On ne va pas descendre dans la rue pour Sonko ou pour Idy. On va descendre, car notre avenir est en jeu’’, avance Papa Abdoulaye Touré du collectif des non-inscrits.

D’autres jeunes, massés à la porte du domicile, réclament un mot d'ordre et exhortent les leaders à sortir dans la rue pour en découdre. La harangue du jeune militant Abdou Samak de la coalition Idy2019 n’y fera rien. La bravade s’en limitera à une vive contestation devant la maison du candidat malheureux. Point d’orgue d’une journée bien peu mouvementée. Seul motif de se réjouir, vainqueurs et vaincus ont tous deux salué et félicité la maturité du peuple sénégalais.

OUSMANE LAYE DIOP