Publié le 7 Nov 2019 - 19:42
LA BOURDA

Aux origines du poème panégyrique

 

La Bourdatoul Madih, communément appelée ‘’Bourd’’ au Sénégal, fait partie des moments les plus importants de la célébration du Maouloudoul Naby. Qu’est-ce que c’est la Bourda ? Quel est son sens dans la célébration du Gamou ? Des questions auxquelles ‘’EnQuête’’ a tenté d’apporter des réponses.

 

Le Maouloud, qui commémore la célébration de la naissance du Prophète Mohamed (Psl) est un moment de grâces, d’adoration de Dieu, mais aussi de retrouvailles et de réjouissances populaires. En prélude à ce grand évènement prévu le 9 du mois courant, les séances de Bourda ont démarré la nuit du 29 octobre dernier pour être clôturées aujourd’hui jeudi 8 novembre 2019, soit deux jours avant le Gamou.

Le démarrage de la Bourda marque, en effet, le premier jour de Rabi Al Awal sur le calendrier hégirien. Elle consiste à des récitals de poèmes panégyriques qui résonnent partout dans la ville religieuse pendant 10 jours. ‘’Mawlaaya Salli wasalim daa'iman abadan Alaa habiibika xayril xalqi kul lihimi’’, chantent en chœur les fidèles qui viennent souvent des autres régions du pays. C’est un extrait du poème dédié au Prophète de l’islam (Psl).

La Bourda est l’incantation symbolique de ce poème récité tous les soirs avant le grand Gamou. Elle est une œuvre dans laquelle s’entrevoit le cachet lumineux de l’action mahométane, celle-là qui donne tout son sens à l’histoire sainte. Elle est un ‘’khassida’’ d’un saint homme ayant vécu au VIIe   siècle de l’Hégire, l’imam Bousri, de son vrai nom Abou Abdallah Mouhammad Ibn Said Al Bousri. Il est originaire du pays des Pharaons, là où se côtoient pyramides et découvertes phares, à l’image des fameux hiéroglyphes de Jean-François Champollion.

Selon le site www.asfiyahi.org, les écrits de ce saint homme frôlent parfaitement une poésie au vrai sens du terme, cette forme d’expression littéraire qui fit dire à Serigne Pape Malick Sy, le porte-parole du khalife général des tidianes : ‘’La poésie désigne l’expression du beau idéal par le langage mesuré. Elle doit flatter l’oreille, toucher le cœur, frapper l’imagination et élever l’esprit. ‘Al Bourda’ signifie le manteau, et est le plus célèbre de ses écrits. Le fameux manteau dont il est question ici est exposé en Turquie, au musée du Serail, situé dans la capitale de ladite ville (Istanbul). Al Maktoum racontait que le passionné, qui évoluait sous le joug du vizir Ibn Hinna, a tenté maintes fois de faire mieux, après avoir achevé ce poème, mais en vain. C’est tout simplement parce qu’il demeure l’œuvre de la vie d’imam Bousri, tout comme le Sceau de la Prophétie (Psl) reste l’œuvre de l’existence de Dieu. Il ne peut donc qu’émaner d’une volonté confirmée. Voilà pourquoi le fameux poème ne cesse de faire valser l’imagination des disciples tidianes le temps de ses récits nocturnes en prélude au Mawlid.’’

Selon l’islamologue El Hadj Malick Faye dit Maodo Faye, la Bourda est un livre dans lequel on chante le Sceau de l’humanité, Mouhamed. Il y a 12 centres d’intérêt, mais on a pris les 11 seulement. Il signifie le manteau qu’on porte, confirme-t-il à son tour. A l’origine, poursuit le journaliste à la radio Sud Fm, imam Bousri était gravement malade. Il a vu en rêve le Prophète Mohamed (Psl). C’est suite à cela qu’il a été guéri. Comme pour rendre hommage à ce dernier, il a pris sa plume pour lui dédier des chansons. ‘’La façon dont il l’a chanté en respectant la versification, a poussé El Hadj Malick Sy à dire qu’il va lui rendre hommage, lors des 12 premiers jours du mois du Gamou. Ne perdez pas de vue que la nuit du Prophète a été sujet de polémique. Mais pour être dans les intervalles, Maodo a pris le soin de prendre les 12 premiers jours. Par conséquent, on va faire la Bourda les 10 jours, pour se reposer le 11e jour et célébrer le Mawloud le 12e jour. Bourda signifie littéralement le manteau, mais ici il s’agit d’une chanson. Voilà la quintessence de cette histoire’’, a expliqué Maodo Faye.

Le titre n’est cependant pas fortuit. Dans le rêve, d’imam Bousri, le Sceau des Prophètes lui a offert un manteau. C’est pourquoi il a choisi ‘’Bourda’’ comme titre de son ‘’khassida’’, racontent certains. D’autres soutiennent, à côté, que si Mohamed (Psl) lui est apparu en songe, c’est parce que malade, l’imam Bousri ne cessait de chanter. Dans Bourda, il dit dans un des vers : ‘’Ne chantez désormais que l’homme qui n’a point d’égal sur terre et est le meilleur d’entre nous.’’

‘’El Hadj Malick a fait un marketing ou…’’

Selon Maodo Faye, la Bourda n’appartient pas exclusivement à la communauté tidiane. ‘’Attention, elle ne leur appartient pas. Il s’agit d’un livre qui est officiel, qui est général. C’est un Egyptien qui a chanté les louanges de Mouhamed (Psl). Ce dernier a écrit pour tout le monde. Il n’est pas exclusivement pour les tidianes. Les mourides pouvaient ou peuvent le faire, mais El Hadj Malick a fait connaître ce texte à beaucoup et s’il y avait des droits d’auteur à payer, ce serait sûrement à lui qu’on les aurait versés. La célébrité de ce livre dans le monde revient entièrement à El Hadj Malick’’, a indiqué le prêcheur. Et si le fondateur de la tijaniya avait ce choix, c’est parce qu’il a su apprécier à sa juste valeur la beauté, la richesse et la valeur profonde de ce texte.

Donc, il a tenu à le vulgariser. Cela démontre également, quelque part, la générosité de Maodo. Car lui-même est auteur d’un texte de haute facture. ‘’El Hadj Malick Sy a eu à écrire un livre pareil. Mais puisse qu’il respectait Bousri, il lui a rendu hommage. Ce qui fait que le nom de ce livre est collé aux tidianes’’, a conclu El Hadj Maodo Faye.

CHEIKH THIAM

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