Publié le 14 Sep 2015 - 12:14
LA CHRONIQUE D’ABDOU SALAM KANE

Corruption : le serpent se mord la queue ?

 

Alassane K. Kitane est professeur dans un lycée de Thiès. Il écrit souvent dans les journaux et toujours très bien. Il est rafraîchissant et roboratif en même temps. Seulement, pour une fois, je me dois de lui marquer mon désaccord. Non pas même sur ce qu’il a dit ou comment il l’a dit mais, précisément, sur la suite de ce qu’il a dit dans le Quotidien de samedi dernier. Car, enfin ‘So What’’ ? Alors quoi ? En effet ! Les occidentaux nous ont trouvés corruptibles, nous nous sommes laissés corrompre par eux.

Et après cela, ils se sont mis à dénoncer notre corruption afin de nous avoir encore plus à leur botte et à leur portée. Et nous-mêmes, comme en écho, nous nous sommes mus à faire la chasse à nos corrompus afin de rester toujours dans leurs bonnes grâces. A coups de proclamations, d’anathèmes et de tribunaux d’exception. Cela n’est pas bon, selon Alassane et, d’autant plus mauvais, que ces ‘’gesticulations’’, c’est juste pour devoir pouvoir se faire, soi-même, corrompre plus tard !

Tout cela lui paraît scandaleux parce que vain à l’image d’un serpent qui se mordrait la queue pour tester la teneur en toxines de son propre venin ! Je dois dire que si je peux comprendre quelque peu l’intérêt d’un tel exercice, je n’en vois pas l’utilité pratique et pour tout dire politique. La corruption est-elle un mal et doit-elle être combattue ou pas ? Si oui, comment peut-on le faire sans en  déférer les auteurs devant les tribunaux ? De même que le mouvement se prouve en marchant, la lutte contre la corruption se prouve devant les cours de justice et nulle par ailleurs.

Sauf à considérer que cela aussi serait trop long  et qu’il suffit  d’un mur et d’un peloton d’exécution ou d’une hache et d’un billot ou d’une bonne vieille guillotine, sinon d’une cravate de chanvre accrochée à un arbre !  De tous les crimes recensés dans le code, la corruption,  et cela est bien connu de tous, est le plus difficile à prouver. Car cela se passe toujours en secret et il y a que les témoins sont souvent les auteurs eux-mêmes du crime qu’il faudrait punir. Si bien que les enquêteurs en sont, souvent, pour leurs frais.

Il peut être tentant, alors de chercher à faire plus rapide, plus efficace, plus expéditif en tout cas et d’envoyer tout de suite ‘’ad patres’’ ceux qui pourraient être susceptibles d’avoir été corrompus. Ainsi que leurs corrupteurs d’ailleurs s’il pouvait arriver que d’aventure, l’on ait réussi à mettre la main sur eux.

Mais un tel régime, pour efficace qu’il puisse paraître, n’en serait pas moins tyrannique sinon simplement inique en ce qu’il ferait peu de cas des droits de la défense. Les occidentaux auraient tôt fait de le rebuter, ce régime de terroriste et, alors là, bonjour les dégâts ! C’est pourquoi, je ne pense pas qu’Alassane K. Kitane  puisse être en faveur d’un tel régime politique. C’est que l’on passe très vite et, comme insensiblement, de la corruption simple à la corruption morale qui fut fatale à Socrate ou encore à la ‘’corruption sur terre’’  comme il était de règle de le dire du temps de l’imam Khomeiny ! Tant il est vrai que, lorsque les bornes sont franchies, il n’y a plus, absolument de limites.

D’un autre côté, ce n’est pas parce que des preuves de corruption seraient difficiles à trouver ou à établir que l’on ne doive pas chercher à trouver des moyens légaux et surtout légitimes pour déférer les fonctionnaires ou les agents corrompus devant les juridictions compétentes. Rester à ne rien faire, les bras croisés et les yeux levés au ciel simplement parce que la tâche en serait difficile et longue n’est pas digne d’un Etat qui se veut sérieux et crédible ni d’un intellectuel qui lui, l’est forcément. Philosophie pour Philosophie, le choix que je fais quant à moi va à celle des stoïciens qu’aimait à citer le président Abdou Diouf : ‘’Le chemin est difficile, certes, mais c’est le difficile qui est le chemin et, avec Guillaume d’Orange je dirai ceci, si j’étais Macky Sall, qu’‘’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre  ni de réussir pour persévérer. Je maintiendrai !’’

 

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